16 janvier

 
Evangile de Jésus Christ selon st Jean (Jn 2, 1-11)

01 Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là.
02 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.
03 Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »
04 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »
05 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
06 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres).
07 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord.
08 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.
09 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié
10 et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »
11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

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  01 Le troisième jour, il y eut un mariage à Cana de Galilée.

Tout commence le jour où des envoyés des pharisiens de Jérusalem interroge Jean sur ce qu’il est. Il témoigne qu’il n’est pas le Christ puis il l’annonce (Jn 1, 19-28). Le jour suivant (le deuxième jour) il désigne Jésus comme le messie annoncé (JN 1, 29-35) puis il indique « l’agneau de Dieu » à deux disciples dont André qui le suivent puis vont chercher Simon qui sera nommé Pierre (Jn 1, 36-42). Le lendemain (le troisième) c’est l’appel de Philippe puis de Nathanael. Puis trois jours après (sixième jour) voici les noces à Cana. Nous avons ainsi le récit d’une semaine inaugurale de la mission publique de Jésus. Cette semaine peut renvoyer à la Genèse et à la semaine de Création. Le premier jour commence par au commencement… et le dernier jour Dieu crée l’homme et la femme et les noces de Cana mettent en avant un autre couple mais surtout l’œuvre de Dieu…

Et nous ? Pouvons-nous contempler dans l’œuvre du Christ comme une re-Création ? Prenons-nous le temps de réaliser la nouvelle alliance que Jésus fait avec l’humanité symbolisée par ces noces et surtout par ce signe qu’Il donne, qui montre comment Dieu s’implique dans l’amour conjugal et la vie de l’humanité pour la rendre plus belle et plus riche ?

La mère de Jésus était là.

L’Evangéliste annonce les principaux acteurs de l’épisode, c’est normal… Mais nous pouvons aller plus loin que cette simple intention (cela dépasse largement la vision de l’auteur mais nous en dit long sur l’inspiration. Ainsi par exemple les récits de l’enfance de Jésus dans les évangiles de saint Luc et de saint Matthieu montre Marie présente partout : quand les mages viennent ils trouvent l’enfant et sa mère, quand Joseph fuit en Egypte il prend l’enfant et sa mère, au temple Syméon rend l’enfant à sa mère en prophétisant, et 12 ans plus tard c’est encore sa mère qui interroge Jésus. Dans l’évangile de saint Jean, point de récit d’enfance mais au premier signe, l’initiative est à la mère qui est là…Il y a comme une transition entre la période où Marie, mère, veille sur l’enfant, et la période ou Marie, disciple suit son Fils. La transition se fait par la mère pleine de confiance qui désigne sa voix au Christ tout en sollicitant de Lui sa grâce.

Et nous ? Pouvons nous contempler avec admiration cet itinéraire de Marie qui est mère mais qui se fait disciple ? Saurons nous avoir son humble courage et sa joie de suivre un tel maître ?

02 Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples.

D’un point de vue matériel, cela nous montre l’ampleur de la fête : une amie est invitée (Marie) donc aussi son fils… Le fils et donc aussi les disciples… Les invitations sont larges ! Nous voyons aussi que Jésus n’est pas encore là pour Lui-même mais parce que fils de Marie. Le plus important n’est pas de savoir pourquoi Jésus est invité mais bien qu’Il est là !
Nous commençons à voir toute la portée symbolique de l’histoire : il y a des noces et cette union réunit dans une même histoire Jésus et ses disciples, ou plutôt l’histoire de Jésus avec ses disciples a commencé par un appel mais aussitôt elle continue par une union des plus fortes et des plus intimes. S’il y a vraiment un mariage et vraiment un époux désigné un peu plus loin, Il y a aussi symboliquement et mystiquement une union entre Dieu et l’humanité représentée par le Christ et ses disciples (à commencer par Marie)

Et Nous ? Nous sommes unis au Christ depuis le jour de notre baptême, quand nous sommes devenus membres de l’Eglise, épouse du Christ. Mais sommes-nous désireux d’une telle union, en sommes-nous heureux et reconnaissants ? Qu’est-ce qui montre dans notre vie notre conscience d’une telle grâce, d’une telle union ?

