Évangile 11 septembre

24e dimanche ordinaire (C)

 

La lectio qui va être ici proposée est celle de la lecture brève. Pour la lecture longue, il faut ajouter la belle parabole dite du fils prodigue. Celle-ci a déjà été commentée pour le 4e dimanche de carême de l’année C. Nous la remettrons après ce commentaire dont nous reprenons aussi les premiers versets

 
Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 15, 1-10))

01 Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter.
02 Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
03 Alors Jésus leur dit cette parabole :
04 « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?
05 Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux,
06 et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !”
07 Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion.
08 Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ?
09 Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !”
10 Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »

Lecture ligne à ligne

01 Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. 02 Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui :

Ce constat n’est que l’accomplissement de ce que Jésus Lui-même a annoncé :
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.
32 Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. (Mt 21, 31-32)
Et il est écrit aussi pour nous expliquer cela :
29 Tout le peuple qui a écouté Jean, y compris les publicains, en recevant de lui le baptême, a reconnu que Dieu était juste.
30 Mais les pharisiens et les docteurs de la Loi, en ne recevant pas son baptême, ont rejeté le dessein que Dieu avait sur eux. (Lc 7, 29-30)
L’opposition entre ceux qui se croient saint et sont en train de passer à côté du Salut et ceux qui sont estimés pécheurs mais qui se laissent sauver par Dieu est récurrente dans l’Evangile. Elle nous rappelle que ce n’est pas nous qui pouvons nous sauver mais Dieu seul. Rappelons-nous :
35 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera.
36 Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ?
37 Que pourrait-il donner en échange de sa vie ?
Et c’est encore en ce sens qu’on peut comprendre le discours de la vraie vigne :
De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
05 Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.
06 Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. (Jn 15, 4-6)

Et nous ? Sommes-nous prompts à nous trouver juste ou à juger nos frères ? Savons-nous accueillir le Salut qui vient de Dieu ? Pouvons-nous nous rappeler d’un épisode de notre vie où nous avons constaté que sans Dieu, sans sa grâce ou sa providence nous aurions pris un mauvais chemin, une mauvaise décision, ou tout simplement que nous n’aurions pas su quoi faire ?

« Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »

C’est déjà ce qui s’est dit quand Jésus a appelé Mathieu et est allé déjeuner chez lui :
09 Jésus partit de là et vit, en passant, un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de collecteur d’impôts. Il lui dit : « Suis-moi. » L’homme se leva et le suivit.
10 Comme Jésus était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) et beaucoup de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples.
11 Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » (Mt 9, 9-11)
Et aussi lors de la rencontré avec Zachée :
Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
06 Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie.
07 Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. » (Lc 19, 5-7)
Et on pourrait ainsi multiplier les exemples. Jésus a profondément modifié la compréhension de la sainteté en passant d’une observance matérielle de préceptes où le contact peut rendre pur ou impur et de même des pratiques de lavage peuvent purifier, à une attitude intérieure de recherche et d’accueil de Dieu dans sa vie et dans ses frères de sorte que le péché est un acte de volonté qui ne peut venir que du cœur et où seule la charité peut sauver. C’est ainsi qu’il déclare :
« Êtes-vous donc sans intelligence, vous aussi ? Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans l’homme, en venant du dehors, ne peut pas le rendre impur,
19 parce que cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, pour être éliminé ? » C’est ainsi que Jésus déclarait purs tous les aliments.
20 Il leur dit encore : « Ce qui sort de l’homme, c’est cela qui le rend impur.
21 Car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres,
22 adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure.
23 Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. » (Mc 7, 18-23)

Et nous ? Comment cherchons-nous à devenir des saints ? Est-ce simplement en observant quelques règles, comme les enfants d’une classe interrogés sur le carême : « c’est quand on ne peut pas manger de bonbons ! », ou bien cherchons-nous vraiment à exercer notre cœur à rechercher la volonté de Dieu, ce qui est bon ce qui lui plaira ?

03 Alors Jésus leur dit cette parabole :

Lorsque les hommes ne veulent pas accueillir la parole, Jésus les oblige en quelques sorte, à réfléchir par une parabole que spontanément nous voulons comprendre et interpréter. Ainsi ce que notre volonté refuse d’accueillir, notre intelligence le cherche, peut-être saura-telle alors ouvrir nos cœurs ?

Et nous ? Est-ce que nous sommes-prêts à mettre en œuvre toutes nos capacités pour mieux répondre à l’amour de Dieu ? Avons-nous tendance à nous enfermer dans nos certitudes ou nos convictions ? Quelles sont nos capacités à nous convertir ?

04 « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une,

Notons d’emblée que cette parabole interpelle l’auditoire. Il ne s’agit pas d’un roi, d’un trésor ou de quoique ce soit d’autre mais bien de l’un d’entre nous. Autrement dit, nous sommes pris à témoins de ce que nous ferions dans la situation qui va être décrite. Il y a ensuite le contraste entre la possession de cent brebis, chiffre symbolique qui traduit le grand nombre, et la perte d’une seule, ce qui pourrait paraître anecdotique.
Si l’on veut passer à l’interprétation plus allégorique, les cent brebis représente la totalité des richesses, la totalité de ce que possède le propriétaire. La brebis unique semble représenter ce qui n’a pas ou peu de valeur, le détail ou l’anecdotique. Autrement dit Jésus interroge sur un homme qui serait riche et perd quelque chose de peu de valeur…
Mais il ne faut pas oublier le contexte de cette parabole : les pharisiens qui se croient justes et bons et les publicains qu’ils estiment être sans valeur parce que pécheurs. Il semblerait donc que plutôt que de parler d’argent ou de richesses, Jésus parle de ceux qui sont connus et reconnus pour leur valeur et de ceux qui semblent insignifiants. Les cent brebis représentent donc le peuple et la brebis perdues les publicains et les pécheurs. Les quatre-vingt-dix-neuf autres sont donc « les gens bien » les pharisiens et ceux qui les suivent. C’est bien ce que nous voyons par exemple dans la parabole du jugement dernier :
31 « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :
33 il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
34 Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père… » (Mt 25, 31-34)
Les brebis sont les bénis du Père par opposition au bouc qui sont maudits. Les 99 sont donc des bénis…
Mais à qui appartient le peuple si ce n’est à Dieu ? Voici donc que Jésus compare Dieu, se compare à nous, aux pharisiens à qui il s’adresse… Quelle douceur, il leur fait un reproche ou plus exactement il les reprend mais en s’identifiant à eux pour qu’ils s’identifient à Lui et se réforment eux-mêmes sans que la remontrance ne leur soit pénible !

Et nous ? Sommes-nous conscients de ce que nous possédons ? Sommes-nous plus encore heureux d’avoir un Dieu si doux, si bon qu’il s’identifie à nous pour nous montrer le chemin de la sainteté ? Ce Dieu qui se fait homme pour que nous puissions être divinisé, le comprenons-nous ? sommes-nous dans une action de grâce perpétuelle face à son amour ?

n’abandonne-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert

Voici l’élément principal de la parabole : ce qui est sans valeur apparente est le cœur de la préoccupation de Celui qui possède pourtant bien plus. Cette richesse pourtant bien plus importante est « abandonnée » et pas n’importe où : « dans le désert ! Voici quelques-uns des enseignements que nous pouvons en tirer :
1-    Le maître, Dieu, ne s’intéresse pas au nombre ou à la richesse mais à chacun. Pour lui nous sommes tous irremplaçables.
2-    Quand il s’agit de Salut, la richesse n’intervient plus, Dieu est prêt à tout abandonner pour le salut d’une seule de ses ouailles. N’est-ce pas ce qui se joue sur la Croix ? Dieu laisse même son propre fils mourir pour sauver l’humanité, Il est prêt à tout donner, même son fils.
3-    Rien ni personne n’est définitivement perdu pour Dieu, Il est prêt à tout même pour celui qui semble égaré.
4-    Il les abandonne au désert, dans un lieu sans rien, vide, l’abandon semble complet
5-    Mais l’autre interprétation du désert c’est le lieu de la rencontre avec Dieu : Moïse traverse le désert pour rencontrer Dieu dans le buisson ardent :
Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb.
02 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. (Ex 3, 1-2)
Elie s’enfuit au désert et c’est là que Dieu le rejoint et le sauve :
04 Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. »
05 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! » (1R 19, 4-5)
Jésus lui-même est conduit au désert par l’Esprit :
01 Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert (Lc 4, 1)
Le désert est même le lieu où Dieu retrouve ce qui est insignifiant pour lui donner de la valeur, le lieu où retentit l’appel auprès de ce qui semble perdu :
le lot du Seigneur, ce fut son peuple, Jacob, sa part d’héritage.
10 Il le trouve au pays du désert, chaos de hurlements sauvages. Il l’entoure, il l’élève, il le garde comme la prunelle de son œil. (Dt 32, 9-10)
La conclusion est donc que Dieu semble abandonner les 99 mais qu’en fait il les laisse là où il va revenir les trouver, où il va venir les appeler. Eux vivent un moment de solitude, d’inquiétude et de désarroi, mais s’ils restent fidèles, c’est là que le Seigneur viendra les appeler pour la vie éternelle.

Et nous ? Est-ce que pour nous la valeur de chaque personne est infinie, bien supérieure à toute considération de richesse ? Savons-nous grader confiance et espérance même dans les situations irrécupérables à vue humaine ? Et quand nous nous sentons perdus ou abandonnés, saurons-nous tenir bon malgré tout et continuer à faire confiance à ce Dieu qui viendra nous appeler même dans nos plus profonds déserts ?

pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?

