Évangile du 13 novembre

Lectio Divina du 13 novembre 2022 : 3e ordinaire (C)

Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 21, 5-19)

05 Comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara :
06 « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
07 Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? »
08 Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux !
09 Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
10 Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume.
11 Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
12 Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom.
13 Cela vous amènera à rendre témoignage.
14 Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense.
15 C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer.
16 Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous.
17 Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom.
18 Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.
19 C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie.

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05 Comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara :

Cet épisode de l’Evangile se passe au temple, comme l’épisode précédent. Jésus y avait découvert une pauvre veuve mettant deux piècettes dans le tronc du temple. Jésus a mis en valeur ce geste, pour humble qu’il soit en comparaison des dons des autres, comme la preuve d’un don total de cette femme :
tous ceux-là, pour faire leur offrande, ont pris sur leur superflu mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle avait pour vivre. » (Lc 21, 4)
Mais ici ce que nous découvrons, ce n’est pas un don humble ou l’éloge d’une femme, mais des belles pierres du temple et des ex-voto. Il s’agit de puissance (les pierres des murs majestueux) et de richesses (les ex-voto : ce que les personnes, qui ont fait un vœu, offrent quand ils ont obtenu la grâce demandée). Les personnes autour du Christ se laissent impressionnées ou émerveillées par le côté matériel du temple.

Et nous ? Comment regardons-nous les choses ? En vérité, selon les aspects matériels et évidents ou en vérité selon les symboles et l’ampleur spirituelle de ce qui nous entoure ?

06 « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »

Et voici une belle inversion : tandis qu’un acte en apparence anodin, le don de deux pièces, est devenue une histoire connue de tous à travers le monde et l’Histoire, à cause du commentaire du Christ, voici que le Christ annonce que ce qui semble être un monument majestueux, robuste et indestructible va disparaître. Il y a là une prophétie sans doute, mais ainsi exprimée, dans ce contexte, il y a surtout une leçon qui ressemble étrangement à la moralité de la fable de La Fontaine : garde-toi, tant que tu vivras de juger les gens sur la mine (Fables, livre VI, le Cochet, le Chat et le Souriceau), Même si ici il s’agit d’un bâtiment et non d’une personne.

Et nous ? Nous connaissons bien la première béatitude :
03 « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. (Mt 5, 3)
Mais alors, quelles sont nos vraies richesses ? Sommes-nous prêts à renoncer aux biens matériels (pauvres de cœurs) pour choisir la richesse éternelle (le Royaume des cieux) ?

07 Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ?

Deux choses peuvent nous frapper dans cette petite citation : Il l’appelle “maître” : c’est un titre qui montre à la fois le respect et une certaine distance. Ce ne sont pas des disciples au sens propre mais plutôt des personnes qui écoutent ce qu’il dit sans pourtant être engagées vis-à-vis ou derrière Lui.
Ensuite, ils posent une question sur l’avenir : Quand ? Ils ne connaissent pas le Seigneur qui a dit :
36 Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges des cieux, pas même le Fils, mais seulement le Père, et lui seul. (Mt 24, 36)
Il nous met d’ailleurs aussi en garde :
40 Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. (Mt 12, 40)
Le Seigneur fait des prophéties pour nous donner des leçons et pour affermir la foi Mais il ne fait pas de prophétie pour nous donner une connaissance sur l’avenir, qui ne nous appartient pas car l’avenir n’appartient qu’à Dieu.

Et nous ? Qu’attendons-nous de Dieu : des révélations extraordinaires ? Des informations sur le futur ? Des pouvoirs magiques ou que sais-je encore ?… Est-ce que nous voulons mieux connaître le Seigneur et grandir dans la foi ou est-ce que nous espérons nous servir de cette relation ou tirer des avantages de sa toute-puissance ?

Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? »

Après avoir demandé “quand”, ils demandent maintenant un signe, mais là encore, les signes que Jésus fait ou donne ne sont pas là pour sa gloire ou pour nous donner une préscience, un avantage sur les autres. Les signes sont là pour renforcer la foi de ceux qui les accueillent avec foi. C’est bien ce que le Christ nous a expliqué dans la conclusion de la parabole du riche et du pauvre Lazare :
31 Abraham répondit : “S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus.” » (Lc 16, 31)
Ainsi, ce n’est pas le signe qui provoque la foi mais bien la foi qui permet de recevoir des signes, de les recevoir pour ce qu’ils sont.

