Lectio Divina du 7 août 2022 : 19ᵉ ordinaire (C) 

Avant tout, je vous propose un temps de prière autour du texte d’évangile, selon la méthode dites de la « lectio divina » (lecture divine, lecture de la Parole divine) en groupe (la famille ou personnellement) la méthode est juste ci-dessous.

Ensuite, je reprends le texte et vous invite à une méditation partie par partie. Cela devrait vous aider à mieux comprendre le texte et à mieux l’assimiler, mais rien ne vaut le temps de prière initial.

         Bonne réflexion et prions les uns pour les autres !

Père Christophe

LECTIO DIVINA : LA MÉTHODE

1- lire silencieusement le texte évangélique pour une meilleure compréhension

2- lire à haute voix (une personne) sans lenteur ni précipitation

Silence pour intérioriser (3 minutes)

Expression libre : chacun est invité à dire le groupe de mots du texte qui lui parle, le touche ; les autres écoutent et accueillent sans questions ni commentaires

3- Relire le texte à haute voix (une autre personne)

Silence pour intérioriser (5 minutes) : qu’est-ce qui me parle aujourd’hui ; comment cela touche-t-il ma vie ?

Expression brève pour ceux qui le souhaitent

4- relire le texte à haute voix (une troisième personne)

Silence pour intérioriser (5 minutes) : Quelle prière monte en moi ?

Expression libre et brève d’une prière

Terminer par un Notre Père en commun

 

Évangile de Jésus-Christ selon st Luc (Lc 12, 32-48)

 

32 Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.

33 Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas.

34 Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

35 Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées.

36 Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.

37 Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.

38 S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !

39 Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.

40 Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

41 Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? »

42 Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ?

43 Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi !

44 Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens.

45 Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,

46 alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles.

47 Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.

48 Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.

 

Lecture ligne à ligne

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples 32 Sois sans crainte, petit troupeau :

L’invitation “sois sans crainte” est une parole typique du Christ dans l’évangile de Saint Luc ; Bien sûr, on trouve aussi une telle invitation dans les autres évangiles par exemple lorsque Jésus marche sur les eaux :

26 En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : « C’est un fantôme. » Pris de peur, ils se mirent à crier.

27 Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance !, c’est moi ; n’ayez plus peur ! » (Mt 14, 26-27)

Et de même :

49 En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris.

50 Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance !, c’est moi ; n’ayez pas peur ! » (Mc 6, 49-50)

Et aussi saint Jean :

Lorsqu’ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de peur.

20 Mais il leur dit : « C’est moi. N’ayez plus peur. » (Jn 6, 19-20)

Mais chez Saint Luc, on trouve plus souvent et plus spécifiquement cette invitation. Ainsi :

1- pour Zacharie

11 L’ange du Seigneur lui apparut, debout à droite de l’autel de l’encens.

12 À sa vue, Zacharie fut bouleversé et la crainte le saisit.

13 L’ange lui dit : « Sois sans crainte, Zacharie, car ta supplication a été exaucée : ta femme Élisabeth mettra au monde pour toi un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. (Lc 1, 11-13)

2- pour Marie

Elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.

30 L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

31 Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. (Lc 1, 29-31)

3- pour les bergers

08 Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux.

09 L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte.

10 Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple :

11 Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. (Lc 2, 8-11

Ces trois premières invitations sont faites par l’ange du Seigneur, toujours pour annoncer une naissance et à chaque fois, cette naissance est le signe de l’accomplissement du Salut promis par Dieu. La crainte vient donc de la manifestation divine et l’invitation à ne pas craindre est à la fois révélation de la douceur de Dieu qui se manifeste par un ange et de sa bonté qui donne le Salut aux hommes à travers la naissance de Jean le précurseur puis de Jésus le Sauveur.

Mais l’invitation est ensuite lancée

4- à Saint Pierre :

Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. »

09 En effet, un grand effroi l’avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient pêchés ;

10 et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Jésus dit à Simon : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »

5- aux disciples

05 Je vais vous montrer qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans la géhenne. Oui, je vous le dis : c’est celui-là que vous devez craindre.

06 Est-ce que l’on ne vend pas cinq moineaux pour deux sous ? Or pas un seul n’est oublié au regard de Dieu.

07 À plus forte raison, les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez sans crainte : vous valez plus qu’une multitude de moineaux. (Lc  12, 5-7)

6- et à tous ceux qui le suivent dans le texte que nous lisons maintenant.