Nous venons de voir ce que Dieu fait pour les justes : il les place en attente là où il viendra les chercher, les confrontant à l’épreuve de la solitude et du silence pour encourager leur fidélité et leur espérance. Voici maintenant ce qu’il fait à la brebis perdue : il vient à elle, il l’appelle sans relâche, il ne désespère jamais. Il vient à elle « jusqu’à ce qu’il la retrouve ». Ainsi l’échec n’est pas envisageable ou envisagé, quoiqu’il arrive, Il la retrouvera !
Notons au passage un petit paradoxe : une brebis perdue c’est une brebis qui n’est plus sous le regard du berger, qui n’est plus non plus dans un enclos ou sur un pâturage rassurant. Par exemple, c’est une brebis dans le désert, loin du bon berger. Lorsque le berger abandonne les 99 au désert, il en fait, de facto, 99 brebis perdues. Mais nous savons maintenant ce qu’il fait à ses brebis là : Il les cherche, il vient à elles, il les trouve. Ainsi, qu’aucune brebis ne trouve injuste l’action de ce berger, car elle est à son tour la brebis perdue qu’il va chercher et retrouver.

Et nous ? Avons-nous suffisamment confiance en celui qui va venir nous chercher ? Désirons-nous vraiment qu’Il nous retrouve ? Ou bien notre orgueil nous pousse-t-il à croire que nous pourrons nous sauver nous-même sans le berger ? ou notre jalousie nous pousserait-elle à ne pas rester au désert, là où le Seigneur viendra nous appeler et nous chercher ?

05 Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux,

Ce verset apparemment anodin et tout joyeux cache le plus grand des paradoxes, le mystère même de toute la mission du Christ. La brebis perdue représente l’homme pécheur, le berger qui la retrouve c’est le Christ qui la sauve, et pour cela il est tout joyeux…Quoi de plus naturel ? Mais nous sommes dans une parabole, il faut aller au-delà des apparences ! Pour sauver l’homme pécheur, qu’a donc fait le Christ : il est mort sur la Croix, la croix qu’il a chargée sur ses épaules pour la porter jusqu’au Golgotha. Ainsi, nous le comprenons, le Christ qui se charge de sa croix ne se charge pas seulement d’une pièce de bois mais bien des hommes pécheurs, de tous ses frères perdus par leurs fautes qu’il n’a pas voulus abandonner, mais pour qui il est sorti, pour qui il a tout abandonné, sa gloire mais aussi sa vie. C’est ce qu’exprime si bien l’hymne au Philippiens de Saint Paul :
Le Christ Jésus,
06 ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
07 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect,
08 il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. (Phi 2, 5-8)
La brebis perdue, la croix du Seigneur, c’est toi, c’est moi, qu’il prend sur ses épaules. Et voici le paradoxe, il le fait tout joyeux ! Ce n’est as la joie de souffrir bien sûr mais la joie de sauver. Jésus le fait comprendre dans une réflexion faites ailleurs aux disciples :
49 Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
50 Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Ce baptême c’est être plongé dans la mort, d’où l’angoisse face au défi de la souffrance. Mais plus encore, ce baptême c’est faire passer l’humanité par la mort pour la vie éternelle, et l’angoisse est alors devant l’urgence de sauver et d’arracher tout homme au péché et à la mort. Angoisse comparable au berger qui recherche sa brebis, mais qui disparait quand la brebis est retrouvée, quand l’humanité est sauvée, d’où la dernière parole du Christ en Croix :
Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. (Jn 19, 30)

Et nous ? sommes-nous conscients que le Christ souffre à cause de nous, pour nous ? Sommes-nous remplis de gratitude devant ce sacrifice ? saurons-nous ainsi accepter que tous, même ceux que nous estimons les plus pécheurs, soient sauvés, puisque le Christ meurt pour nous tous ? Comprenons-nos que nous sommes tous, quel que soient nos péchés, sauvés uniquement par la miséricorde du Père et le Sacrifice du Christ auquel nous sommes associés dans l’Esprit ?

06 et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins

Voici une grande question : le berger rentre chez lui avec la brebis perdue, mais qu’en est-il de 99 qu’il a laissé non chez lui mais au désert ? Pensons-nous qu’elles ont pu rentrer toutes seules, sans le berger ? mais alors pourquoi la brebis perdue ne l’aurait-elle pas fait aussi ? Pourquoi le berger serait-il parti à la recherche de celle-là ? La seule explication valable est celle que nous avons déjà donné plus haut : abandonnée au désert, chacune de ses brebis est devenue une brebis perdue, le berger ne rentrera donc chez lui que lorsqu’il les aura toute ramenées. Il les traite toutes de la même manière car sans le berger elles sont toutes des brebis perdues ! elles sont donc toute l’objet de sa joie.
Mais voici qu’interviennent amis et voisins. Qui sont-ils ? Si le berger c’est le Seigneur, chez Lui c’est au paradis, ses amis sont les saints, ses voisins sont ceux qui vivent là depuis toujours, les anges… si les amis et les voisins sont les saints et les anges, cela signifie que les brebis ne le sont pas… encore une fois, les 99 comme l’autre, sont, à leur tour et à leur manière, des brebis perdues, des pécheurs. La parabole des deux fils qui conclue se chapitre nous montre bien avec le fils ainé comment on peut être resté toute sa vie à servir le maitre et pourtant être perdu… parce qu’on a perdu l’amour de Dieu, parce qu’on ne croit plus en l’amour de Dieu, parce qu’on se croit supérieur à Dieu, parce qu’on éprouve que jalousie, ressentiment ou colère pour ses frères… les trois paraboles se répondent et se complètent. Mais le pire pour ces brebis-là c’est qu’elles pensent ne pas avoir besoin de se convertir

Et nous ? Sommes-nous prêts à nous reconnaître pécheurs quoiqu’il arrive, malgré tous nos efforts, car Dieu seul et saint ? Avons-nous le désir et l’Espérance d’être un jour chez Dieu avec ses amis et ses voisins, avec tous les anges et avec tous les saints ?

pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !”

Voici deux enseignements que nos pouvons trouver dans ce verset :
1-    Le Seigneur estime que le salut de chaque homme est un sujet de joie, pour lui, pour les anges et pour les saints. C’est dire quelle estime Il a pour nous, quel amour Il éprouve pour chacun de nous !
2-    Pour le Salut d’un homme il invite la multitude qui peuple le paradis à se réjouir, autrement dit la Bonne nouvelle du Christ c’est cela : « j’ai retrouvé la brebis perdue » autrement dit j’ai sauvé l’homme. L’amour de Dieu qui descend jusqu’à nous parce qu’il n’accepte pas que nous soyons perdus, qui abandonne tout jusqu’à sa propre vie pour que nous soyons sauvés, qui nous ramène dans la communion avec les saints et les anges dans sa demeure éternelle, c’est cela la Bonne Nouvelle. Elle est bonne parce que Dieu est bon, elle reste nouvelle car chaque homme qui est sauvé, qui prend le chemin du salut la renouvelle jusqu’à la fin des temps.

Et nous ? Pouvons-nous nous réjouir de chaque personne qui se rapproche de l’amour de Dieu, quel que soit son passé ? Et est-ce que le paradis est dans le fond la seule Bonne Nouvelle que nous cherchons, accueillons et revendiquons ?

07 Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion.

La joie dans le ciel vient de la Bonne Nouvelle du salut : nous venons de le dire. Comment peut-on alors imaginer que 99 personnes soient sauvées sans qu’il y ait de joie ? Il y a là encore une attention particulière à avoir. Commençons par une question toute simple : quel est le contraire d’un pécheur ? autrement dit, que devient un pécheur qui se convertit (car se convertir cela signifie se retourner et donc devenir le contraire de ce qu’on était) ? Un pécheur convertit c’est un saint. Mais nous avons dit que les saints sont, dans cette parabole, représentés par les amis de Dieu, ceux qui se réjouissent avec le berger du retour de la brebis. Ils ne sont donc pas les justes dont il est questions ici. Le contraire d’un pécheur c’est un saint, pas un juste ! qui sont donc ces justes ? Ce sont ceux qui pensent ne pas avoir besoin de conversion. Il ne s’agit pas des 99 abandonnés au désert dont nous avons dit qu’ils devront se laisser rejoindre et appeler par le Seigneur et donc se convertir à sa voix lorsqu’Il reviendra. Ou plutôt il ne s’agira d’eux que s’ils s’estiment sauvés non parce que le berger revient les chercher mais simplement parce qu’ils ne croient pas s’être jamais écartés de Dieu. Ils confondent proximité de localisation et proximité de cœur, mais on peut être très proche de son ennemi comme on peut être très loin de son ami.
Formulée autrement, la justice relève de loi, de la règle observée, tandis que le salut relève de la charité de la personne aimée. Le pécheur qui refuse d’aimer n’accueille pas le pardon il est une brebis qui refuse d’être retrouvée et il mourra seul. Le pécheur qui pense que par ses propres forces et par ses règles de bonne conduite il se justifie restera au milieu de ceux qui souscrivent aux mêmes règles et ils mourront ensemble dans leur illusion. La loi prévient de ce qui est mal pour nous faire l’éviter le plus possible, mais elle ne sauve pas du mal. Seul Dieu sauve et non pas à cause de l’observance de la loi mais par le foi qui est confiance et amour de Dieu. C’est tout l’objet de la lettre aux Galates :
09 Ainsi, ceux qui se réclament de la foi sont bénis avec Abraham, le croyant.
10 Quant à ceux qui se réclament de la pratique de la Loi, ils sont tous sous la menace d’une malédiction, car il est écrit : Maudit soit celui qui ne s’attache pas à mettre en pratique tout ce qui est écrit dans le livre de la Loi.
11 Il est d’ailleurs clair que par la Loi personne ne devient juste devant Dieu, car, comme le dit l’Écriture, celui qui est juste par la foi, vivra (Ga 3, 9-11)
Nous avons mis en gras « par la loi personne ne devient juste devant Dieu » pour attirer votre attention, il s’agit d’être juste devant Dieu. Celui qui est juste devant Dieu c’est un saint, Il s’est laissé trouver et sauver par Dieu et il provoque la joie au ciel comme nous l’avons dit, mais celui qui est juste à ses propres yeux et non devant Dieu n’a pas besoin de conversion (ou croit ne pas en avoir besoin) et ne provoque pas cette joie. C’est qu’il est tourné vers lui-même et vers son observance de la loi plutôt que d’être tourné vers Dieu pour lui obéir et recevoir la grâce. La question est donc de savoir de quelle justice nous parlons. Celle des hommes ou celle de Dieu. Comme s’imaginer qu’un homme qui serait juste devant Dieu, c’est-à-dire qui aurait pris conscience que Dieu est un Père très aimant et qui répondrait de tout son cœur à cet amour divin par son propre amour, comment imaginer que celui-là ne provoquerait pas la joie au ciel ? C’est la critique principale qui est adressée aux pharisiens à qui s’adresse Jésus par ces paraboles.

