26 décembre, Ste-Famille

Dimanche 26 décembre Sainte-Famille (Année C)

Evangile de Jésus Christ selon st Luc (2, 41-52)

41 Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.
42 Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume.
43 À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents.
44 Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.
45 Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.
46 C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions,
47 et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.
48 En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »
49 Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
51 Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.
52 Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

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41 Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque.

Ce premier verset nous apprend deux choses. La première c’est que les parents de jésus sont des juifs pieux et obéissants qui se conforment aux commandements et à la loi :
15 Tu observeras la fête des Pains sans levain. Comme je te l’ai ordonné, tu mangeras des pains sans levain pendant sept jours, au temps fixé du mois des Épis, car c’est alors que tu es sorti d’Égypte. On ne paraîtra pas devant ma face les mains vides. (Ex 23, 15)
Cette citation rappelle l’obligation de la fête quant à aller à Jérusalem :
05 Tu ne pourras pas sacrifier la Pâque dans n’importe laquelle des villes que te donne le Seigneur ton Dieu,
06 mais c’est au lieu choisi par le Seigneur ton Dieu pour y faire demeurer son nom que tu sacrifieras la Pâque, le soir, au coucher du soleil, au moment précis où tu sortis d’Égypte. (Dt 16, 5-6)
La seconde chose que nous apprenons c’est que nous sommes dans le contexte de la Pâque des juifs, rappel du passage de la mer rouge mais surtout rappel du passage de Dieu en Egypte pour libérer son peuple de la domination du Pharaon et de l’esclavage qu’il imposait.

Et nous ? connaissons-nous la loi de Dieu ? Savons-nous ce qu’il nous demande à tous et à chacun ? L’observons-nous ? (pour mémoire il y a le commandement de l’amour de Dieu et du prochain, le commandement de la prière : quand vous priez dites Notre Père, le commandement de l’Eucharistie : vous ferez cela en mémoire de moi, le commandement de la vie dans l’Esprit : Recevez l’Esprit-Saint, le commandement de l’évangélisation : allez de tous les peuple faites des disciples…)

42 Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume.

La mention de l’âge n’est pas fortuite. Douze est un chiffre symbolique, celui du peuple de Dieu. Ainsi il y a douze tribus d’Israël et les douze apôtres sont le début du nouveau peuple dont les sauvés seront 12 x 12 x 1000 = 144 000 à composer le peuple du ciel… Le premier épisode public de la vie du Christ, bien avant La vie publique, évoque cette rencontre du Christ avec le peuple, soit le peuple en pèlerinage comme lui et ses parents, soit le peuple représenté par ses chefs et ses docteurs comme nous les verrons plus loin.
Mais 12 ans cela peut aussi évoquer l’âge de la Bar Mitzvah, la première profession de foi publique des jeunes juifs qui les faits entrer de plain-pied dans la vie du peuple élu. Bien sûr le Christ n’en a pas besoin mais il a épousé la condition des hommes sous le pouvoir de la loi et en voilà un des usages. Et nous allons voir le Christ comme les jeunes juifs lire et commenter la loi devant les docteurs.

Et nous ? Sommes-nous prêts à nous conformer aux usages et coutumes avec humilité plutôt que de nous croire au-dessus de cela ? Comment vivons-nous les préceptes de pratiques (messes dominicales, confessions régulières…) mais aussi les temps particuliers (Avent, Carême, Noël, Pâques…) les fêtes…

43 À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents.