Nous voyons dans ces trois nouveaux exemples que l’invitation est faite pour pousser une personne à accueillir sa mission, à recevoir une révélation sur le plan de Dieu : Pierre deviendra apôtre, pécheur d’homme, les disciples sont sous la protection de Dieu qui sait ce dont ils ont besoin.

Si notre texte commence par cette invitation, nous devons donc chercher dans la suite la douceur et la bonté de Dieu, mais aussi sa révélation sur nous et notre vocation.

Et nous ? De quoi avons-nous peur ? Sommes-nous assez confiants dans la providence divine ?

Pouvons-nous nous rappeler un moment de notre vie où la certitude de faire la volonté de Dieu nous a rassurés, même devant des choix ou circonstances difficiles ?

votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.

C’est seulement un chapitre avant que Saint Luc ait donné la formule de prière de Jésus qui commence par “Père”. C’était une invitation à l’intimité et au dialogue. Ce n’est donc pas un hasard si ici, il réemploie le même vocable. Il ne parle pas du Seigneur ou de Dieu, mais bien du Père. Toute l’affection qu’on pouvait deviner quand il appelait ses disciples “petit troupeau” est aussitôt confirmée et manifestée dans ce choix de parler du Père.

Et voici la Révélation qui suit l’invitation “sois sans crainte”. Elle parle bien de la bonté de Dieu et de sa douceur puisque c’est Lui-même qui va donner. Elle nous parle bien de Salut puisqu’il s’agit du Royaume. Le Royaume pour Saint Luc est directement identifié au Paradis, au ciel, à la communion éternelle avec Dieu. C’est donc l’objectif même du Salut. Mais si nous allons chez Saint Matthieu, en plus de cette acception, nous trouvons toutes ces paraboles du Royaume (le Royaume des cieux est comparable à …) surtout au chapitre 13 : Paraboles du bon grain et de l’ivraie, de la graine de moutarde, du levain dans la pâte et aussi Paraboles du trésor, de la perle et du filet. Mais on trouve ailleurs la parabole du débiteur impitoyable (Lc 23-35), celle des ouvriers de la onzième heure (Lc 20, 1-16) ou des invités indignes de la noce (Lc 22, 2-14) et enfin les vierges folles et les vierges sages (Lc 25, 1-13) et la parabole des talents (Lc 25, 14-30). Toutes ces paraboles évoquent non seulement le Salut, mais aussi la bonté, la douceur et la sollicitude de ce Dieu si prévoyant et si miséricordieux. Voilà la Révélation de l’Amour de Dieu dans toute sa splendeur résumée en un seul mot.

Et nous ? Sommes-nous des chercheurs du Royaume ? Quelle image nous faisons-nous de ce roi qui est aussi Père ? Lui associons-nous les mots amour, patience, miséricorde, douceur, bonté…

33 Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône.

C’était déjà une des invitations lancées aux pharisiens en introduction aux malédictions lancées contre les pharisiens et les docteurs de la loi :

39 Le Seigneur lui dit : « Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur de vous-mêmes, vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté.

40 Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ?

41 Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. (Lc 11, 39-41)

Mais surtout, cela fait penser à la réponse faite au jeune homme riche :

Jésus lui dit : « Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis vient, suis-moi. » (Lc 18, 22)

Pour les pharisiens, c’était déjà une invitation à la conversion et à la pureté, mais pour cet homme, cela va plus loin, avec l’ordre “suis-moi”, Jésus veut en faire un disciple.

Notons enfin que l’aumône fait partie des trois conseils que Jésus donne au début du sermon sur la montagne (Mt 6) : La prière, le jeûne et l’aumône. Cela en montre l’importance. Et pour le Seigneur, ce n’est pas la question de la quantité donnée, mais celle de la totalité comme nous le rappelle l’histoire de la pauvre veuve :

01 Levant les yeux, il vit les gens riches qui mettaient leurs offrandes dans le Trésor.

02 Il vit aussi une veuve misérable y mettre deux petites pièces de monnaie.

03 Alors, il déclara : « En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres.

04 Car tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. » (LC 21, 1-4)

Et nous ? Comment vivons-nous l’aumône ? Que signifierait pour nous “tout donner” ou en encore “suis-moi”. Pouvons-nous identifier ce que nous ne sommes-pas prêts à donner au Seigneur ? Pourquoi ? Comment pourrions-nous essayer de nous en détacher en vue du Royaume ?

Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas.

Là encore le Seigneur dit la même chose qu’au jeune homme riche :

Jésus lui dit : « Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis vient, suis-moi. » (Lc 18, 22)

Mais cela peut aussi évoquer la parabole du trésor de saint Matthieu :

44 Le royaume des Cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ.

Il pourrait sembler que ce n’est qu’une ruse ou risque pris pour gagner plus, mais surtout, il s’agit de choses cachées qui sont découvertes, révélées, c’est ce que nous disions de ce texte dans les premières lignes. Il s’agit d’être capable d’abandonner tout ce que l’on a pour acquérir ce que l’on a découvert, ce que le jeune homme riche n’a pas su faire. Il s’agit enfin de comprendre que ce trésor ne peut s’acquérir, il est une richesse d’un autre genre ; ce qui peut s’acquérir, c’est le champ dans lequel il est, mais pour cela, il faut tout donner. Ainsi le Royaume ne peut s’acquérir, mais nous pouvons, en donnant tout ce que nous avons aux pauvres, acquérir joie et reconnaissance dans le cœur des amis de Dieu qui nous permettra de posséder, par la grâce de Dieu, le Royaume comme eux (« Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux, Mt 5, 3)

Le voleur ou la mite représente l’ennemi qui nous sera présenté plus loin…

Et nous ? À quoi sommes-nous disposés pour le Royaume des cieux ? Et surtout, savons-nous où le chercher ?

34 Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

Cette phrase est sans doute la meilleure explication à la discussion entre les disciples et Jésus après le départ du jeune homme riche :

23 Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! »

24 Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus, reprenant la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu !

25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »

26 De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »

27 Jésus les regarde et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. » (Mc 10, 23-27)

Le seul trésor que nous puissions ou devions espérer, c’est Dieu Lui-même, car alors notre cœur sera avec Lui. Or, Dieu seul peut nous sauver, car pour Lui tout est possible.

Et nous ? N’avons-nous pas tendance à vouloir faire notre salut par nos propres forces ? Avons-nous assez d’amour et d’humilité pour écouter plutôt l’appel de Dieu dans nos vies ?  et si oui, quel est-il ?

35 Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées.

Voici une introduction aux trois courtes paraboles qui vont suivre et nous parler de vigilance : les serviteurs vigilants (V 36-37), le maître de maison contre le voleur (V39), et l’intendant fidèle (V42-47). Elle nous renvoie assez facilement au geste de Jésus durant la dernière cène :

03 Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,

04 se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;

05 puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors, il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.

Voici que le Christ a une tenue de service, le linge de l’esclave est sa ceinture, et il dit un peu plus loin :

15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.

Ce qu’il prescrit, il le vit dans sa chair puis il nous invite à l’imiter. Quant à la lampe allumée, elle vient en contrepoint d’un autre détail de ce soir-là : quand Judas s’en va pour trahir, il fait nuit (Cf. Jn 13, 30).

Et nous ? Comment nous faisons-nous serviteurs de nos frères ? Savons-nous donner plus que ce que nous possédons, non seulement notre argent, mais aussi notre temps, notre énergie, notre attention, notre amour, notre vie ?

36 Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte.

Il ne s’agit pas ici de vierges folles ou sages comme dans la parabole de saint Matthieu (Cf. Mt 25, 1-13) mais des gens, des serviteurs en général. Il ne s’agit plus de l’accompagner pour rentrer à la fête, mais de lui ouvrir, car il ne s’agit pas de l’époux, mais du maître. Ici, il est plus vraisemblable que le Seigneur parle d’un invité retournant chez lui après avoir assisté aux noces d’un autre. Le maître, c’est le Père, l’époux, c’est son fils ; les gens, c’est nous. Puisque nous sommes déjà serviteurs du Père, il n’est pas question de savoir si nous pouvons rentrer, nous sommes déjà avec lui, mais il s’agit de savoir si nous nous considérons comme sauvés ou si nous sommes vigilants pour être là où le Père nous attend.