Et nous ? A quoi cherchons nos à correspondre ? à une loi, à un règlement, à un code de valeurs et de bonnes actions ? ou bien à l’amour d’un Dieu qui se donne et ne souhaite rien d’autre que d’être aimé en retour ?

08 Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une,

Voici encore de quoi nos surprendre. Jésus qui a dénoncé l’argent trompeur :
11 Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?
12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ?
13 Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » (LC 16, 11-13)
Qui a dénoncé aussi l’avidité :
15 Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » (Lc 12, 15)
Le voilà qui prend l’argent comme centre d’une parabole, et qui plus est, d’une parabole qui va nous parler du salut. Tout commence comme la première quoiqu’avec les chiffres dix et un seulement.
Il est aussi question d’une femme et non plus de « vous » comme dans la première parabole. C’est à noter, car cette femme représente Dieu comme le propriétaire, le « celui d’entre vous » de la première parabole. Ce n’est pas si souvent que Jésus compare Dieu a une femme mais cela fait le complément de la troisième parabole de ce chapitre, exclusivement masculine : un père avait deux fils…

Et nous ? Acceptons-nous de nous laisser surprendre et d’aller plus loin que les apparences pour entendre et comprendre la Parole du Seigneur ?

ne va-t-elle pas allumer une lampe,

Voici maintenant les actions de cette femme pour retrouver la pièce perdue qui correspondent à ce que Dieu fait pout retrouver l’homme pécheur.
D’abord elle allume une lampe. Voici deux citations de paroles du Christ pour nous aider à comprendre :
12 De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. » (Jn 8, 12)
et
14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
15 Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
16 De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. (Mt 5, 14-16)
Jésus dit de Lui-même « je suis la lumière du monde. Dire dans une parabole que la femme (qui représente Dieu) va allumer une lumière c’est dire que Dieu envoie son Fils qui est la lumière du monde pour retrouver celui qui est perdu, le pécheur.
Mais cette lumière brille « pour tous ceux qui sont dans la maison » ; autrement dit, tous ont besoin de la lumière, même ceux qui ne sont pas perdus. Personne ne peut prétendre se sauver de lui-même. Et le but ultime, c’est qu’à partir de cette lumière tous rendent gloire à Dieu : voici la conversion qui retourne non vers celui qui fait du bien mais vers Celui qui est l’origine de tout bien.

Et nous ? Comment nous laissons nous illuminer par le Christ (prière, Parole, sacrements, accueil et service du frère…) Sommes-nous assez humbles et désintéressés pour que nos bonnes actions tournent nos frères vers Dieu (comme un témoignage) plutôt que vers nous (comme une gloriole stérile) ?

balayer la maison,

La maison est le lieu où la pièce s’est perdue, elle représente donc ici, non le ciel où personne n’est perdu ou rien n’est sale, mais le monde où des hommes se perdent car règne le péché qui salit la Création. La femme qui balaie est donc équivalent au berger qui cherche la brebis, c’est Dieu qui vient jusqu’à nous. Il y a en plus la notion de nettoyage qui fait penser à la purification, le péché est ainsi enlevé de ce monde.

Et nous ? Comment nous laissons-nous purifier par Dieu ? Quel est notre rapport au sacrement de la réconciliation, instrument si adéquat à notre conversion et à notre Salut ?

et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ?

Là encore aucun doute ne subsiste sur le fait qu’elle va retrouver !

Et nous de qui désespérons-nous ? De nous ? de Dieu ? d’un frère ou d’une sœur ? Y a-t-il quelqu’un que nous voyons exclu du Salut ? ne serait-ce pas un manque de foi dans la miséricorde toute puissante de celui qui est mort pour tous ?

09 Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines

Nous trouvons ici au féminin tout ce que nous avons vu au masculin dans la précédente parabole. Ainsi n’y a-t-il aucune ambiguïté sur les propos du Christ. Mais arrêtons-nous sur un détail que nous n’avons pas souligné plus haut : elle rassemble. L’assemblée, c’est précisément le nom de l’Eglise le nouveau peuple de Dieu. Ainsi nous voyons d’où nait cette église : de la joie du Seigneur de voir l’homme sauvé. L’existence même de l’Eglise d’après ces paraboles est la conséquence directe de la joie du Seigneur de voir l’homme sauvé. Notre origine c’est la joie de Dieu, cette joie vient de son amour qui nous retrouve. Comme Eglise nous sommes la conséquence directe de l’amour joyeux ou de la joie amoureuse de Dieu ! en voici une confirmation :
ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »
21 À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance.
22 Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
23 Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! (Lc 10, 20-23)
La joie de Jésus vient du Salut (vos noms sont inscrits dans les cieux) qui vient de la bienveillance (de l’amour de Dieu) et elle produit donc l’assemblée des disciples à qui le Fils a révélé Dieu, qui contemple ses merveilles et dont le nom est inscrit dans les cieux, n’est-ce pas la définition de l’Eglise ?

Et nous ? Participons-nous de cette joie amoureuse ? de cet amour joyeux ? Est-ce que nous trouvons dans nos frères et dans le Père l’objet de notre amour et la cause de notre joie ?
Pouvons-nous faire nôtres ces paroles du Christ :
09 Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour.
10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.
11 Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. (Jn 15, 9-11)

pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !”

Là encore le parallèle est parfait et il suffit d’ajouter une chose qui n’a pas encore été soulignée : l’importance du « je » dans ces phrases : « j’ai retrouvé » et « j’avais perdu ». Cela signifie que ce n’est pas nous qui avons le sentiment d’être perdu mais la perte est pour le Seigneur. Cela nous donne à voir l’ampleur de notre péché. Notre action en tant que telle est limitée par nos propres limites, nous ne sommes que de petites créatures. Notre action étant limitée, notre péché devrait être petit et limité lui-aussi. Mais il implique que Dieu perde la proximité et l’amour de la Créature qu’Il a créée pour cela. Ainsi notre péché limité impacte le Dieu tout puissant et parfait, non pas que nous puissions blesser ou abimer Dieu qui dans sa toute-puissance parfaite ne peut être altéré, mais que nous altérions le fruit de ses projets d’amour. En ce sens, parce qu’ils concernent Dieu tout puissant et infini, nos péchés ont quelque chose d’infiniment mauvais… Il n’y a pas de petits péchés puisqu’ils s’opposent et veulent ternir l’amour immense de Dieu.

Et Nous ? Etant conscients de cela nous n’aurons plus de négligences ou d’indifférence à confesser même le plus anodins de nos péchés qui comme une toute petite tâche n’a d’importance qu’a cause de la blancheur éclatante et infinie de la pureté de Dieu.

10 Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »

Si les deux paraboles semblent parfaitement parallèles, la conclusion nous montre où résident la différence majeure. Ici il n’est plus question de comparaison avec des justes, les 9 pièces ne sont pas abandonnées, la joie n’est pas proportionnelle à telle ou telle situation. Ici il n’est plus question que de conversion. Jésus ne s’acharne pas sur les pharisiens, Il leur a déjà dit dans la première parabole ce qu’il voulait, maintenant il s’adresse donc à tous et encourage tout le monde, ceux qui se croient justes (les pharisiens), mais aussi ceux qui le suivent (les disciples), ceux qui l’écoutent (les publicains et les pécheurs) et ceux qui un jour entendront cette Parole (nous) à nous convertir. Nous pouvons le faire parce que nous ne serons jamais repoussés ; il n’est jamais trop tard, c’est toujours l’occasion d’une joie au ciel. Et si nous ne le faisons pas pour nous, faisons-le du moins pour Dieu, pour les saints et les anges à qui nous procurerons une grande joie !

Et nous ? Avons-nous besoin de motivation supplémentaire ou sommes-nous d’ores et déjà convaincu de l’urgence de notre conversion ? Et si nous ne savons pas comment nous convertir, lisons donc attentivement la troisième parabole qui correspond à la lecture longue et dont nous reproduisons le commentaire déjà proposé au 4ème dimanche de carême de cette année C (après la conclusion)

En guise de conclusion :
Ces deux premières paraboles de st Luc, parabole de la miséricorde de Dieu nous le montre sous les traits d’un berger ou d’une femme, venant à nous, ne renonçant jamais et nous trouvant pour nous sauver. Elles nous montrent que Dieu est prêt à tout et que de fait il a tout fait, y compris livrer son propre Fils à la mort de la Croix, pour nous obtenir le Salut. Nous y trouvons donc le mystère de l’incarnation, de l’Eglise, de la Croix mais aussi la place de la loi, de la charité de la foi et de l’Espérance, bref tout ce qui fait le mystère de notre Salut. Il ne reste plus qu’à contempler l’amour infini du Père pour les fils que nous sommes et de quelle conversion il nous parle. C’est l’objet de la troisième et la plus admirable des paraboles de la miséricorde.

11« Un homme avait deux fils.

Une autre parabole commence ainsi :
28 Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
29 Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
30 Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas.
31 Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. » (Mt 21, 28-31)
Elle introduit l’affirmation citée plus haut sur les publicains qui nous précèdent dans le royaume de Dieu, elle suit le refus des pharisiens à se prononcer sur Jean et sur son baptême. Nous sommes dans le même contexte : Jésus veut forcer la réflexion de ceux qui sont campés dans leur bonne foi. Les fils vont représenter ceux qu’on dit justes et ceux qu’on affirme pécheurs, mais nous détrompe sur la réalité de la justification et du salut.