Voici qui pourrait nous troubler car il semble que Jésus désobéisse. Comment imaginer qu’un enfant de douze ans, désobéissant puisse être le Fils de Dieu parfait et sans péché ? Mais nous notons qu’il reste à l’insu et non pas contre les directives ou ordre de ses parents. Il n’y a pas de désobéissance, mais un comportement qui va inquiéter et faire souffrir ses parents. Pour un enfant normal on parlerait sans doute d’une bêtise, mais Dieu ne fait pas de bêtise… Il privilégie autre chose, ce qu’Il expliquera à Marie ensuite, et l’on découvre que ce sont les parents qui, sachant qui Il est, auraient dû se comporter autrement…

Et nous ? Comment regardons-nous le Seigneur ? Sommes-nous assez confiant pour savoir que c’est lui qui a raison et que toute interprétation qui conclue au péché ou même à l’erreur du Christ est une mauvaise interprétation ? Quand nous en arrivons à ce genre de conclusion, avons-nous assez de foi pour nous remettre en cause ou assez d’orgueil pour Le remettre en cause ?

44 Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.

Le pèlerinage est une affaire communautaire, non seulement familiale. Et cela avant pendant et après la fête proprement dite. Le groupe est donc important et les enfants ne sont pas toujours avec leurs parents. Jésus ne fait pas exception. Sa singularité, connue de Joseph et de Marie n’en faisait pas un enfant à part, séparé des autres.

Et nous ? Voyons la confiance de Joseph et Marie dans leur « parents et connaissance » à qui ils confient Jésus. Sommes-nous nous aussi prêts à faire confiance à notre communauté, à notre Église pour rester en présence du Christ et être porté jusqu’à Lui ?

45 Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher.

Nous voyons la persévérance et le souci des parents : ils sont des parents comme les autres même si leur enfant est différent. L’évangéliste insiste aussi sur la destination de leur recherche, Jérusalem. Ce n’est plus le pèlerinage de la Pâques mais la recherche de Jésus, pourtant la ville sainte est bien toujours la destination. Ils étaient venus honorer Dieu le sauveur du peuple à Jérusalem (première Pâque, celle des juifs), ils retournent à Jérusalem chercher celui qui sera le nouveau sauveur (nouvelle Pâque en Christ mort et ressuscité)

Et nous ? En quelques versets nous voyons une alternance répétée des verbes « chercher » et « trouver ». Et c’est le fait de ne pas trouver qui pousse à chercher jusqu’à ce qu’ils trouvent et qu’Il soit interrogé « comment se fait-il que vous m’ayez cherché ». La foi est une recherche qui nécessite que l’on trouve et ne pas trouver c’est une incitation à mieux chercher. Mais le mystère C’est que notre recherche nous amène à découvrir que nous n’aurions pas du chercher… St Jean déclare :
Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés (1 Jn 4, 10)
L’amour de Dieu nous précède mais nous ne savons pas ou ne voulons pas le voir parce que nous sommes pécheurs. Notre recherche nous permet peu à peu de découvrir combien nous aime qu’il précède notre amour qu’il était déjà là. Cette expérience est admirablement décrite par saint Augustin dans les confessions :
Tard je T’ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T’ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j’étais dehors, et c’est là que je T’ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec Toi. (St Augustin, confession X. XXVII, 38)

46 C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple,

La mention des trois jours, liée à la découverte au temple, ne peut être un hasard. Elle renvoie à la parole de Jésus :
19 Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. (Jn 2, 19)
Il est bien question du sanctuaire c’est-à-dire du temple et des trois jours. L’évangéliste Jean ajoute juste après :
21 Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. (Jn 2, 21)
Jésus parle donc de détruire son corps, ce qui nous renvoie à son sacrifice sur la Croix, la nouvelle Pâque. Ainsi l’évangéliste lie les deux événements : le recouvrement que nous lisons aujourd’hui est comme la préfiguration de la passion qui va venir.