Nous pouvons aussi penser à la phrase de l’Apocalypse :

20 Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui (Ap 3, 20)

Le maitre est toujours Dieu, mais la porte n’est autre que celle de notre cœur, ce cœur dont nous parlions précédemment qui se trouve où est son trésor, c’est-à-dire Dieu. Il faut donc lui ouvrir pour se mettre à son service. Les noces sont alors celles du Christ et de l’humanité, dont le Père vient en précurseur pour nous, pour que l’époux vienne en nous.

Et nous ? Comment attendons-nous, comment ouvrons-nous la porte de nos cœurs, sommes-nous prêts à laisser le Père en devenir le maître ?

37 Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller.

Voici une béatitude comparable à celles, bien connues, de l’évangile de Saint Matthieu (Cf Mt 5). Le point de départ “heureux” signifie la promesse du ciel, et même le ciel qui commence dès ici-bas, car celui qui vit ainsi sait déjà que Dieu lui accordera le salut et donc peut déjà profiter dans l’espérance. Ensuite vient le mode de vie qui justifie cette promesse de bonheur (ici le serviteur en train de veiller, là les pauvres de cœurs, les cœurs purs, les doux…) et enfin la récompense qui est toujours une description du Salut, mais sous différents aspects (ils verront Dieu, ils seront appelés fils de Dieu, le Royaume des cieux est à eux…) ici, ce sera au paragraphe suivant.

Ici la proposition illustre la parole “restez en tenue de service” ; nous avons vu de quelle tenue il s’agit, maintenant c’est le terme “rester” qui est mis en valeur grâce au mot “veiller”. Il s’agit bien de la vigilance qui nous fait à la fois attendre et désirer le Seigneur, mais qui nous pousse aussi à faire sa volonté même quand il semble loin pour qu’au jour où il se manifeste proche de nous, nous ne soyons pas pris au dépourvu.

C’est si important qu’en dehors des parallèles de ce texte, on ne trouve l’invitation à veiller que pendant l’agonie, mais alors à plusieurs reprises et cela dans les différents évangiles, par exemple :

38 Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Restez ici et veillez avec moi. »

39 Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. »

40 Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller seulement une heure avec moi ?

41 Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (Mt 26, 38-41

La vigilance, la veille est donc à la fois un motif de béatitude, une espérance de salut, et aussi l’attitude à garder à l’heure décisive du combat spirituel, spécialement du combat pour sa vie.

Et nous ? Pouvons-nous observer notre vie et dire en quoi nous sommes vigilants, en quoi nous sommes des veilleurs ? Il y a surement de nombreuses réponses : prière, lecture et méditation de la parole, échange et partage entre croyants, célébration des sacrements… et pouvons-nous aussi repérer nos manques de vigilance ? Il y en a malheureusement aussi beaucoup…

Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir.

L’inversion des rôles semble invraisemblable ! Pourtant, nous l’avons dit dès le début, il s’agit ici d’un texte de révélation quant au Salut par la bonté et la douceur de Dieu. N’avons-nous pas constaté que c’est précisément par une inversion des rôles incroyables que Dieu nous sauve ? Le Fils éternel et parfait, lui qui ne peut mourir parce qu’il est Dieu, Lui qui ne doit pas mourir puisqu’il est saint, accepte la mort pour que nous qui sommes mortels et pécheurs, nous puissions avoir part avec lui pour l’éternité. Y a-t-il plus folle inversion que celle que nous chantons dans l’exultet (chant de l’annonce de la Résurrection) de la nuit de pâques : “pour libérer l’esclave, il a livré le fils” ! 

Il est vrai que si nous demandions aux chrétiens de nous dire quelle est l’image qu’ils se font de Dieu en Jésus-Christ, nous entendrions parler de roi, de maître et de Père, mais sans doute pas de serviteurs comme Il le présente dans ce texte. Cela nous renvoie pourtant encore au texte de saint Jean sur le lavement des pieds :

13 Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment, je le suis.

14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.

15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.

16 Amen, amen, je vous le dis : un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie.

17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. (Jn 13, 13-17)

L’inversion ne signifie pas la négation de la réalité, ce que rappelle le premier de ces versets : “vraiment je suis”

Elle se manifeste pourtant aussitôt : “moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds

Et elle a un but qui rejoint encore ce que nous lisons à présent : êtes-vous, si vous le faites”.