Et nous ? Quel genre de fils de Dieu sommes-nous ? De ceux qui disent « oui » et ne font pas ? ou qui disent « non » mais obéissent quand même ? ou peut-être qui disent et font la volonté de Dieu ? Ou refuse et de dire et de faire ce que Dieu demande ? pour pouvoir nous convertir ou persévérer dans le bien, apprenons à nous connaître nous-même, non pas selon notre idée mais aux yeux de Dieu !

12 Le plus jeune dit à son père :

Ce n’est pas un hasard si Jésus commence par le plus jeune. Dans la société juive de l’époque la jeunesse est identifiée à la frivolité, à l’inexpérience et la folie. C’est le temps du péché par opposition à l’expérience de la vieillesse qui devient sagesse et mesure. Ainsi dans le livre des martyrs d’Israël à propos du scribe Eléazar :
23 Mais il fit un beau raisonnement, bien digne de son âge, du rang que lui donnait sa vieillesse, du respect que lui valaient ses cheveux blancs, de sa conduite irréprochable (2 Mar 6, 23)

Et nous ? Cherchons-nous à vivre comme des sages et des personnes d’expérience ou réagissons-nous comme des gamins insensés ?

“Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.

On peut se demander quelle part de fortune revient au fils. En fait du vivant du père rien ne leur revient, c’est seulement au jour de l’héritage que la fortune revient aux héritiers. Ainsi ne nous y trompons pas. Le péché de ce fils n’est pas tant dans son avidité ou dans son incapacité à gérer ou à prendre conscience de la valeur des choses. Le péché de cet enfant est d’abord envers le père qu’il considère comme mort, qu’il réduit à néant avant sa mort.
Le père qui accepte et partage ses biens montre non seulement qu’il laisse son fils libre mais plus encore qu’il est prêt à « être mort pour lui » si tel est son désir. Il ne lui refuse rien pas même sa vie. En lui donnant sa richesse, il lui donne le fruit de son travail et donc ce qui le fait vivre, mais il accepte aussi que son fils veuille le voir ou le considérer comme déjà mort.
Pour bien des parents il semble inconcevable que ce père puisse accepter et même d’une certaine façon contribuer à ce méfait du fils. Mais le mystère de la croix nous montre que Dieu le Père, tout comme le Christ, est prêt à tout pour honorer notre liberté et la respecter. Mais aussi pour nous accompagner jusqu’au bout de cette démarche de liberté (ici fourvoyée comme pour les chefs des prêtres au jours de la Croix) afin que nous ne soyons jamais seuls ou abandonnés quelles que soient nos erreurs. Si le père s’était opposé, le fils ce serait-il senti la possibilité de revenir ?

Et nous ? Comment usons-nous de notre liberté devant Dieu ? Quelle place laissons-nous à Dieu et à sa volonté dans notre liberté et dans notre vie ? Et comment respectons-nous et accompagnons-nous la liberté de nos frères ? Sommes-nous prêts à les accompagner jusque dans leurs erreurs pour les aider à revenir à se convertir ?

13 Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain

Cette attitude de rassembler « tout ce qu’il avait » ne peut pas ne pas nous évoquer la tentation de l’avoir que nous avons rencontré dans le texte des trois tentations au premier dimanche de ce carême. Le démon défie le Christ, pour montrer qu’il est fils, de revendiquer son droit d’avoir : avoir du pain quand il a faim. Ainsi se serait-il affranchi des lois de la nature (la pierre n’est pas du pain) au nom de son désir de posséder (il a faim) comme ce jeune homme s’affranchit des lois de la filiation et de l’héritage (il abandonne un père vivant en emportant son héritage) au nom de sa soif d’autonomie qui n’est pas une liberté mais une fuite (il partit loin).

Et nous ? Comment voulons-nous vivre notre condition de fils ? Dans l’opposition ou l’abandon du Père ? Dans la revendication de notre indépendance ou de notre autonomie ? Quelle est notre véritable liberté ? Notre véritable dignité ? Notre rapport à Dieu notre Père ?

où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.

Là encore, le péché dénoncé n’est pas forcément celui que l’on croit. Bien sûr dilapider une fortune est mal mais l’argent en soi n’a pas de valeur… Bien sûr la vie de désordre est un péché mais il y a pire : ainsi le livre des proverbes avertit :
07 Qui garde la loi est un fils intelligent ; qui s’encanaille fait la honte de son père. (Pv 28, 7)
Le problème est donc beaucoup plus de l’insulte faite au Père. C’est ainsi que le prophète ajoute :
14 L’homme de bien se porte caution pour son prochain, mais celui qui est sans scrupule l’abandonnera.
15 N’oublie pas les bienfaits de qui s’est porté garant : il s’est engagé en personne pour toi.
16 Le pécheur dilapide les biens de son garant ;
17 dans son ingratitude, il abandonne celui qui l’a sauvé. (Si 29, 14-17)
Et s’il subsistait un doute que ce soit une affaire contre Dieu, une histoire de blasphème, voici un passage encore plus explicite :
33 À toutes les prostituées, on fait un cadeau. Mais c’est toi qui faisais des cadeaux à tous tes amants ; tu les payais, pour qu’ils viennent vers toi, de tous côtés, se prostituer avec toi.
34 Toi, tu as fait le contraire de ce que font les prostituées : on ne courait pas après toi, on ne te donnait pas de salaire ; c’est toi, au contraire, qui en donnais.
35 Eh bien, prostituée, écoute la parole du Seigneur :
36 Ainsi parle le Seigneur Dieu : Puisque ton argent a été dilapidé, et ta nudité, dévoilée dans tes prostitutions avec tes amants, avec toutes tes idoles immondes, abominables, et à cause du sang de tes fils que tu leur as livrés,
37 eh bien, voici que je rassemble tous les amants à qui tu as plu, tous ceux que tu as aimés, comme tous ceux que tu as haïs ; de tous côtés je les rassemble contre toi, je dévoile ta nudité devant eux, et ils voient toute ta nudité.
C’est bien ce qu’a fait le fils : c’est lui qui a payé, mais sa ruine a montré sa nudité et bientôt il sera pauvre. Mais surtout il est question d’idoles immondes, ce qui confirme qu’il n’est point tant question d’insultes au père terrestre qu’au Père céleste.

Et nous ? Nous qui sommes riches de la grâce reçue au jour de notre baptême, nous qui sommes comblés de la richesse d’amour du Dieu qui se montre tel qu’il est, notre Père, comment usons-nous et profitons-nous de ses richesses ? Sommes-nous sûrs que nous les faisons fructifier et que nous honorons en elles notre Père ?

14 Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.

Le contraste entre la vie d’abondance vécue jusque-là et la vie de pauvreté à vivre désormais peut nous rappeler le sort d’Adam, l’homme pécheur dans le livre de la genèse. Dieu lui avait tout donné :
09 Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. (…)
15 Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde.
16 Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin (Gn 2, 9, 15-16).
Mais à cause de son péché tout change :
17 Il dit enfin à l’homme : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé le fruit de l’arbre que je t’avais interdit de manger : maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous les jours de ta vie.
18 De lui-même, il te donnera épines et chardons, mais tu auras ta nourriture en cultivant les champs.
19 C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras. » (Gn 3, 17-19)

15 Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.

L’insistance est double : il est sous la coupe d’un étranger et il garde les porcs, l’animal impur par excellence. Dans l’Evangile nous voyons aussi Jésus qui se retrouve à l’étranger, chez les Géraséniens dans la Transjordanie, et là encore il y a un troupeau de porcs. Mais ceux-là accueilleront la légion de démons qui infestait le possédé libéré par Jésus et se précipiteront dans la mer. (Cf.Lc 8, 26-39) Ainsi Jésus renvoie par sa parabole à un signe qu’il a accompli et qui a montré de quoi il s’agit vraiment : de la lutte entre les démons et le fils de Dieu pour libérer l’homme. Le fils qui pensait donc se libérer en quittant son père s’est donc privé de l’appui de celui qui le rendait vraiment libre et se retrouve esclave, d’abord de ses pulsions et du désordre de sa vie, puis de son indigence et de ses besoins vitaux : il a faim.

Et nous ? savons-nous ce qui nous libère vraiment ? Et d’abord avons-nous seulement réfléchi à ce qu’est la liberté ? Trop souvent nous voulons pouvoir faire ce que nous voulons, quand et comme nous le voulons ! cela n’est pas la liberté mais la toute-puissance, ce n’est pas pour l’homme mais seulement pour Dieu. La liberté consiste plutôt à choisir quels sont nos objectifs et nos buts et à prendre les moyens pour les accomplir. S’ils sont bons, le Père sera notre plus fidèle allié, il se fera même notre serviteur pour la réussite de nos projets. S’ils sont mauvais, il ne nous empêche pas car Il respecte notre liberté mais ne nous aidant plus car Dieu ne saurait collaborer au mal, Il nous fait nous retrouver face à nos incapacités, pauvretés et inaptitudes qui seront la preuve de notre besoin de Dieu ou la cause de notre perte… Alors comment nous libérer ?

16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.

Nous voyons la limite de celui qui veut se passer de Dieu : il n’a même plus ce qui est nécessaire pour survivre, encore moins pour vivre ! mais il y a plus : nous avons vu au début de l’explication de la parabole comme cela renvoyait à la première tentation. Jésus y répondait par la citation du Deutéronome : « l’homme ne vit pas seulement de pain » (Lc 4, 4 cf Dt 8, 3). Ainsi ; ce jeune homme ne vit même pas de pain et il ne reçoit rien, ni les gousses des porcs, ni le pain des hommes ni la parole de Dieu. Personne ne lui donne rien car il est encore entièrement refermé sur lui-même et son rêve d’autonomie qui le prive de recevoir des autres ou de Celui qui est le Tout Autre, ce qui pourrait combler sa faim.