Et nous ? Quelle est notre foi et quels sont nos signes ? Accueillons-nous les sacrements comme des signes ? Ecoutons-nous la Parole de Dieu comme un signe ? Savons-nous reconnaître en tout homme une image de Dieu, un signe de Dieu ? Savons-nous percevoir en tout baptisé un fils de Dieu, un signe de l’alliance qu’Il veut établir avec nous ? Et voyons-nous dans la Création l’œuvre de Dieu, un signe de sa toute-puissance, de son infinie miséricorde, de sa providence et de sa bonté ? St Paul déclare :
28 Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. (Rm 8, 28)
Et de fait, si nous avons la foi en toute chose, en toute personne et en toute occasion, nous pouvons déceler la présence bienveillante de Dieu.

08 Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer,

Cette invitation à la vigilance et au discernement est typique des discours apocalyptiques des évangiles ainsi par exemple
– St Mathieu :
04 Jésus leur répondit : « Prenez garde que personne ne vous égare.
05 Car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi le Christ” ; alors ils égareront bien des gens.
06 Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin.
– et Saint Marc :
08 Car on se dressera nation contre nation, royaume contre royaume, il y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines ; c’est le commencement des douleurs de l’enfantement.
09 Vous, soyez sur vos gardes ; on vous livrera aux tribunaux et aux synagogues ; on vous frappera, on vous traduira devant des gouverneurs et des rois à cause de moi ; ce sera pour eux un témoignage. (Mc 13, 8-9)
Ainsi pour Jésus, la question n’est pas tellement celle de la date ou du signe ; elle est surtout celle de la disposition intérieure du croyant qui doit discerner ce qui vient de Dieu et ce qui vient du diable et aussi qui doit être vigilant pour se garder du mal, en toute circonstance.

Et nous, Comprenons-nous cette attitude qui nous est demandée ? Est-ce que nous sommes à la recherche du sensationnel, ou au contraire est-ce que nous cherchons simplement à être tranquilles dans notre coin ? A l’opposée de ces deux attitudes, il s’agit de savoir reconnaître dans la vie de tous les jours la présence aimante de Dieu et de chercher à mener le bon combat, le combat spirituel, celui qui nous fait repousser le mal et édifier le bien, le royaume de Dieu : “pour la gloire de Dieu et le Salut du monde”.

car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux !

Et maintenant Le Seigneur change de registre. Il ne s’agit plus de signes, mais Il parle des faux prophètes. Il en a aussi parlé dans le discours du bon pasteur :
01 « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. (Jn 10, 1)
Et aussi :
05 Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. » (Jn 10, 5)
Et enfin :
08 Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. (Jn 10, 8)
Il y a donc eu des faux prophètes avant Jésus, de faux messies, c’est ce que rappelait Gamaliel au Sanhédrin qui voulait condamner les apôtres :
il dit : « Vous, Israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à ces gens-là.
36 Il y a un certain temps, se leva Theudas qui prétendait être quelqu’un, et à qui se rallièrent quatre cents hommes environ ; il a été supprimé, et tous ses partisans ont été mis en déroute et réduits à rien.
37 Après lui, à l’époque du recensement, se leva Judas le Galiléen qui a entraîné beaucoup de monde derrière lui. Il a péri lui aussi, et tous ses partisans ont été dispersés.
38 Eh bien, dans la circonstance présente, je vous le dis : ne vous occupez plus de ces gens-là, laissez-les. En effet, si leur résolution ou leur entreprise vient des hommes, elle tombera. (Ac 5, 35-38)
Le discernement se fait essentiellement sur les œuvres produites. Ici Gamaliel parle du temps et de la persévérance, mais il faudrait aussi ajouter la bonté et la cohérence avec toute la révélation… En fait, c’est une illustration de la parabole de Jésus :
43 Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
44 Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. (Lc 6, 43-44)

Et nous ? Quels critères de discernement nous donnons-nous pour savoir ce qui vient de Dieu et ce qui n’est pas de Lui ? Comment cherchons-nous, dans la prière, la formation, la confiance en l’Eglise, à éliminer ce qui n’est qu’illusion ou tentation et à développer ce qui est grâce et don de Dieu. Avons-nous un accompagnateur spirituel ou au moins un référent vers qui nous tourner pour favoriser notre réflexion et notre discernement ?

09 Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés :

Voici qui peut sembler terriblement actuel et qui l’est effectivement : la guerre… Il faut cependant reconnaître que toutes les époques ont eu leurs conflits. Quant au désordre, là aussi il existe de tout temps, mais notre période a cela de particulier que le désordre est aussi dans l’Eglise et dans ses membres au premier rang desquels le clergé. Les terribles révélations sur l’inconduite des prêtres et même des évêques mettent en lumière le désordre existant mais aussi en crée davantage, en mettant à l’épreuve notre confiance dans les personnes et notre foi dans l’Eglise. La réponse du Seigneur est la suivante : “ne soyez pas terrifiés”. Autrement dit, nous avons raison d’être horrifiés par ces guerres, ces crimes et toute la souffrance qui en résulte, mais nous ne devons pas en avoir peur. Le malin est certes puissant et œuvre tous azimut pour nous déstabiliser, mais Saint Paul nous l’a dit de manière poétique et explicite :
31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
32 Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ?
33 Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste :
34 alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous :
35 alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ?
36 En effet, il est écrit : C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en brebis d’abattoir.
37 Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés.
38 J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances,
39 ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. ( Rm 8, 31-39)