Décidément ce texte qui semble une simple exhortation à la vigilance est bien plus une prophétie sur le Salut par la Passion et la Croix du Fils de Dieu.

Et nous ? Sommes-nous bien conscients de tout ce que le Seigneur a fait et fait encore pour nous ? Cela démontre son amour immense, comment y répondons-nous ? Est-ce que cela fait grandir notre amour et notre gratitude ?

38 S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils !

Il y a ici une simple insistance, insistance sur la nécessité de veiller avec les deux heures extrêmement tardives, et insistance sur le but : le bonheur.

Et nous ? Sommes-nous bien conscients que toute la vie chrétienne, que tous nos efforts de sanctification et de sainteté, que nos décisions d’obéir et de suivre le Christ, de servir et d’être dociles… sommes-nous bien conscients que cela n’est pas d’abord de l’ascèse, même si ça l’est aussi, pas d’abord des sacrifices, même s’ils en sont aussi, mais d’abord un chemin de bonheur, dans l’espérance ici-bas et dans un accomplissement total au ciel ?

39 Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.

Après une inversion invraisemblable, voici une deuxième parabole qui semble-t-elle une évidence. Elle l’est si on s’en tient au sens extérieur, à la compréhension matérielle. Mais si on y voit une parabole, il faut se demander qui est le maître, qui est le voleur, de quelle maison parlons-nous ?

D’habitude, le maître représente Dieu, mais ici, Dieu pourrait-il ignorer quelque chose ? Et aurait-il pu être vaincu par quelqu’un ? Si nous remontons plus haut, nous avons déjà parlé de Dieu qui se tient à la porte ; il s’agissait alors de notre cœur. Si la maison est notre cœur, le maître, c’est nous ; le voleur, c’est le démon qui veut ravir la grâce et l’amour que Dieu y a mis, et le mur, ce sont nos pauvres défenses : foi, espérance et charité qui en soi devrait nous faire garder le don de Dieu pour l’éternité, mais qui sont trop faibles en nous, trop imparfaites en nous pour que le voleur ne puisse les vaincre et nous dépouiller.

Pour comprendre, recourons à un autre texte : Jésus qui marche sur les eaux :

25 Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer.

26 En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : « C’est un fantôme. » Pris de peur, ils se mirent à crier.

27 Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! »

28 Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. »

29 Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.

30 Mais, voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! »

31 Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14, 25-31)

La première attaque du démon est représentée par la peur des disciples, ils mettent en cause son existence et ce qu’il est, à cause de cela, ils pourraient rejeter Jésus et cherchent à s’en éloigner, mais Jésus veut susciter leur foi en leur parlant.

La deuxième attaque du démon est de suggérer à Pierre de mettre le Seigneur à l’épreuve : “si c’est bien toi… ”. Saint Pierre ne croit pas spontanément à la parole du Seigneur ; à cause de cela, il risque de l’entendre lui opposer un refus, comme pour les pharisiens qui demandaient un signe :

38 Quelques-uns des scribes et des pharisiens lui adressèrent la parole : « Maître, nous voudrions voir un signe venant de toi. »

39 Il leur répondit : « Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas. (Mt 12, 38-39)

Mais Jésus donne plutôt la possibilité à Pierre de surmonter cette tentation, non pas en lui faisant des reproches, mais en transformant son défi en une invitation “viens”.

La troisième attaque du démon prend la forme des vagues : cette fois, c’est la toute puissance et la capacité de Dieu à le sauver qui est mise en cause. En fait, saint Pierre se comporte comme s’il marchait sur les eaux par sa propre faculté, voyant les vagues, il constate sa faiblesse et ne reste pas dans la confiance en Dieu qui lui avait fait quitter la barque. Cette double inconstance : ne plus se rappeler que c’est par la grâce de Dieu qu’il peut ainsi marcher sur l’eau et ne plus avoir assez de confiance en Dieu pour affronter les vagues qui pourtant ne sont rien en comparaison du fait de marcher sur l’eau, montre bien ce qu’est la foi en nous : elle n’est jamais acquise et trop fluctuante pour nous amener directement jusqu’au Christ ou pour nous faire résister au voleur qui veut percer le mur de notre maison.