Et nous ? Sommes-nous prêts à recevoir de Dieu et des autres ? Sommes-nous prêts pour être vraiment libre à dépendre des autres ? Sommes-nous conscients que nous ne serons jamais libres tout seul mais seulement dans une construction fraternelle et solidaire d’une libération commune avec nos frères grâce à notre Père ?

17 Alors il rentra en lui-même

Il était refermé sur lui-même de sorte que personne ne pouvait le rejoindre. Mais il entre en lui-même, c’est une première étape : si quelqu’un peut entrer en lui, fut-ce lui-même, c’est que la fermeture n’est plus tout à fait hermétique !

Et nous ? Quelle est notre capacité à l’intériorité ? Savons-nous que c’est le premier pas vers notre vraie liberté ? Comprenons-nous que la liberté est plus une question « intérieure » « qu’extérieure ». Être libre est une disposition de notre être, donc cela se passe en nous et il nous faut la cultiver. Ce n’est pas une qualité extérieure qu’on devrait conquérir ou acheter. Dieu nous a créé ainsi et nous devons faire fructifier ce que nous sommes.

et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !

Après l’intériorité, la mémoire. En lui, le fils trouve le souvenir de son père et de ses ouvriers. Il voit à quelque chose de meilleur que ce qu’il vit. Il est encore très tourné vers lui-même, « je meurs de faim ». Mais il a compris une chose : seul il ne pourra rien. Il est encore égoïste et intéressé, mais il a perdu l’arrogance et l’orgueil de l’indifférence et de la prétendue toute-puissance.
Ainsi Tobith dit à son fils :
Quant à toi, mon fils, aime tes frères, et ne jette pas un regard orgueilleux sur les filles de tes frères. Car, dans l’orgueil, il y a ruine et grand désordre et, dans une conduite indigne, abaissement et indigence extrême : c’est le début de la misère. (Tb 4, 13)

Et nous ? En quoi sommes-nous encore sous la coupe du péché d’orgueil ? Que faisons-nous pour cultiver notre humilité ?

18 Je me lèverai, j’irai vers mon père,

Tout est encore au « Je ». Il y a un égocentrisme à combattre, c’est certain. Mais il y a aussi une décision « je me lèverai » qui reprend le verbe utilisé dans l’Evangile pour parler de la Résurrection. Il y a là une renaissance qui se traduit par la reconnaissance du père qui est son père. Bien sûr le verset précédent en parlait déjà mais comme d’un souvenir alors que maintenant il est celui vers qui il se dirige. Le père est de nouveau vivant (il n’est plus question de récupérer un héritage) et désiré !
Cette phrase peut nous renvoyer à un autre épisode de l’évangile : la passion. Jésus commence dans son agonie par penser à Lui et à la souffrance qui l’attend mais il ne le fait jamais comme un mouvement égoïste. Il le fait toujours dans la volonté du Père ce qui nous donne la si belle prière :
42 « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22, 42)
Et cette prière n’est pas seulement une pensée ou un désir mais elle se traduit par des actes. Le premier et de recevoir courageusement la coupe dont il vient de demander d’être dispenser. Il le fait avec ses disciples :
Voici qu’elle est proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs.
46 Levez-vous ! Allons ! Voici qu’il est proche, celui qui me livre. » Mt 26, 45-46)
Et pour bien montrer qu’il s’agit du combat spirituel, de la vie éternelle et de la présence à Dieu saint Luc ajoute dans les mêmes circonstances :
46 Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. » (Lc 22, 46)
Ainsi Jésus et ses disciples se lèvent pour aller vers le Père. Nous savons que tous trahiront et s’enfuiront mais que le Christ ira jusqu’au bout. Il sait pourquoi il est sorti, pour quoi il va souffrir, il connait la volonté de Dieu et sa mission.

Et nous ? Quel est notre objectif ? Quel est notre but ? Quelle est notre mission ? Est-ce que nous désirons plus que tout nous diriger, nous rapprocher de Dieu notre Père ? faire sa volonté ? Comment le faisons-nous ?

et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. 19 Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.

Après l’intériorité, la mémoire… Après la mémoire, le désir… Après le désir, la conscience de son indignité ! Elle passe par le constat de son péché mais pas seulement. Il y a plus fondamental encore : la conscience d’être fils et de ne pas être à la hauteur de cette filiation. Regardons saint Pierre lors de la première pêche miraculeuse :
08 A cette vue, Simon-Pierre tomba aux genoux de Jésus, en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » (Lc 5, 8)
Il a conscience de son indignité, mais cela lui fait demander à Jésus de s’éloigner… Au contraire quand il aura compris, lors de la dernière cène quand Jésus veut lui laver les pieds, il s’estime encore indigne et refuse mais quand Jésus lui parle d’avoir part avec lui aussitôt il s’écrie :
« Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » (Jn 13, 9)
Désormais il sait qu’il n’est pas digne mais plus encore il espère le salut de Dieu, il sait pour quoi il est fait !
On ne reproche pas à quelqu’un de pas être à la hauteur de ce pourquoi il n’est pas fait : qui reprochera à la plante de ne pas sentir, à l’animal de ne pas réfléchir ? Si nous ne savons-pas que nous sommes faits pour l’intimité avec Dieu comment regretter nos péchés qui nous sépare de Lui. Mais si nous sommes ses fils alors tout ce qui nous sépare de Lui est indigne de nous !

Alors ? Prenons-nous conscience de l’immensité de la grâce que le Christ nous fait en faisant de nous des fils dans le Fils ? Réalisons-nous quelles responsabilités cela nous confère ? Comment escomptons-nous honorer notre Père en tant que fils de Dieu ?

Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”

Voilà qui pourrait sembler humble mais qui est en fait la preuve d’une méconnaissance totale de Dieu. Il a découvert que Dieu est son Père sans se découvrir en même temps fils ! Il pense que Dieu pourrait se repentir de l’avoir comme fils, pourrait renoncer à être père ! Il n’a rien compris à l’infinie de l’amour de Dieu. Le prophète avait pourtant averti !
14 Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, mon Seigneur m’a oubliée. »
15 Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas.
16 Car je t’ai gravée sur les paumes de mes mains, j’ai toujours tes remparts devant les yeux. (Is 49, 14-16)
Ce que dit ce fils part sans doute d’un bon sentiment : celui de son indignité, mais il est aussi une paresse (je renonce à être ton fils, je n’essaierai plus de l’être) et une insulte au père (tu peux te contenter d’être mon maître et mon patron, tu n’es plus père puisque je ne suis plus ton fils). Là encore il ne regarde que vers lui, sans penser à ce que cela implique pour le père. L’orgueil, base de tous les maux a été vaincu assez facilement, l’égoïsme retient beaucoup plus fort le pécheur dans ses travers car il le trompe et l’illusionne même sur ses bonnes intentions.

Et nous ? Sommes-nous capables d’amour désintéressé ? Sommes-nos capables de mettre l’autre à la première place ? plutôt que de nous résigner à notre indignité, saurons-nous reconquérir l’honneur d’être fils, frères et amis en mettant ainsi l’autre (l’Autre ?) à la première place ?

20 Il se leva et s’en alla vers son père.

Après l’intériorité, la mémoire… Après la mémoire, le désir… Après le désir, la conscience de son indignité… Avec cette conscience la résolution. Il avait pris la décision dans la phrase d’avant mais maintenant il s’exécute. Il ne s’agit pas seulement de vouloir, de désirer ou de rêver, il s’agit de décider et d’agir, c’est cela la conversion.
On pourra par exemple se rappeler de l’avertissement du Christ dans le discours sur la montagne :
21 Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. (Mt 7, 21)
Et surtout on repensera à l’autre parabole des deux fils (celui qui dit oui et celui qui dit non) car l’important n’est pas dans l’intention ou les paroles mais dans les actes posés (il y alla… C’est lui qui a fait la volonté du Père).

Et nous ? Quelle résolution, quelle décision avons-nous prise, par exemple pour vivre une vraie conversion durant ce temps de carême ?

Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.

La merveille dans la conversion, c’est que c’est nous qui sommes loin mais que c’est Dieu qui court et comble la distance. Alors que nous ne faisons encore que rêver de Dieu, Lui nous voit déjà et vient jusqu’à nous.
La merveille dans la conversion c’est que c’est nous qui sommes dans l’erreur et que c’est Dieu qui rétablit la vérité ! Il voulait demander à être un ouvrier, son père le traite pour ce qu’il est : un fils ! il veut demander pardon et négocier, il est aimé et comblé au-delà de toute espérance. Il aurait voulu rétablir la justice, il est réintroduit dans l’amour ! Cet amour fou de Dieu pour les pécheurs est exprimé de manière particulière par le christ en Croix qui intercède même pour ses bourreaux :
34 Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23, 34)
Ici il ne se sont même pas encore convertis, ils sont encore en train de faire le mal que déjà l’amour de Dieu les rejoint et les chérit.

Et nous ? Comment cherchons-nous l’amour miséricordieux du Père, comment lui manifestons-nous notre désir, même imparfait, de revenir à Lui pour qu’il fasse le chemin qui nous sépare ? n’est-ce pas le sens même du sacrement de réconciliation ? En usons-nous ?

21 Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.”

Il y a quelque chose d’admirable : le fils ne profite pas de l’amour du Père pour se défausser et s’éviter l’humiliation de l’aveu.
Il y a quelque chose de terrible : le fils est tellement pris dans ses résolutions et son égocentrisme qu’il ne voit pas ce que le père est déjà en train de faire pour lui.
Il y a une grande justice dans ce qui se dit, le père laisse tout juste le temps au fils de dire ce qui est vrai et juste : sa confession et son indignité, mais le coupe avant qu’il dise une bêtise : la demande injuste d’être pris comme ouvrier.
La vérité n’est pas cachée ou tue, l’erreur n’est pas encouragée ou même tolérée, l’amour restaure et protège.