03 Or, on manqua de vin.

Le vin dans la bible a de nombreuses significations qu’il serait trop long de vouloir exposer ici. Mais puisque nous sommes dans un cadre de fête et d’alliance on en retiendra qu’une : le vin source de joie. On trouve ainsi au Psaume 103 :
De la terre il tire son pain :
15 le vin qui réjouit le cœur de l’homme, l’huile qui adoucit son visage, et le pain qui fortifie le cœur de l’homme. (Ps 10 », 14-15)
Et dans la parabole de Yotam au livre des juges :
13 La vigne leur répondit : “Faudra-t-il que je renonce à mon vin, qui réjouit Dieu et les hommes, (Jg 9, 13)
Cette dernière citation relie en plus Dieu et les hommes. Pour une noce, manquer de vin c’est donc manquer de joie mais aussi manquer ce qui unit Dieu et les hommes dans une même joie. Si le vin vient à manquer c’est donc toute la noce qui est gâchée.

Et nous ? Saurions-nous dire ce qui nous réjouit d’une même joie que le Seigneur ? Quel est le vin de nos noces avec Dieu ?

La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. »

Marie n’est pas nommée, elle se résume à sa vocation « mère de Jésus ». Si elle parle maintenant c’est en tant que telle. Elle ne demande rien, elle qui indique le besoin, et pour le reste elle fait confiance.
Notons qu’elle est au courant des problèmes d’intendance ce qui semble indiquer qu’elle est une amie proche de la famille qui reçoit. Nous verrons plus loin que même le maître de la noce interpelle le marié en semblant ignoré qu’il y a eu un problème, un manque. Le maître l’ignore mais pas Marie !
Confiance, attention et discrétion, voici donc les qualités de la Vierge ici manifestées, mais voici aussi les qualités d’une prière authentique.

Alors ? Notre prière est-elle de ce type : faisons-nous confiance ou prions-nous sans trop y croire ?
Faisons-nous confiance ou nous croyons nous obliger de dire au Seigneur ce qu’Il doit faire ?
Sommes-nous attentifs pour demander ce qui est nécessaire, pas seulement pour nous mais aussi pour ceux qui nous entourent ?
Sommes-nous discrets, laissant à Dieu le choix de la réponse et de la grâce qu’Il veut accorder ?

04 Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ?

Il n’y a aucun mépris ou aucune distance dans cette réponse et dans la dénomination « femme » bien au contraire. Nous avons déjà comparé la semaine inaugurale du Christ avec la semaine de la Création dans la genèse, voyons donc ce qu’Adam dit de la compagne que Dieu lui a donné :
23 L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. » (Gn 2, 23)
La femme est donc « l’os de mes os et la chair de ma chair », il n’y a pas de rejet ou de mépris mais la reconnaissance de ce qu’est marie « nouvelle Eve » pour Jésus « nouvelle Adam ». Il la reconnait comme sienne et comme son égal… elle est fille de Dieu.
Sur la Croix, Jésus utilisera le même vocable : « femme voici ton fils » (Jn 19, 26), mais cette fois-ci pour en faire la mère du disciple et par lui de tous les disciples. Ainsi à notre tour nous devenons par l’offrande du Christ en croix et par l’intermédiaire de Marie, symbolisant l’Eglise épouse du Christ, « la femme », fils et filles de Dieu.
Quant à la question, elle est fréquente dans l’Evangile, ainsi Jésus interroge Bartimée, l’aveugle de Jéricho :
Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 46)
Il s’agit pour Jésus d’obliger le priant à formuler sa demande pour stimuler sa foi et la manifester devant ceux qui écoutent au moins devant Lui le Christ.

Et nous ? Nous faisons partie de la famille de Dieu, en sommes-nous bien conscients ? Le Seigneur creuse notre désir en nous poussant à demander avec confiance et clarté ce que nous désirons, en sommes-nous capables ? le faisons-nous en vérité ? Que désirons-nous vraiment ?

Mon heure n’est pas encore venue. »

L’heure de Jésus c’est l’heure de s’offrir pour notre salut. Ainsi dira-t-il au moment de sa passion, au début de sa grande prière sacerdotale :
Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. (Jn 17, 1)
Et l’évangéliste au moment de la dernière cène précise :
01 Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. (Jn 13, 1)
Jésus se place ainsi d’emblée dans une perspective de nouvelle alliance obtenue dans son sang. Nous sommes à des noces, une alliance, et Jésus évoque la nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes. Aujourd’hui Il change de l’eau en vin, à cette heure là il changera le vin en son sang…

Et nous ? Savons-nous que son heure est venue ? Sommes-nous décidés à faire alliance avec Lui ? Jusqu’à la croix ?