Et nous ? Sommes-nous conscients que si nous voulons vraiment chercher le Seigneur, que si nous voulons le trouver, c’est par la Croix et par le mystère de Pâque que nous devrons passer ?

assis au milieu des docteurs de la Loi : Il les écoutait et leur posait des questions,

La position assise au milieu des autres et la position de celui qui enseigne. Nous savons par ailleurs que la méthode d’enseignement consistait souvent à poser des questions pour obliger le disciple à chercher lui-même la réponse, d’écouter celle-ci et de pousser l’interrogatoire plus loin ou de corriger et réorienter si la réponse n’est pas satisfaisante. Jésus n’est pas dans la position du disciple mais de l’enseignant ou au moins du chercheur parmi les chercheurs.
Nous voici ainsi inviter à faire le parallèle avec le livre de Daniel :
50 Tout le peuple revint donc en hâte, et le collège des anciens dit à Daniel : « Viens siéger au milieu de nous et donne-nous des explications, car Dieu a déjà fait de toi un ancien. (Dn 13, 50)
Il est question de revenir (vers le tribunal et non vers Jérusalem), de siéger, de siéger au milieu (des anciens et non des docteurs) pour être égal aux autres. Or ce Daniel qui est désormais considéré comme un ancien est un jeune homme :
Dieu éveilla l’esprit de sainteté chez un tout jeune garçon nommé Daniel (Dn 13, 45)
Il y a donc là bien des points communs qui permettent de dire que l’auteur pousse à conclure que l’Esprit de Sainteté est à l’œuvre en Jésus comme il le fut en Daniel. Ce texte qui nous tourne vers la Pâque du Seigneur nous invite aussi à contempler la vie divine en Lui.

Et nous ? Comment regardons-nous ces mystères de l’enfance du Christ ? Pouvons nous contempler en toute chose à la fois sa divinité et son humanité ?

47 et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses.

L’intelligence n’est pas seulement un quotient intellectuel, mais la capacité à pénétrer à comprendre ou envisager le mystère même. C’est un don de l’Esprit que la bible nomme aussi discernement :
02 Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement (Is 11, 2)
Isaïe lie directement ce don avec celui de Sagesse, don qui permet de recevoir et de vivre de la Parole de dieu en conformité avec la Volonté du Très-Haut.
Le verset précédent évoquait des questions, il est ici mentionné des réponses, ce qui montre bien que Jésus est dans un exercice didactique, il enseigne les docteurs !
Enfin « tous s’extasiaient » nous renvoie à différents épisodes de l’évangile :

  • Après la guérison d’un sourd :

36 Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient.
37 Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. (Mc 7, 36-37)
Les gens sont frappés et admiratifs, extasiés mais cette fois des gestes, des signes de Jésus

  • Les gardes envoyés l’arrêter déclare

« Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » (Jn 7, 46)
Ici ce sont bien ses paroles qui frappent et bouleverse…

Et nous ? Comment laissons-nous les enseignements du maître nous frapper ? Sommes-nous capables de nous extasier de ces paroles (prenons le temps de nous rappeler une parole du Christ qui nous touche et nous transforme chaque fois que nous l’entendons, par exemple pour moi, le pardon au bourreau entrain de le crucifier : Père pardonne-leur…)

48 En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement,

Les gens qui écoutent sont frappés par la sagesse, mais Marie et Joseph le sont d’étonnement comme lors de la présentation au Temple :
33 Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui. (Lc 2, 33)
Ce sera aussi le cas de Pilate mais devant le silence de Jésus :
14 Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur fut très étonné. (Mt 27, 14)
Toute personne qui prétend avoir autorité sur Lui, sa mère ou le gouverneur ne peut qu’être frappé d’étonnement. En effet notre petite autorité n’est rien devant le Fils de Dieu.