Et nous ? Saurons-nous être juste et en même temps nous laisser prendre dans la miséricorde de Dieu ? Celui qui dit « je n’ai pas besoin de me confesser, je parle directement à Dieu » n’est-il pas de ceux qui refusent de se lever pour aller vers le père ? Celui qui dit : à quoi bon confesser mes péchés, dieu les connaît, je m’en remets à son amour ne se défausse-t-il pas de son devoir de justice sous prétexte de miséricorde divine ?

22 Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller,

D’autres passages de l’Evangile expliquées dans les semaines précédentes nous ont déjà montré que l’habit est un signe extérieur de la dignité et de la puissance intérieure de la personne. Ainsi dans la transfiguration le vêtement devient blanc et resplendissant :
Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. (Lc 9, 29)
Ainsi l’hémorroïsse veut elle toucher la frange du vêtement de Jésus pour être sauvée :
27 cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
28 Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » (Mc 5, 27-28)
Le vêtement ainsi offert par le père est symbole de la filiation, mais il est le plus beau car comme dit st Paul :
Mais là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé (Rm 5, 20)
Ce que Saint Luc avait fait comprendre dans ce même chapitre 15 mais dans la parabole précédente dite du bon pasteur :
C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Lc 15, 7)

Et nous ? Avons-nous assez de confiance pour croire que le Seigneur nous pardonnera et même nous fera progresser à chaque fois que nous nous retournerons vers Lui ? Avons-nous conscience que son pardon nous couvre tout entier et que notre péché nous est totalement arraché pour que nous soyons recouverts du plus beau des manteaux, comme le dit encore saint Paul :
tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi.
27 En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ;
28 il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus.
29 Et si vous appartenez au Christ, vous êtes de la descendance d’Abraham : vous êtes héritiers selon la promesse. (Ga 3, 26-29)
Ici revêtir le Christ c’est devenir un avec Lui, Il est fils et nous sommes fils et il est bien question d’héritage mais nous y avons droit car le Christ est mort. La merveille de la Résurrection c’est que les héritiers par la mort du Christ peuvent jouir de leur héritage avec lui qui est ressuscité !

mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds,

La bague est pour nous bien sûr signe d’alliance. Dans la bible, elle est surtout signe de richesse. Il est donc logique d’y voir à la fois la restauration de la filiation qui faite que le fils partage la richesse de son père et l’établissement d’une alliance nouvelle que le fils avait rompue en partant et que le père restaure en l’accueillant.
Quant aux sandales, elles étaient, dans la législation juive antique, signe de rachat :
07 Or, jadis en Israël, pour le rachat ou pour l’échange, afin de conclure toute affaire, l’un enlevait sa sandale et la donnait à l’autre. En Israël, cela servait de témoignage. (Rth 4, 7)
Cela explique pourquoi Jean le Baptiste déclarait :
Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ;
27 c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa sandale. » (1 jn 26-27)
Il n’est pas digne d’être racheté, ce qui ne signifie pas qu’il ne le sera pas
Voilà aussi pourquoi le Christ dit aux disciples envoyés en mission :
Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. (Lc 10,4)
Ils ne sont pas envoyés comme des rachetés ou comme ceux qui pourrait racheter, mais comme des pécheurs qui annoncent à des pécheurs que Dieu va les sauver

Et nous ? Savons-nous que par notre baptême nous avons été rachetés ? Savons-nous que nous avons revêtu le christ, que nous avons fait alliance avec lui, qu’il nous a comblé de ses richesses ? Sommes-nous reconnaissants et émerveillés de tout cela ?

23 allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,

Dans tout le premier testament, le veau gras est toujours une offrande de sacrifice. Sauf dans le récit de l’apparition au chêne de Mambré. Dieu vient vers Abraham sous la forme de trois personnage et Abraham lui offre l’hospitalité en tuant le veau gras…Notons que l’offrande est faite à Dieu même si ce n’est pas formellement un sacrifice…
Mais plus encore il faut repérer l’inversion extraordinaire : dans toute la première alliance, c’est l’homme qui offre à Dieu un veau gras en sacrifice, dans cette nouvelle alliance c’est le Père qui offre le veau gras pour son fils… Dieu qui offre à l’homme, et à l’homme pécheur qui se convertit !
Ce changement incroyable annonce ce qui se passe dans le mystère pascal : le Fils libre et saint est offert en sacrifice pour libérer l’homme pécheur et esclave de son péché. L’annonce de Pâque, le premier chant de la nuit pascale qu’on appelle aussi exultet déclare : « pour libérer l’esclave Tu as livré le Fils »

Et nous ? Pouvons-nous concevoir, ou au moins entre-apercevoir, cet amour fou de Dieu qui se livre lui-même pour nous réconcilier à Lui alors que nous sommes pécheurs ? pouvons-nous voir à quel point cet amour nous précède, nous accompagne et nous entoure tout en nous dépassant et en nous élevant au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer ? Comment pourrions-nous (ce qu’à Dieu ne plaise) résister à un tel amour ? Mais comment y répondons-nous ?

24 car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.”

Voici sans doute l’une des clefs les plus importantes pour la compréhension de ce qui vient de se dire. Si l’amour si grand de Dieu reste un mystère, ce que nous comprenons au moins c’est qu’il veut voir en chaque homme un fils comme il a pu le faire en Jésus aussi bien le jour du Baptême :
22 L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » (Lc 3, 22)
Ou de la Transfiguration :
35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » (Lc 9, 35)
Dès lors, il y a une logique à ce que le Fils unique meurt pour tous les fils comme l’avait prophétisé le grand prêtre :
49 Alors, l’un d’entre eux, Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là, leur dit : « Vous n’y comprenez rien ;
50 vous ne voyez pas quel est votre intérêt : il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. »
51 Ce qu’il disait-là ne venait pas de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus allait mourir pour la nation ;
52 et ce n’était pas seulement pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. (Jn 11, 49-52)
Si nous réfléchissons selon la logique de Dieu, un meurt pour tous et Dieu lui rend la vie, c’est une victoire totale ; si nous réfléchissons du point de vue de l’homme, le Dieu parfait et infiniment saint s’offre pour des créatures insignifiantes et pécheresses qui sont d’ailleurs en révolte contre lui c’est un non-sens et un mystère absolu ! Et comment dans sa logique, le Seigneur peut-il voir en nous des fils, dignes du sacrifice de son Fils voilà qui est encore un mystère infini !

Et nous ? pouvons-nous, à défaut de le comprendre, du moins accueillir et contempler le mystère de l’amour de Dieu pour nous encourager à y répondre, non pas de manière aussi parfaite, mais de la manière la plus parfaite dont nous soyons capables ?

Et ils commencèrent à festoyer.

Nous avons vu il y a quelques instants que le veau gras était habituellement cité à l’occasion des sacrifices. Nous avons dit qu’il y avait des signes d’alliance dans la façon dont le père accueille son fils. Voici maintenant un festin qui marque cette alliance et consomme le sacrifice. Il s’agit de célébrer le passage de la mort à la vie et le salut du fils… Comment ne pas parler ici de l’Eucharistie ?

Et nous ? Comment célébrons-nous le sacrifice et la Résurrection du Fils de Dieu ? L’Eucharistie est-elle pour nous la marque de cette alliance nouvelle avec Dieu. Sommes-nous capables d’y voir la source de notre vie nouvelle en Dieu ? Sommes-nous capables d’y reconnaître le sommet de notre démarche de retour au père ? Acceptons-nous d’être ainsi comme dépossédés même de notre conversion puisque c’est Dieu qui en opère l’ultime étape en nous faisant ainsi entrer en communion avec Lui et en Lui avec tous ? Comprenons-nous que seule cette dépossession pourra amener à son terme notre conversion et notre chemin de retour et d’union à Dieu ? Si oui, nous sommes bien en train de vivre notre vie terrestre comme une initiation et un entrainement à la béatitude céleste et de cela encore nous devons rendre grâce à Dieu ?

25 Or le fils aîné était aux champs.

Voici maintenant le fils ainé. Rappelons-nous du contexte de la parabole, Jésus veut mettre en perspective les deux types d’humains qu’Il a en face de Lui. D’une part il y a ceux qui se croient justes et ne l’accueillent pas, non seulement parce qu’ils ne pensent pas avoir besoin de Lui et du Salut qu’Il annonce et propose, mais aussi parce que ce Salut, Il l’annonce et le propose même à ceux qu’ils jugent pécheurs et perdus. D’autre part il y a ceux qui sont jugés pécheurs et se reconnaissent dans ce terme mais qui viennent à Lui et sont prêts et à changer et à accueillir le Salut qu’Il veut bien leur promettre.
A n’en pas douter, le fils cadet était l’image même de ces pécheurs, mais il s’est vu offrir la Rédemption parce qu’il a su trouver en lui le courage de se reconnaitre pécheur, de faire confiance au Père et ultimement, alors qu’il ne s’en sentait pas digne, d’accepter une alliance nouvelle.
Le fils ainé représente-t-il les pharisiens qui se sentent justes et refusent le Salut ainsi que la réintégration des pécheurs ? Il est encore un peu tôt pour le dire mais nous pouvons d’ores et déjà dire deux choses :
Il est au champ cela signifie qu’il fait son travail, ce pourquoi il est fait. Il sert son père et contribue au dessin du maître du domaine
Il est au champ et ne voit pas son frère revenir, ce qui signifie que, contrairement au père qui le voit de loin, lui ne l’attendait pas, ne l’espérait pas. Non seulement il n’a pas anticipé son retour par une attente active qui fait voir de loin ce qui n’est pas encore, mais même il n’a pas réalisé le retour de celui-ci quand il est arrivé, il ne partage pas les joies de son père et des autres personnes qui vivaient-là, les serviteurs…
Est-ce une raison de penser d’emblée qu’il a un mauvais positionnement ? Non ! pensons à l’appel de David par Samuel :
10 Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. »
11 Alors Samuel dit à Jessé : « N’as-tu pas d’autres garçons ? » Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »
12 Jessé le fit donc venir : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : « Lève-toi, donne-lui l’onction : c’est lui ! » (1 Sam 16, 10-12)
Ainsi David aussi était au champ là où son père l’avait envoyé, David non plus n’a pas vu venir le prophète et n’a pas participé de lui-même à son accueil ou à la rencontre familiale. Il n’est même pas venu de lui-même, il a fallu aller le chercher. Pourtant il est celui que Dieu a reconnu juste selon son cœur et non selon les regards des autres.
Autrement dit, ne jugeons pas trop vite le fils ainé, les circonstances et les apparences peuvent être trompeuses. Contentons-nous de voir des invitations à une attitude de disponibilité bienveillante.