05 Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’Il vous dira, faites-le. »

Voici de nouveau la confiance : faites-le !
Voici de nouveau la discrétion : elle ne dit rien de ce qu’il va faire, elle ne cherche pas à savoir comment il va faire, elle attend dans la confiance. Mais elle s’adresse aux bonnes personnes et permet à chacun de remplir sa mission : Jésus sait ce qu’Il doit faire, les serviteurs ont leur consigne…Marie est attentive à chacun.
Si nous voulons continuer notre comparaison avec la Genèse nous voyons d’un coté Dieu qui donne un seul commandement : ne pas manger du fruit de l’arbre, et Eve désobéit. De l’autre côté nous voyons Marie qui demande à Jésus fils de Dieu et qui fait confiance demandant non seulement pour elle mais pour tous elle dit sa disponibilité complète : « tout ce qu’Il vous dira faites-le »

Et nous ? comment pouvons nous abandonner les mauvais travers de la première Eve ? comment manifestons-nous à Dieu notre désir de Lui obéir et de le servir ?

06 Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ;

Ces détails peuvent paraître anodins mais interprétés symboliquement ils sont très riches.
Les jarres sont en pierre et vont contenir l’eau. Elles renvoient ainsi au rocher de l’exode d’où Moïse a fait jaillir l’eau pour sauver son peuple sur la parole de Dieu :
06 Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira ! » Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël. (Ex 17, 6)
L’eau dans la pierre est donc à la fois le moyen de subsistance, le signe de la présence de Dieu et l’invitation à la confiance et à l’obéissance.
Les jarres sont au nombre de six : le chiffre est celui de l’homme créé au sixième jour. Nous avons déjà vu que cela arrive au sixième jour de la semaine inaugurale, nous allons donc assister à la recréation de l’homme (sixième jour). De même c’est l’humanité tout entière (six jarres) qui reçoit l’eau (comme le peuple au désert) qui sera transformer en vin (joie de Dieu et de l’homme).
Les jarres sont pour la purification. Toute la loi et l’histoire du peuple du premier Testament et de la première alliance est l’histoire du retour de l’homme vers Dieu après la rupture du péché. Le monde a été blessé, abimer par le pécher mais en l’homme c’est toute la création qui va revenir à Dieu. L’homme (à commencer par le peuple juif) est donc ce réceptacle (les jarres) de la grâce de Dieu (l’eau) qui ramène le monde à Lui et lui rend la joie (le vin).

Et nous ? dans notre vie de tous les jours, le Seigneur ne cesse de nous faire signe, de révéler sa présence à travers des éléments et des événements en apparence anodins. Comment pouvons-nous exercer notre cœur et nos yeux pour apprendre à les voir et à Le reconnaître ?

Chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres).

Il va donc y avoir environ 600 litres de vin ! la surabondance après le manque nous rappelle par exemple la vie du patriarche Joseph qui devait gérer les années grasses et les années maigres (cf. Gn 41). Dieu ne fait jamais les choses à moitié.

Et nous ? Sommes-nous capables devoir toutes ses merveilles que Dieu fait pour nous ? Croyons-nous-en son amour surabondant ? Quelle confiance mettons-nous dans les dons de Dieu ?

07 Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. »

Jésus ne fait pas tout lui-même, il invite les serviteurs à obéir et à collaborer. On voit la même chose dans l’épisode de la multiplication des pains :
Il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » (Mc 9, 13)
puis
16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. (Lc 9, 16)
C’est bien Dieu qui sauve mais Il ne le fait pas sans l’homme.

Alors ? sommes-nous coopérateurs de la grâce de Dieu ? Pouvons-nous seulement une fois repérer comment nous avons été instrument de la grâce de Dieu pour d’autres (les époux l’un envers l’autre, les parents pour les enfants, les amis entre eux, les éducateurs pour les plus jeunes, les plus riches pour les plus pauvres, les ainés dans la foi pour les débutants…). Et pouvons-nous découvrir comment cela nous a apporté à nous aussi ? Sommes-nous aptes à reconnaître ceux dont Dieu s’est servi pour nous éveiller et nous faire grandir dans la foi ? leur sommes-nous reconnaissants ? Leur avons-nous témoigné de cette gratitude ?