Et nous ? Bien souvent nous restons étonnés par les réponses que le Seigneur fait à nos prières : un silence invitant à la patience et à la persévérance, une grâce inattendue vient quand celle qu’on attend ne vient pas… Mais quelle est alors notre attitude : voulons-nous nous imposer, serons-nous dans le reproche ou saurons nous accueillir avec révérence et gratitude le don de Dieu ?

et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! »

Marie ne dit pas « ce n’est pas bien », elle sait que son fils est « Fils de Dieu ». Elle interroge car elle ne comprend pas, comme elle avait interrogé l’ange au jour de l’Annonciation. Elle se fait disciple.
Cependant l’incompréhension n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi existentielle. Il y a eu une souffrance et celle-là semble inconcevable : comment le Christ ferait il souffrir ceux qui l’aiment ?
Mais le vieillard Siméon avait pourtant prévenu :
« Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction
35 – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre. » (Lc 2, 34-35)
L’annonce de la souffrance de la mère est bien là. Mais il parle de « signe de contradiction » et de dévoiler les pensées du grand nombre ce qui renvoie évidemment et une fois de plus à la Passion du Seigneur. Là encore ce texte du recouvrement de Jésus au temple est une préfiguration de la Pâque du Seigneur.
Cette souffrance de la mère vient donc de la souffrance du Christ. Pour la passion c’est évident, mais ici ? Le Christ ne souffre-t-il pas de voir que même sa mère, la plus merveilleuse des créatures que Dieu ait faites, n’est pas capable de comprendre ? Est-ce que cette incompréhension de l’humanité n’est pas plus douloureuse encore au Christ qui s’offre à nous que les clous ?

Alors ? Saurons-nous accueillir le mystère de l’offrande du Christ d’un cœur émerveillé et reconnaissant ? Saurons-nous ainsi dépasser nos incompréhensions pour poser un acte de foi et accueillir ce que nous ne comprenons pas ?

49 Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »

Jésus montre qu’il n’a fait aucune bêtise, qu’il n’a fait que son devoir, que sa mission. Le Christ s’est fait homme pour qu’en Lui l’homme cherche et se tourne vers Dieu, que l’homme se « retourne » (conversion) vers Dieu, que l’homme trouve Dieu ou se laisse trouver par Lui, que l’homme perdu, égaré par le péché soit retrouvé, réconcilié avec Dieu. Ne nous y trompons c’est Dieu qui cherche l’homme et non l’homme qui cherche Dieu. Il suffit de se rappeler des paraboles de la brebis perdue et de la drachme perdue (cf LC 15 1 ss). Quant à nous, il nous suffit d’être des enfants dans les bras du Père pour trouver à nos cotés Jésus le Fils, le Sauveur !
« Il me faut » peut nous évoquer les diverses annonces de la passion, par exemple :
21 À partir de ce moment, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. (Mt 16, 21)
Et on en trouve l’écho jusque dans l’enseignement du Christ ressuscité aux disciples d’Emmaüs :
25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 25-26)
Il y a donc une nécessité à la passion et à la mort du Christ, sa Pâque ici préfigurée. Il y a donc nécessité pour le Christ à être là dans le temple et à voir ses parents de la terre incapable de comprendre son lien avec le Père du ciel. Si l’incompréhension de l’humanité semble invincible, inévitable, l’union du Père et du Fils n’en sont pas moins une nécessité dès ici-bas, dès les douze ans de Jésus.
Jésus répond à la question de sa mère par une autre question, il reste dans la posture d’enseignant qu’il avec les docteurs de loi. Ce n’est pas un enfant qui s’excuse ou se justifie mais un maître qui essaie de faire passer son disciple (ici sa mère) à une connaissance meilleure du mystère : Il est vraiment le Fils de Dieu.

Et nous ? Comment notre attitude nous dispose-t-elle à être trouver par Dieu ? Comment nous retournons toujours plus vers Lui ? Et si notre intelligence n’est pas capable de cerner ce mystère de Salut en Jésus-Christ vrai Dieu et Vrai homme, saurons-nous au moins accueillir le mystère dans la joie de le savoir source de salut ?

50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.