Ainsi la parabole signifie : “vous le savez bien, à cause de l’inconstance de votre foi, vous êtes incapables de résister aux attaques du démon qui veut enlever de vos cœurs la seule vraie richesse : l’amour de Dieu. Mais si nous savions quand et comment le mauvais va nous attaquer, nous pourrions mobiliser celle-ci pour rester attachés au Seigneur. Il faut donc être vigilants dans la foi pour lui résister.

Et nous ? Que faisons-nous pour rendre notre foi non seulement plus forte, mais aussi plus constante ? Il s’agit de se donner des signes (comme un chapelet dans la poche, une croix autour du coup…) mais aussi des points de repère : les fêtes religieuses, la messe du dimanche, la prière quotidienne, et pourquoi pas l’angélus, trois fois par jour, les heures du bréviaire (la prière des religieux et de prêtres, mais aussi de tout chrétien qui le souhaite…), etc.

40 Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. »

Il pourrait sembler que le Christ se compare au voleur ! Il n’en est rien, la comparaison joue seulement sur l’heure : heure du vol ou heure de la venue du Seigneur. C’est une heure inconnue et imprévisible, c’est une heure qui doit nous trouver prêt, c’est donc une heure qui exige notre veille assidue.

Et nous ? Sommes-nous conscients que le Seigneur puisse venir à tout moment ? Il ne s’agit pas seulement de se préparer à mourir, mais dans notre vie quotidienne, de savoir reconnaître les signes et les grâces qu’il nous accorde, et aussi de savoir entendre les appels et les missions qu’il veut nous confier…

41 Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? »

Une fois de plus, c’est Pierre qui prend la parole. Ici, c’est d’autant plus bien venu qu’il est question de mission. Nous savons que lui, en a reçu une particulière :

18 Et moi, je te le déclare : tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. (Mt 16, 18)

Notons qu’il est encore question de vie éternelle dans cet appel !

La question demande de différencier ceux qui sont de simples disciples et ceux qui reçoivent une responsabilité dans la vie de l’Église. Autrement dit, Pierre ne veut pas faire peser un fardeau trop lourd sur les épaules de ceux qui n’auraient pas à le porter.

Et nous ? Avons-nous cette délicatesse et cette sollicitude vis-à-vis de ceux qui nous entourent et sur qui nous pouvons avoir telle ou telle responsabilité ?

42 Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ?

Cette troisième parabole est presque la même que la première. Mais ici, il ne s’agit plus des serviteurs en général, il n’y a plus que l’intendant, c’est-à-dire le responsable.  Pour le reste, il y a encore une tâche, des circonstances, une béatitude et une promesse assortie.

Si la deuxième parabole est négative : le maître voit son mur percé par le voleur, la troisième comme la première choisit plutôt de mettre à l’honneur ceux qui font bien. Nous voyons ainsi qu’il ne s’agit pas seulement de morale, car il n’est pas seulement question de ce qu’on doit faire ou ne pas faire, mais qu’il s’agit bien de foi, d’Espérance et de Charité qui établissent une relation intime avec les autres : avec Dieu et avec les frères. Cela est bien montré par les adjectifs “fidèle et sensé”, mais aussi vers la charge qui vient du maître, mais se tourne vers les autres serviteurs.

Et nous ? Limitons-nous notre relation à Dieu à des devoirs aussi beaux soient-ils (devoirs de prière, de partage, de service, d’honnêteté, de vérité, de respect…) ? Ou bien savons-nous, au-delà du devoir, établir avec Dieu et nos frères, des relations d’amour, d’amitié et de don de soi qui ne comptent ni ne mesurent, mais qui offrent et nous font nous donner entièrement ? Comment le vivons-nous déjà ? Et qu’est-ce que qui bloque encore ?

43 Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi !

Voici la béatitude, avec la circonstance particulière de l’intendant fidèle. Jésus y rappelle tout de même que quelles que soient les responsabilités que nous ayons, Dieu reste le maître et nous des serviteurs. Cette réflexion est d’autant plus importante que nous verrons la récompense exorbitante que Dieu promet.