Et nous ? Sommes-nous fidèles et disponibles aux travaux que le Seigneur nous confie ?
Sommes-nous en même temps attentifs à partager les joies et les peines de nos frères et à les accompagner dans leur recherche de Dieu et du Salut ?

Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. 26 Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait.

Voici que ce fils revient lui aussi, comme son frère cadet. Il revient de moins loin, il revient comme d’habitude, il revient sans se poser de question. Pour revenir, le cadet a dû rentrer en lui-même, faire mémoire de son père et admirer son œuvre pour ses serviteurs, prendre conscience de son péché, se décider à revenir, avoir le courage de se lever, confesser son péché et enfin accueillir le pardon et la nouvelle alliance avec son père…. Rien de tout cela pour l’ainé : pas de travail intérieur, pas de conscience d’une faute, pas d’admiration du père pas de confession ou d’acceptation : il est simplement là. Peut-être pourrait-on dire qu’il n’avait pas besoin de tout cela parce qu’il n’avait pas trahi… Mais personne n’est parfait et surtout quand il fait cela, il pense cela, il oublie une chose : il n’a aucune relation avec son père lui non plus, d’ailleurs il n’entre pas, il n’interroge pas son père ou son frère non il se contente d’appeler un serviteur !

Et nous ? Quelle relation avons-nous avec Dieu ?

  • Une relation lointaine et qui tient plus de l’habitude ou du doute que de la foi et de l’action ?
  • Une relation de rites et de devoirs qui tient plus de notre décision et de nos choix, ou nous contrôlons et décidons tout sans dialogue ou écoute de la volonté de Dieu et de sa parole ?
  • Une relation taillée sur mesure, où je prends ce qui me plait et laisse ce qui ne me convient pas parce que je ne comprends pas ou trouve cela désagréable ou difficile ? Une relation ou j’accepte d’écouter à condition que le Seigneur ne sorte pas des limites que je me suis fixées et surtout que je Lui ai fixées ?
  • Une relation pleine et entière ou je veux bien écouter discuter et avancer avec Lui mais où je le traite d’égal à égal et donc où je constate mon désaccord avec lui sur certains points, ou j’accepte et trouve normal de ne pas correspondre en tout à ce qu’Il préconise ?
  • Une relation pleine et entière ou je veux d’abord aimer et donc me faire petit et serviteur devant celui que j’écoute et à qui je parle. Une relation qui me révèle la vérité sur sa grandeur, sa sainteté et sa bonté et qui donc me pousse librement à l’obéissance et à la coopération pleine et entière à sa volonté et son dessin que je reconnais en toute chose meilleure que ma volonté et mes propres projets ?
  • Une relation inconstante qui passe bien souvent par toutes les relations précédemment évoquées et sans doute bien d’autres encore ?
    Comment améliorer cette relation ?

27 Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”

Voici un témoignage véridique qui, même sur un ton qui semble anodin est un témoignage de joie.

  • Il annonce d’abord « ton frère ». En mettant d’emblée le récit sur la relation de fraternité il vise à toucher le cœur, souligne la possibilité d’un amour spontané et y invite ?
  • Le témoignage continue en décrivant la joie du père et en expliquant la raison de celle-ci : la joie se manifeste par le festin, elle vient de la bonne santé du frère.
  • Enfin il désigne toujours le cadet comme le frère et jamais comme le fils. Il permet ainsi à l’ainé de se sentir concerné et même impliqué dans cette histoire merveilleuse de retour et de retrouvaille en bonne santé.

Bref, ce témoignage est fait pour respecter et intégrer l’interlocuteur et l’inviter à partager la joie du père et de tous.

Et nous ? Comment témoignons-nous de notre joie de croire au Salut pour nous et pour tous ?

  • Sommes-nous des moralisateurs qui montrent aux autres plutôt leur distance avec Dieu que sa joie de les pardonner ?
  • Sommes-nous des experts qui présentent la réalité, la vérité comme des règles et des normes, en oubliant de présenter d’abord des personnes et un amour, une miséricorde et une invitation ?
  • Sommes-nous comme des ainés, des premiers de la classe qui en même temps veulent entrainer mais dominent l’autre, avec condescendance, et peut être arrogance ou pire avec mépris et dédain ?
  • Sommes-nous des frères émerveillés de la grâce que Dieu nous faits et que Dieu faits à ceux que nous croisons, conscients de nos limites et décidés à progresser ensemble, conscients de l’amour de Dieu pour tous et désireux de reconnaître en chacun l’image, le visage et l’œuvre de Dieu ?

Comment apprendre à mieux témoigner ?

28 Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer.

A la joie du père, à la joie du message délivré par le serviteur, répond la colère de l’ainé et son refus d’entrer. Comparons les deux fils
Le cadet part, l’ainé refuse d’entrer… quelle est la différence ?
Le cadet est dans l’indifférence, l’ainé dans la colère… qu’est-ce qui est mieux ?
Dans un cas comme dans l’autre le père est considéré comme quantité négligeable, seul compte le ressenti des fils : l’un cherche la liberté et l’autre la justice, deux nobles choses, mais le premier était libre et il recherche une fausse liberté faite d’autonomie et de sentiment de toute puissance, le second était traité avec justice par son père mais il cherche plutôt la reconnaissance par le père notamment avec la condamnation de son frère.
Dans un cas comme dans l’autre, celui qui est considéré comme un problème c’est le père qu’il faut quitter pour le cadet, qu’il faut changer pour l’ainé. Mais en fait le problème est du côté de chacun des fils : l’un qui veut son indépendance et l’autre qui se prétend juste et même le seul juste contre le cadet définitivement condamné et le père qui n’a pas le droit de pardonner.
Dans les deux cas, nous voyons une dimension vraie de la filiation : un fils doit à un moment quitter son père et sa mère pour devenir un homme. Mais ici il oublie que quitter ne veut pas dire abandonner, devenir un homme ne signifie pas abandonner les autres hommes ou les réduire à des objets de plaisirs ou d’utilité… Un fils doit aussi honorer son père et sa mère et les servir fidèlement ce qu’a fait l’ainé, mais il oublie que ce service est gratuit, par amour, il ne lui donne aucun droit ni de juger son frère ni de juger son père.
Rappelons-nous Caïn (Cf Gn 4, 1-16), il estimait être juste et du coup il a tué son frère et contesté le jugement de Dieu. Dieu n’avait pas agréé son sacrifice qui n’était pourtant pas moins bon que celui d’Abel. Dieu ne lui parle pas de son sacrifice mais de son actio, « si tu agis bien… ». Caïn n’accepte pas, il murmure contre Dieu qui n’accueille pas son sacrifice et il complote contre son frère qui lui a été agréé…

Et nous ? Quel jugement portons-nous sur nos frères ? Sur Dieu ? Comment pouvoir accueillir nos différences pour progresser et non dénigrer ? Comment accueillir nos incompréhensions comme une occasion de chercher et de réfléchir plus que comme une occasion de révolte ?

Son père sortit le supplier.

Voici l’attitude du père :
Dans la joie de retrouver l’un il n’oublie pas l’autre
Malgré la fête il s’intéresse à chacun et n’hésite pas à sortir de celle-ci pour rejoindre celui qui est en colère
Il est le père, le maitre de maison et pourtant il se fait petit, il supplie. Cela renvoie bien sûr à l’épisode du lavement des pieds :
13 Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis.
14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.
16 Amen, amen, je vous le dis : un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie.
17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. (Jn 13, 13-17)
Le Christ se sait et s’affirme maître, tout comme le père reste père. Mais Il prend la condition de serviteur en lavant les pieds des disciples tout comme le père prend la condition du serviteur qui sort et explique au fils ainé ce qui se passe et qui, en se faisant suppliant et comme courbé devant son fils, se fait humble devant lui.
Mais le Christ ne fait pas cela seulement dans un esprit de service : Il entend donner l’exemple pour que les disciples fassent comme Lui. De même le père ne fait tout cela que pour inviter son ainé à se réjouir avec Lui. Il veut le faire entrer dans son pardon et dans sa joie !

Et nous ? Pouvons-nous contempler ce père et nous laisser enseigner par Lui ? Saurons-nous avoir ses qualités qui sont l’esprit de pauvreté, la douceur, la compassion, et le désir de la paix, regardant avec un regard pur et comprenant les exigences de justice se son ainé ? Ce père vit parfaitement les béatitudes (Mt 5), y compris la dernière puisque son fils lui reproche sa bonté. Mais on pourrait aussi repérer facilement les fruits de l’Esprit :
Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, (Ga 5, 22)
Pouvons-nous nous interroger sur notre image de Dieu Père et sur notre rapport avec sa miséricorde qui couvre de si haut sa justice pourtant toujours présente ?

29 Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres,

Gardons-nous d’un jugement trop hâtif sur cet homme : ce qu’il a fait est admirable de constance, d’obéissance, de service et de disponibilité, d’oubli de soi. Surtout il a raison, c’est bien ainsi qu’il a agi envers son père contrairement au fils cadet qui a trahi, abandonné et négligé.
Mais le vocabulaire est celui d’un serviteur, pas d’un fils, il parle d’un patron non d’un père. Il fait la même erreur que le cadet qui revient en oubliant l’amour paternel et en le réduisant à un rapport de force et de commandement. Son tort n’est pas dans ce qu’il a fait, qui est admirable, mais plutôt dans ses motivations : soumission et obéissance ne sont pas tout à fait synonymes… les actions sont les mêmes mais le cœur est différent.
Cela nous renvoie à une réalité égale mais inversée dans la déclaration du Christ :
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. (Jn 15, 15)
La réalité est la même : il s’agit d’un rapport des serviteurs à leur maître et de la place de l’amour dans tout cela. Mais elle est inversée car dans la parabole le fils est devenu serviteur quand dans le cœur du Christ les serviteurs deviennent les amis. Tel est le plan de Dieu : révéler dans les serviteurs que nous sommes, les fils que Dieu se donne.