La réponse est pourtant claire en soi : Marie et donc Joseph connaisse l’origine divine de Jésus, ils devraient donc savoir où il doit être et ne devraient donc pas avoir à le chercher. Comment pourraient-ils ne pas comprendre ? Mais c’est sur leur souffrance et leur inquiétude qu’ils buttent car ils ne peuvent savoir déjà ce que sera la Passion du Seigneur et comment ils seront en communion avec ses souffrances (au moins pour Marie). La prophétie de Siméon reste obscure et la phrase de Jésus n’est donc compréhensible qu’à ceux qui contemplent par ailleurs le mystère de cette Passion.

Et nous ? Avons-nous bien compris que la Passion du Seigneur est la clef qui donne un sens à toute sa vie ? Pouvons-nous tout relire de sa vie et de la nôtre à la lumière du mystère pascal ? Découvrirons-nous enfin la proximité du Fils et du Père qui nous introduit nous aussi, ses frères, dans l’intimité du Père ?

51 Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis.

Voyez l’inversion : au début du texte ce sont Marie et Joseph qui montent à Jérusalem, et Jésus est avec eux. Puis Jésus n’est plus avec eux et ils le cherchent mais à la fin c’est Jésus qui descend et eux qui sont avec Lui. Il ne s’agit évidemment pas de monter et descendre, d’aller ou de revenir de Jérusalem, mais de voir qui est avec qui. Au début les parents impulsent, ils prennent l’initiative du pèlerinage… Ensuite, c’est Jésus qui est à l’initiative : il reste au temple, Il est chez son Père, Il enseigne. La mère, éducatrice, devient disciple enseigné, elle suit …
Pourtant Jésus est soumis. Il s’agit de reconnaitre que, humainement, il reste le fils même si divinement il est le maître. Plus encore cela nous fait plonger dans un mystère plus grand : la soumission n’est pas un rapport de force, elle n’est pas une relation à sens unique. Saint Paul explique par exemple :
21 Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres (Eph 5, 21)
La soumission est alors réciproque. Il développe son idée en parlant des femmes soumises à leur mari dans le domaine de l’autorité et les hommes soumis à leur femme dans le domaine de l’amour, le tout dans une comparaison avec le lien qui existe entre le Christ et l’Église modèle du mariage chrétien.
Si Marie est bien l’image de l’Église, comme sa personnification, comment ne pas comprendre que sous un aspect le Christ lui est soumis quand sous l’autre rapport c’est elle qui est soumise au Christ ?

Et nous ? Sommes-nous prêts à reconnaitre que l’amour véritable est aussi soumission mutuelle et réciproque de ceux qui s’aiment ? En toute chose nous sommes soumis au Christ notre Seigneur, mais lui ne se soumet-Il pas à nos désirs quand il fait d’un enfant un Fils de Dieu quand nous célébrons un baptême ? Ne se soumet-Il pas à nous quand Il transforme le pain et le vin et son corps et son sang quand nous célébrons l’Eucharistie, quand Il pardonne quand Nous confessons nos péchés… Bien sûr il nous a dit de le faire, il nous a donné ce pouvoir… Dans son amour il nous donne de pouvoir le soumettre à nos désirs pourvu que nos désirs contribuent à son dessin de nous sauver.

Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements.

Cela nous avait déjà été dit lors de la visite des bergers à la crèche
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. (Lc 2, 19)
Mais c’est une attitude qui était déjà présente chez le prophète Daniel :
Moi, Daniel, ce que je pensais m’épouvanta fortement et mon visage changea de couleur. Je gardai dans mon cœur ces événements. (Dn 7, 28)
Or le prophète agit ainsi quand il a la vision des bêtes qui ravagent la terre mais du messie glorieux « comme un fils d’homme » qui vient et à qui est donné la royauté éternelle comme l’ange l’a dit à Marie de son fils le jour de l’Annonciation. Ainsi l’attitude de Marie est pour nous une invitation à regarder ce petit enfant de la crèche ou ce petit garçon de douze ans comme le messie qui triomphera et règnera selon la parole dite par l’ange.