Et nous ? Nous arrive-t-il parfois d’être grisé par nos responsabilités et nos réussites au point d’oublier que tout vient de Dieu qui nous a dit :

En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15, 5)

Et aussi :

De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : “Nous sommes de simples serviteurs (Lc 17, 10).

44 Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens.

Voici la récompense. Bien sûr, il s’agit de salut comme toujours, mais regardez en quels termes : “il l’établira sur tous ses biens”. Qui, sinon Dieu seul, peut être établi sur tous les biens de Dieu. C’est ce que dit st Paul :

25 Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis.

26 Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort,

27 car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand le Christ dira : « Tout est soumis désormais », c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui aura soumis toutes choses.

28 Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous. (1 CO 15, 25-28)

Ainsi, c’est bien la mission et la destinée du Fils que tout lui soit soumis. Et le Christ promet cela à l’intendant fidèle, le faisant passer du statut de serviteur à celui de Fils. Par le salut, nous devenons fils dans le Fils. Le Seigneur nous considère comme ses égaux, même s’il a rappelé juste avant qui est le maître. Pour Lui, c’est par nature ; pour nous, c’est par grâce, mais cela n’empêche pas qu’il nous dise :

15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. (Jn 15, 15)

Et nous ? Nous avons la vocation de fils de Dieu, sommes-nous dans l’espérance de voir cela se réaliser pleinement en nous ?  Et si nous devons être établis sur tous les biens de Dieu, est-ce que nous commençons dès maintenant à veiller aux biens qu’Il nous confie déjà : sa Création, nous-mêmes, nos frères et sa Bonne Nouvelle ?

45 Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,

Nous observons ici le même retournement que dans l’évangile de dimanche dernier et la parabole du riche qui ne partage pas :

19 Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.”  (Lc 12, 19)

Le personnage de la parabole commence à se parler à lui-même et dès lors il n’a plus d’ouverture vers Dieu ou vers les autres. Pour le riche, cela lui vaudra d’être fou et de mourir sans “être riche en vue de Dieu” (cf. Lc 12, 21) pour ce serviteur, ce sera l’oubli de ce qu’il doit faire et même de l’existence de ce maître à qui il devra pourtant rendre des comptes.

Notez que dès que la bascule se fait, c’est aussitôt pour le mal traduit par les verbes : frapper, manger, boire et s’enivrer dont la succession montre l’excès. La privation de l’amour et du respect du maître entraine aussitôt la haine du frère et le non-respect de soi-même.

Et nous ? Pouvons-nous prendre ces éléments pour un rapide examen de conscience ? Sur quels sujets préférons-nous nous parler à nous-mêmes pour nous justifier plutôt que de nous confronter à Dieu ? Dans quelles circonstances oublions-nous la mesure vis-à-vis de nous-mêmes et de nos frères, signe que nous ne cherchons plus la volonté de Dieu ?

46 alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas,

L’insistance de la fin “ne s’y attend pas” ; “ l’heure qu’il ne connaît pas” montre que de toute façon, seule la vigilance peut nous permettre de faire ce qui est bien. Mais il y a aussi la promesse du début : “le maître viendra”. Ainsi, nous avons deux certitudes : il vient et nous sommes ignorants de tout le reste. Ces deux certitudes ne laissent qu’une possibilité : la vigilance, l’attente dans le désir et l’espérance, dans le respect et l’obéissance, dans l’amour et la foi.

Et nous ? Voilà qui questionne notre humilité et notre persévérance, où en sommes-nous de ces deux vertus ?

 Il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles.

Voilà qui nous évoque facilement la parabole du jugement dernier :

41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. (MT 25, 41)

Les infidèles sont ceux qui sont à gauches et sont assimilés “aux diables et ses anges” voilà leur sort ; et il leur est dit “allez-vous en loin de moi”, ils sont écartés. Là encore, il n’est pas seulement question de contrat de travail, mais bien de vie éternelle.

Et nous ? Nous savons bien pourquoi ces infidèles sont écartés : non seulement, ils ne sont pas mis au service des pauvres, ceux qui avaient faim ou soif, était nus, malades ou en prison, mais encore et c’est pire, ils n’ont pas reconnu le Christ en eux ! Alors sommes-nous des infidèles ? Savons-nous reconnaître le Christ dans le plus pauvre ou le plus petit ? Savons-nous nous mettre au service de tous ceux-là ?