Et Nous ? Rappelons-nous à qui est adressé la parabole : aux pharisiens qui jugent Jésus parce qu’il accueille les pécheurs, comme le père accueille le fils cadet, pécheur. Ils se croient, eux, irréprochables car ils se sont tenus dans la fidélité à tous les commandements de la loi. Ils font ainsi de Dieu un législateur et un juge, maître de sa Création. C’est vrai mais insuffisant car il est aussi un Père qui aime, protège et fait grandir pour nous combler de joie. Pour cela, Il est donc aussi prêt à nous pardonner. Il pardonne nos infidélités comme au fils cadet, mais aussi, comme le fait le fils ainé, nos manques d’amour et de compréhension de ce qu’il est vraiment ….

et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.

Ici se révèle le cœur du problème de ce fils : Il veut lui aussi sa part, il veut lui aussi faire la fête et oublier son père avec ses amis, oublier ce qui est bien pour ce qui est agréable… Il a en fait les mêmes désirs que son frère mais à une échelle réduite et surtout, lui n’est pas passé du désir à l’acte. Il l’a fait par respect et obéissance sans doute ce qui est très beau, mais il l’a fait aussi contraint et frustré, c’est-à-dire contre sa volonté ce qui entraine sa colère d’aujourd’hui. Cela gâche aussi presque toute son action car elle ne laisse plus entrevoir aucun amour.
Il a fait son devoir, et c’est magnifique, mais il n’a pas aimé son devoir et ne s’est pas réjoui de faire ce qui est bien. Son cœur en reste desséché et donc incapable d’accueillir le frère repenti ou de comprendre le père qui pardonne.

Et nous ? Quel lien faisons-nous entre devoir et désir ? Sommes-nous capables de choisir le bien et de nous réjouir de le faire. Désirons-nous, au-delà de faire notre devoir, ce qui est bien parce que c’est la preuve de notre amour pour le Créateur et Sauveur de toute chose ? Est-ce que dans notre prière nous marchandons avec Dieu, non pour obtenir un chevreau, mais pour une récompense qui n’est pas Dieu, son amour et son intimité mais un bien matériel ou un plaisir plus fugace, un confort ou une facilité ? Notre prière se finit elle toujours pas celle du Christ en agonie : « non pas ce que je veux mais ce que tu veux » ?

30 Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !”

Là encore, retenons d’abord que ce que dit l’ainé est vrai. C’est bien cela qu’a fait son frère et c’est mal. Ce qui est mal doit être dénoncé comme mal. Mais lui il ne dit pas « ce qu’il a fait est mal » mais « il est mauvais d’avoir fait cela ». Le jugement n’est pas sur les actes mais sur la personne. Or justement le cadet n’est plus cette personne, nous avons vu toutes les étapes qu’il a franchi : intériorité, mémoire, admiration, décision, action, confession et accueil ! Cela, le fils ainé ne le sait pas, il ne peut donc juger en vérité la personne. Et s’il juge les actes mauvais faits il y a longtemps, ne devrait-il pas aussi juger les actes bons faits tout récemment ? Et qui peut juger les cœurs ? Et qui peut évaluer si une action en rattrape une autre ? si un acte d’amour couvre tel ou tel péché ?
Le jugement qu’il porte est présomptueux car il prétend savoir mais ne connaît qu’une partie de la vérité ; il est présomptueux car il prétend être meilleur juge que le père. Il dit la vérité mais pas toute la vérité car il ne la connaît pas.

Et nous, nous savons que le Seigneur voit dans l’acte de conversion un amour qui couvre une multitude de péchés, ainsi le disait déjà le prophète :
21 Mais le méchant, s’il se détourne de tous les péchés qu’il a commis, s’il observe tous mes décrets, s’il pratique le droit et la justice, c’est certain, il vivra, il ne mourra pas.
22 On ne se souviendra d’aucun des crimes qu’il a commis, il vivra à cause de la justice qu’il a pratiquée.
23 Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ?
24 Mais le juste, s’il se détourne de sa justice et fait le mal en imitant toutes les abominations du méchant, il le ferait et il vivrait ? Toute la justice qu’il avait pratiquée, on ne s’en souviendra plus : à cause de son infidélité et de son péché, il mourra !
25 Et pourtant vous dites : “La conduite du Seigneur n’est pas la bonne”. Écoutez donc, fils d’Israël : est-ce ma conduite qui n’est pas la bonne ? N’est-ce pas plutôt la vôtre ?
26 Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c’est à cause de son mal qu’il mourra.
27 Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie.
28 Il a ouvert les yeux et s’est détourné de ses crimes. C’est certain, il vivra, il ne mourra pas.
29 Et pourtant la maison d’Israël répète : “La conduite du Seigneur est étrange”. Est-ce ma conduite qui est étrange, maison d’Israël ? N’est-ce pas votre conduite qui est étrange ?
30 C’est pourquoi – oracle du Seigneur Dieu – je vous jugerai chacun selon sa conduite, maison d’Israël. Retournez-vous ! Détournez-vous de vos crimes, et vous ne trébucherez plus dans la faute.
31 Rejetez tous les crimes que vous avez commis, faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Pourquoi vouloir mourir, maison d’Israël ?
32 Je ne prends plaisir à la mort de personne, – oracle du Seigneur Dieu – : convertissez-vous, et vous vivrez. » ( Ez 18, 21-32)
C’est ce que signifie aussi la conclusion de la parabole du bon berger déjà cité :
C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. (Lc 15, 7)
Et de même pour la parabole de la drachme perdue :
10 Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. » (Lc 15, 10)
Mous le savons mais l’acceptons-nous pour les autres sans plus les jugés ? Pour nous sans en abuser ?

31 Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.

Voici le drame du Père ou plutôt la clef qui permet d’expliquer le drame des deux fils : l’un demande « sa part », l’autre un chevreau quand lui veut tout leur donner ! l’un veut partir et l’autre se retirer avec ses amis pour festoyer quand le père propose une intimité permanente. L’un demande à être pris comme ouvrier l’autre obéit aux ordres quand le père les appelle « mon enfant ». Ils voient un pouvoir auxquels l’un s’oppose et se révolte l’autre se soumet, frustré, quand Lui veut une vie d’amour ou tout est partagé et offert.

Et nous ? Que voulons-nous ? Qu’attendons-nous de notre rencontre avec le Père ?

32 Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !” »

Voici que revient la joie du Père dans la conversion. Revient aussi l’idée que le péché est une véritable mort spirituelle et la conversion une résurrection. C’est bien cette réalité qui permet d’envisager, sans la comprendre entièrement, la logique du Dieu sauveur qui offre son fils pour les pécheurs !

Et nous ? Nous voyons que le Christ dans sa parabole ne conclue pas : l’ainé va-t-il accueillir et se convertir grâce aux paroles du père ? Va-t-il s’enfermer sur sa conception de la justice qui contemple les faits et la réalité des faits sans faire de place à la personne et à la capacité de changement et de conversion de tout homme ? Va-t-il faire subir à son père son incapacité à vivre dans l’amour plutôt que dans le rapport de force ou de dépendance ? Va-t-il refuser de voir dans son frère un frère avant d’y voir un pécheur ? Dans le film « Jésus de Nazareth » de Zéphirelli, c’est le cadet qui sort après le père, qui raconte à son frère sa conversion et implore le pardon, entrainant ainsi son frère à sa suite dans une démarche de réconciliation qui englobe ensuite le père… Comment imaginons-nous la réaction de ce fils ? sommes-nous capables de nous identifier à lui, et dans ce cas de nous convertir pour donner une fin heureuse à cette histoire qui rappelle tant de douloureuses histoires familiales ?

En guise de conclusion :
nous nous retrouvons avec une parabole extraordinaire qui nous parle de toutes les dimensions du salut : depuis le Seigneur qui s’offre, et accepte de mourir pour nous jusqu’à la façon juste de regarder les actions et les personnes autour de nous. La question de l’alliance, de l’Eucharistie, de la croix, du sacrifice de la mort et de la Résurrection, mais aussi les questions d’amour, de jugement, de devoir, d’obéissance, de respect, tout ce qui tourne autour des relations et image de Dieu, du père, et du frère, les sentiments de joie ou d’injustice, les béatitudes et les fruits de l’Esprit, tout est dans cette parabole !
Mais d’abord elle nous interpelle sur notre façon d’être fils et sur l’amour inconditionnel du père. Il est un peu facile de condamner l’un ou l’autre des fils, il est tentant de refuser de comprendre l’attitude du père au moins avec son ainé. Cette parabole nous invite à réfléchir, à chercher plus loin. Il se dégage une étonnante proximité entre ces deux frères que tout semblait opposer, qui nous invite à mieux regarder notre condition humaine souvent si proche est de l’un et de l’autre, souvent si loin du Père qui ne désire rien d’autre que d’être proche de nous dans l’intimité, l’amour et le don total de soi.
Avec les jours saints se profile pour nous l’appel à devenir fils dans le Fils. Nous serons invités à nous offrir avec Lui pour nous recevoir de Dieu Comme Lui. Mais pour cela il faut avoir une confiance et un amour débordant pour le Père, accepter d’être vraiment fils et seulement fils. Cette parabole nous enseigne comment faire et nous invite à la conversion, alors que nous venons de dépasser la moitié du carême, tel est bien notre appel et il devient urgent : convertissons-nous, regardons le Père tel qu’Il est, Choisissons de devenir des fils, de devenir de meilleur fils, de nous unir au Fils dans son offrande et ainsi dans sa victoire !