Et Nous ? sommes-nous capables ainsi de garder et de méditer les événements de notre vie ? Savons-nous y découvrir la présence du messie sauveur, source de toute grâce ? Pouvons nous raconter un ou plusieurs événements où à l’évidence le Seigneur a agi dans nos vies et ainsi fonder notre foi, notre espérance et notre charité ?

52 Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

Là encore cela nous a déjà été dit, juste après la présentation de Jésus au temple :
40 L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. (Lc 2, 40)
Là encore cela nous renvoie à un prophète, mais cette fois il s’agit de Samuel :
26 Quant au jeune Samuel, il continuait de grandir en taille, aussi agréable au Seigneur qu’aux hommes. (1 sam 2, 26)
Le contexte est ici bien précis : après qu’Anne est confié son Fils à Dieu dans le temple, un prophète vient annoncer que le temps d’Eli touche à sa fin et qu’un autre prendra sa place. Dieu châtiera le crime d’Elie et de ses fils sans leur retirer son amour. C’est précisément Samuel qui sera le nouveau prophète.
Ainsi Marie a présenté Jésus au temple, ainsi Siméon a prédi la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, ainsi Jésus vient prendre la suite des docteurs de la loi dont Dieu châtiera les péchés sans leur retirer son amour !

Alors ? Comment pouvons-nous nous aussi entrer dans cette nouvelle alliance et apprenant de Jésus à accueillir et grader dans notre amour ce qui nous précède mais en nous tournant résolument vers un avenir nouveau, avenir de conversion et de soumission à Dieu, avenir de communion et d’amour de Dieu ?

 

En guise de conclusion :
Il y a donc deux choses qui ne cessent de se croiser et recroiser dans ce texte : tout d’abord la préfiguration de la passion du Christ et ensuite le rôle particulier de la Sainte-Famille.
Cela se passe à Jérusalem et au temple, c’est une nécessité qui implique incompréhension et souffrance car les chemins de Dieu ne sont pas ceux des hommes. Il y a à la fois cette incompréhension et un émerveillement pour ceux qui savent regarder et écouter. La relation avec les prophètes, notamment Samuel et Daniel, augmente la dimension messianique et l’annonce d’un bouleversement du temps et de l’histoire. Déjà le Mystère pascal est en train de poindre.
Mais cela se passe sous la conduite de Joseph et de Marie qui parlent à Jésus de « ton père ». Elle inclut Joseph dans cette Sainte-Famille à part entière. C’est d’ailleurs les deux qui, par leur piété et leur obéissance amènent Jésus « chez son Père ». Il y a l’éducation à la piété et l’obéissance mais aussi à la liberté puisque Jésus peut « vadrouiller parmi les parents et connaissances ». Cette liberté qui est interrogée quand Marie ne comprend pas, il ne s’agit pas d’abandon mais de responsabilité. Il y a de l’inquiétude et de la souffrance car il y a beaucoup d’amour et de sollicitude. Cet épisode qui met à l’épreuve les parents est donc en même temps la manifestation de toutes les grandes vertus familiales et éducatrices.
Reste à contempler l’unité du texte malgré ces deux thèmes, C’est que le messie n’est pas « tomber de la lune » mais qu’il a voulu appartenir à une famille pour être authentiquement l’un de nous. Cette famille sainte l’a accompagné durant toute sa vie pour lui permettre d’accomplir sa vocation propre. Cette vocation de messie est à l’origine du Salut et de la conversion des familles qui comprennent mieux leurs vertus propres, leur mission. Quelque soit les parents et les enfants, la famille est le lieu de l’apprentissage de l’amour qui libère, qui fait grandir, qui envoie en mission et qui soutient chacun de ses membres.
Ainsi notre Dieu qui est Père est donc source de toute vie familiale a décidé de mettre la famille au cœur de l’Histoire du Salut pour qu’au cœur des familles nous puissions découvrir notre Salut en Jésus Christ.