47 Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups.

Cette conclusion est à la fois simple et terrifiante. D’abord, elle est simple car elle nous dit que le Seigneur nous rétribuera selon nos actes ; ensuite, elle est terrifiante, car nous connaissons nos péchés et nos manquements à la règle de Dieu, à la loi divine. Nous savons donc ce que nous méritons comme coup.

Alors ? Soyons bien conscient de ce que Dieu nous a annoncé. Il ne suffit pas de dire je ne savais pas car la connaissance est à notre portée e et en fait nous avons déjà entendu et reçu les commandements : les 10 de Moïse bien sûr, mais aussi ceux du Christ que je vous répète sans cesse !

 1 – Quand vous prier dites “notre Père “ cf. Mt 6, 9)

 2 – Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… cf. Mt 22, 37 à 39

 3 – Vous ferez cela en mémoire de moi cf. Lc 22, 19

 4 – Allez, de tous les peuples faites des disciples… cf. Mt 28, 19-20

 5 – Recevez l’Esprit Saint cf. Jn 20, 22

Et ceux qui ne sont pas directement des commandements mais qui doivent induire nos comportements malgré tout, comme les béatitudes par exemple.

Et si nous comptons sur la miséricorde de Dieu, n’oublions pas non plus sa justice et faisons en sorte de ne pas mériter trop de ces coups dont il nous avertit !

48 Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. 

Voici qui établit une équité qui n’est pas égalité. Nous voyons ainsi que le péché comporte divers éléments. Le plus important est la faute, le mal commis, mais il est relativisé (non pas annulé) par la conscience et la liberté. Encore une fois, il ne s’agit pas de refuser d’éclairer notre conscience pour éviter toute responsabilité car faire cela est déjà un péché mais de tenir compte de nos propres limites, ce que Dieu fait toujours.

Et nous ? Pouvons-nous faire confiance à Dieu ? Il ne faut pas tant essayer de se justifier ou de se défendre ; il faut chercher à faire le bien et faire confiance en la justice si miséricordieuse de Dieu.

À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.

Cette dernière réflexion renvoie à la parabole des talents (cf. Mt 25, 14-30 ou Lc 19, 12-27), La même réflexion est faite en effet à celui qui a gagné 5 de plus que ces 5 talents initiaux et à celui qui en gagné deux à partir de deux. Cela montre que ce n’est pas la quantité mais la fidélité qui est récompensée. Le Seigneur connaît les capacités de chacun et se montre équitable. Mais n’essayons pas de nous convaincre que nous avons peu reçu, nous avons tout reçu au contraire dans le baptême et les sacrements, dans l’Évangile et toute la Parole, par l’Église et toute sa Tradition. Nous avons tout reçu, il nous sera tout demandé ; là encore, c’est bien de vie éternelle qu’il est question.

 

En guise de conclusion : La première Parole, “sois sans crainte” nous a éveillés au fait que les paroles suivantes étaient toutes des paroles de révélation du mystère de salut. L’Évangéliste et le Seigneur nous évitent ainsi de ne voir que quelques conseils de bonne conduite ou quelques règles morales. Nous entendons parler ici de Dieu, de sa douceur, de son amour, de sa justice et de sa miséricorde mais aussi de nous, de notre vocation, de nos tentations et des chemins de bonheur et de sainteté qui s’ouvrent devant nous. Bien que le Seigneur ait pris résolument un point de vue optimiste et parle surtout de ceux qui font bien, il n’oublie pas de mettre en garde contre le mal et de dénoncer ceux qui pourraient se laisser tenter. Au bout du compte, nous en savons plus sur les trésors de grâce que Dieu met en œuvre pour notre salut, mais nous restons aussi conscients de notre faiblesse et de notre péché. Ainsi, nous ne pouvons considérer notre salut comme certain ou acquis, nous ne pouvons être sûrs que d’une chose : la victoire du Seigneur est totale en ceux qui l’attendent avec une espérance vigilante, qui l’accueillent avec foi et qui le suivent avec amour. C’est Lui et Lui seul qui fera notre salut, mais à nous seuls, nous pouvons provoquer notre perte, dans l’humilité, la patience et la force, accueillons donc le salut qui vient de Dieu et nous entraine à Lui.