Et ils les remplirent jusqu’au bord.

Les serviteurs sont obéissants et zélés. Ils font le maximum. Pourtant dans un moment de crise (une noce sans vin) les serviteurs ont sans doute beaucoup à faire et de quoi s’inquiéter, et remplir des jarres pour la purification, qui servaient avant le repas pour accueillir les convives et non pendant le repas où tous se sont déjà purifier, pouvait sembler saugrenu ou perte de temps… mais sur la parole de Marie ils font confiance, à la parole de Jésus ils obéissent.

Et nous ? Comment recevons-nous la Parole, à qui nous référons-nous pour en discerner et découvrir la richesse et la profondeur ? Comment nous y conformons-nous ?

08 Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent.

La coopération précédente (remplir les jarres) pouvait sembler inutile ou inopportune mais elle ne comportait aucun risque. Ici c’est différent : il n’y a plus de vin et on demande aux serviteurs de porter de l’eau. Ils risquent non seulement le ridicule mais plus encore la colère du maître qui reportera sur eux le manque de vin et les accusera de se moquer… Faire ce que demande Jésus c’est donc se mettre en danger, mais sur sa parole, ils n’hésitent pas…

Et nous ? quel risque sommes-nous prêts à prendre par obéissance au Christ ? Nous le savons, le Christ en Croix s’écrie « j’ai soif » et on lui apporte un vin frelaté… porter le vin au nom du Christ c’est donc aller jusqu’à la Croix, voilà jusqu’ou notre foi nous pousse à nous risquer ! vivons-nous ainsi notre foi ?

09 Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau.

Il y a d’abord ce qui peut sembler étrange : le maître du repas ne semble pas savoir qu’il n’y a plus de vin, ce n’est pas lui qui gère le vin mais le marié comme le montrera la réflexion qu’il lui fait après, il ne sait même pas quels vins sont en réserve et quel vin doit être servi avant quel autre… Etrange maître du repas !
Ensuite il y a la réflexion : « Il ne savait pas d’où venait ce vin ». C’est une évidence puisque Jésus vient de le faire surgir, la remarque serait donc superflue si elle ne visait pas autre chose. Ailleurs Jésus nous parle de l’Esprit en le comparant au vent :
08 Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. (Jn 3, 8)
A la Samaritaine, Jésus parle de l’Esprit comme d’une source jaillissante pour la vie éternelle et celle-ci demande
11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ?
L’insistance de l’auteur à préciser l’ignorance du maître de la noce vient donc en résonnance avec ces ignorances. Si l’eau rappelle la bénédiction de Dieu dans le désert, si les jarres représentent l’humanité cherchant la rédemption, si le vin est la joie de Dieu et de l’homme réconcilié et la préfiguration de la passion du Christ, le maître ignorant représente cette incapacité de l’humanité à percer les mystères de Dieu, ce qui ne l’empêche ni de les recevoir ni de profiter de leurs bienfaits.
Enfin il y a la précision sur les serviteurs qui savent. Il s’agit ici plutôt de montrer que le miracle est avéré, attesté par plusieurs témoins. On peut aussi sans doute souligner que les serviteurs ont eu confiance et ont collaboré au miracle, ils sont donc dans une démarche de foi qui n’est pas celle du maître. Ainsi ont-ils une connaissance que le maître n’a pas. La réalité est la même pour tous : l’eau est changée en vin, mais la connaissance n’est pas la même : l’un voit le vin les autres le miracle…

Et nous ? Sommes-nous de ceux qui connaissent par la foi l’œuvre de Dieu dans leur vie ? Avons-nous assez de foi pour une telle connaissance ?
Et si nous avons la foi, gardons-nous assez d’humilité pour reconnaître que ce que nous savons n’est rien en regard de ce que nous ne savons pas ?
Enfin, Dieu nous a établit comme maître de sa Création et pourtant il y a bien des choses qui nous échappent comme pour ce maitre de noce qui passe à coté de tant d’évènements : manque de vin, signe de Jésus… cela doit nous aider à devenir des maîtres qui ne soient pas des tyrans ou des profiteurs mais des serviteurs collaborateurs de Dieu pour amener la Création à son achèvement. N’est-ce pas là l’enjeu de l’écologie mise en avant par le pape François ?

Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »

Voyez l’erreur de cet homme : Jésus fait un miracle et lui attribue cela à la bonne gestion du marié… Ainsi en est-il souvent dans nos vies : la providence de Dieu mène le monde et nous croyons que nous gérons par nos propres forces et qualités ce qui nous dépasse si souvent. Alors quand nous sommes devant ce qui nous dépasse nous sommes soit abattus soit en colère contre Dieu, comme s’Il ne faisait rien : nous ne voyons que ce qui ne va pas dans notre sens !
Mais peut-être devons nous comprendre autre chose… Le marié apparait pour la première fois ici et ne dit rien, la mariée n’est même pas mentionnée ! Le marié est mis en cause pour ce qu’il n’a pas fait : fournir un bon vin alors que la fête est déjà avancée et l’erreur n’est pas corrigée. Mais Saint Jean enchaine directement après la parole du maître : « tel fut le commencement des signes… ». La Rédaction laisse alors penser que le marié et Jésus serait une même personne ! entendons-nous bien : ce ne sont pas les noces de Jésus et d’une femme de Cana en Galilée. Mais les noces des ces deux époux sont le symbole des noces du Christ et de l’Eglise, de Dieu et de l’humanité. Et Dieu a déjà réjoui le cœur de l’homme par une première alliance, conclue et reconclue depuis Eve qui reçoit la promesse d’un sauveur dans sa descendance (cf Gn 3, 15) puis avec Noé sortant de l’arche et recevant l’arc en ciel (Gn 9, 9-13) puis avec Abraham, les patriarches et les prophètes. Mais maintenant que le peuple croit connaitre son Dieu et qu’il se réjouit de son alliance, voici que Dieu apporte une alliance nouvelle en Jésus, bien meilleure encore que la première, qui transforme les serviteurs en amis, l’image en fils.

Et nous ? Savons-nous discerner ce qui vient de Dieu et par qui Il nous comble de sa grâce ? Prenons le temps de réaliser les promesses qui nous sont faites en Jésus : filiation divine, vie éternelle communion avec Dieu et tous les saints… pour pouvoir nous émerveiller et rendre grâce

11 Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit.

Le prologue de l’Evangile de Saint Jean s’ouvre par les paroles : « au commencement » pour parler de Dieu qui renvoient au début de la Genèse « au commencement … » pour parler de Création. Et voici un nouveau commencement celui des signes. Le commencement est donc le temps de Dieu qui agit en créant ou en faisant des signes.
Saint Jean ne parle pas de miracles mais de signes. Un signe renvoie à une réalité. Un miracle est un événement extraordinaire et inexplicable. Mais ici s’il y a miracle, il y a plus que cela puis que l’événement renvoie à la gloire et la gloire provoque la foi. Ainsi, toute la première moitié de l’évangile de Jean (Chapitre 1 à 12) sera jalonnée de signes qui font naître la foi qui permet de recevoir la passion et de contempler en elle le sacrifice du Christ fils de Dieu.

Et nous ? qu’attendons-nous de Dieu ? Des miracles qui facilitent ou améliorent notre vie quotidienne ou des signes qui orientent notre cœur et font grandir notre foi ? Pouvons-nous repérer dans notre histoire des « miracles », peuvent-ils devenir pour nous des signes ?

C’était à Cana de Galilée.

Jean bâtit habilement son Evangile, s’il insiste sur le lieu il y a une raison.
Nous entendons parler une deuxième fois de Cana à propos de la guérison du fils d’un fonctionnaire royal. Jésus dit alors :
« Si vous ne voyez pas de signes et de prodiges, vous ne croirez donc pas ! » (Jn 4, 48)
Ainsi le premier passage à Cana est celui du premier signe, le second passage est celui où Jésus invite à passer des signes à la foi et l’évangile précise :
L’homme crut à la parole que Jésus lui avait dite (Jn 4, 50)
Ainsi s’opère le passage de la foi aux signes à la foi en la Parole, au même endroit, à Cana.

Et nous ? Quelle est notre foi ? Avons-nous besoin, de miracles (sans doute) ou de signes (sûrement) ou est-ce que la Parole ne suffit (espérons-le !) ? Tels sont les grands saints qui connaissent une « nuit des sens » comme le dit Saint Jean de la Croix. Ils n’ont plus aucun ressentit de Dieu de sa présence, de son amour, de sa grâce mais ils gardent la confiance et la foi car ils savent que Dieu n’est pas sensible et que son amour touche notre esprit plus que notre corps. Ainsi ont vécu, entre autres, Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse de l’enfant Jésus, Sainte Térésa de Calcutta… Et sans parler de ces grands saints, il nous arrive de traverser ce que Saint Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus appelle les périodes de désolation : pendant un temps, le Seigneur permet que nous ne ressentions plus rien ou très peu dans notre vie spirituelle. C’est pour nous apprendre à lui faire confiance malgré tout. C’est pour apprendre à l’aimer Lui qui donne plutôt que ces dons, c’est pour que notre amour devienne plus gratuit et désintéressé.

Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

La gloire c’est la manifestation de Dieu infini dans le monde fini. Pour Jésus, sa gloire ultime c’est la Croix. Dans ce don Il manifeste l’amour infini de Dieu qui va jusqu’à expérimenter la mort, jusqu’à se charger de nos péchés, pour que les péchés comme la mort soient engloutis et détruits dans le feu de son amour. Il faut donc mettre en relation cette gloire avec l’heure dont nous avons parlé plus haut. Jésus commence à montrer qui Il est pour
Qu’au moment venu les disciples puissent recevoir et comprendre le mystère du sacrifice pascal et relire toute sa vie, y compris ce premier signe à la lumière de sa mort et de sa résurrection. C’est sans doute pour cela que seule la foi des disciples est mentionnée et pas celle des serviteurs qui ont aussi vu le signe mais qui n’ont sans doute pas vécu ensuite le Mystère Pascal ou du moins pas comme les disciples.
Bien sûr il est noté dès ici que les disciples crurent sans attendre le jour de Pâques. Mais la foi est un acte, il y a là un processus dynamique, dire qu’ils entrent dans la foi dès ce premier signe ne signifie pas que leur foi soit complète ou achevée. D’ailleurs dans le même Evangile on trouve plus loin :
08 C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
09 Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. (Jn 20, 8-9)
Le même auteur qui dit que les disciples ont cru à Cana explique qu’ils n’ont pas vraiment cru avant la Résurrection. C’est que leur foi devient plénière devant le mystère de la Résurrection et pas avant, mais elle était en germe depuis leur appel, et depuis le premier des signes à Cana.

Et nous ? Prenons le temps de voir, de découvrir ce que nous croyons déjà de Jésus Christ Fils de Dieu et fils d’homme. Consultons nos frères et l’Eglise toute entière pour découvrir jusqu’où peut nous emmener la foi véritable, puis entamons le processus de conversion qui ne s’achèvera qu’au ciel mais qui doit dès à présent nous retourner vers Dieu de plus en plus, de mieux en mieux.

 

Voici dons un texte qui nous parle d’alliance. Il y a d’abord l’alliance d’un homme et d’une femme à Cana en Galilée. C’est leur histoire mais elle devient toute entière une parabole d’une autre alliance : celle de Dieu et de l’humanité. Manifestée par le signe de l’eau changée en vin qui désigne le Christ comme maître de la Création, Dieu tout puissant et glorieux, cette alliance est d’abord présente en Marie, la mère qui est aussi disciple, confiante, attentive et discrète. Peu à peu y seront incorporé les serviteurs, la noce tout entière dans la personne du maître et les disciples. Mais avec eux on dépasse le seul signe pour arriver jusqu’à la gloire du Fils de Dieu fait homme et présent parmi nous.
Ainsi nous est ouvert un long processus qui nous invite à entrer dans le mystère non pas en une fois mais par des étapes de foi : obéissance, confiance, joie, contemplation et adhésion. C’est toute une vie qui se présente à nous.
Quelque soit notre état de vie : mariés, consacrés, ordonnés célibataires, nous sommes invités à vivre ces noces avec le Christ, noces divines qui nous entrainent jusqu’à la Croix, jusqu’à la Résurrection, jusqu’à la vie divine et éternelle.
Par ce premier signe tout est donc déjà présent en germe, comme par notre baptême tout est déjà semé en nous. A nous, par une conversion toujours plus vraie et plus profonde de nous unir sans cesse d’avantage à Celui qui seul peut restaurer en nous le plan de Dieu, nous combler de sa joie et nous faire entre dans sa gloire.