Et nous ? Savons-nous regarder en vérité notre époque, notre propre vie pour reconnaître notre péché et nos turpitudes, pour démasquer le mal et faire triompher la lumière et le bien ? N’est-ce pas cela la béatitude des cœurs purs :
08 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. (Mt 5, 8)
Avons-nous assez de confiance pour affronter cela sans trembler, pour traverser cela en gardant e regard fixé sur le Christ, toujours dans l’Espérance ?

il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »

Le Seigneur annonce pour que nous ne soyons ni perdus ni effrayés, mais il exclut des calculs et supputations sur le temps de la “fin”, c’est-à-dire sur son retour. Cela, nous l’avons déjà dit, n’appartient qu’à Dieu.

Et nous ? Comment cultivons-nous notre Espérance au milieu de ce monde ? Apprenons-nous à ne pas voir que le mal ? Apprenons-nous à affronter le mal, même comme une occasion de nous purifier, comme un moyen d’éprouver notre persévérance ?

10 Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume.

Le Christ Jésus, en nous parlant de la fin, a clairement ancré son discours dans le genre apocalyptique. Il s’agit de nous parler comme la vision de la fin du monde, de l’avenir non pas dans le temps mais dans l’éternité, ou plutôt de ce monde passant du temps à l’éternité. Il ne faut donc pas chercher une prévision historique dans cette description mais une interprétation, une vision de la condition humaine. Ici, ce sont les rapports entre pays, et donc la volonté de puissance et de domination, l’incapacité à s’entendre et à se respecter… Ce sont les fragilités de l’homme que le Seigneur dénonce.

Et nous ? Sommes-nous suffisamment lucides sur nous-mêmes et sur l’humanité pour ne pas nous laisser entrainer dans ces jeux de pouvoir et de puissance ? Sommes-nous aussi assez clairvoyants sur l’homme pour pouvoir, malgré ces limites et fragilités, continuer de croire en l’amour de Dieu, d’espérer en l’éternité et au salut pour tous, d’aimer nos frères de manière inconditionnelle ?

11 Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ;

Voici maintenant que nous contemplons ce que l’homme doit subir… La Création aussi est abîmée par le mal et le péché, et crée de tels événements tragiques. Le Seigneur nous fait ainsi voir la petitesse, la pauvreté et la fragilité de l’homme, non seulement d’un pont de vue moral, mais dans son existence même. Notez que la modernité et la puissance de sa technique dont l’homme est si fier, et qui fait croire à certains que nous n’avons pas besoin de Dieu, n’a pas éliminé les tremblements de terre, les épidémies ou les famines (aujourd’hui encore, on estime aux alentours du milliard le nombre de personnes qui ne mangent pas à leur faim dans le monde).

Et nous ? Est-ce que nous sommes prêts à relativiser notre importance et notre grandeur, même dans ce monde. Sommes-nous conscients du besoin que nous avons, non seulement de l’aide des frères et sœurs, mais surtout de Dieu tout puissant, même dans la vie quotidienne ?

des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.

Et enfin, voici les catastrophes cosmiques. Après les méfaits des hommes, après les drames de la nature, voici la dernière dimension qui nous montre que c’est par la Création toute entière que le démon va tenter de nous déstabiliser, de nous faire perdre cœur, perdre courage, perdre confiance.

Et nous ? Infiniment dépassés par les “éléments contraires”, nous pouvons, soit tout abandonner et désespérer, soit tenir ferme dans l’espérance car Dieu est plus grand que le monde… Quel genre de disciples serons-nous ?

12 Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ;

Voici que Jésus nous fait quitter le domaine apocalyptique pour nous ramener à la persécution ordinaire et quotidienne. Il n’est pas nécessaire d’attendre la fin pour découvrir l‘opposition du monde à la venue du règne de Dieu ? Nous en serons personnellement et individuellement aussi les victimes. Ce n’est pas une hypothèse mais une affirmation, il n’y a pas de restriction, c’est pour tous, pour chacun.

Et nous, nous lisons dans les actes des apôtres :
40 ils rappelèrent alors les Apôtres et, après les avoir fait fouetter, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent.
41 Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus. (Ac 5, 40-41)
Serons-nous nous aussi joyeux des persécutions que nous subirons, conscients d’être par elles, associés aux souffrances du Christ et à son sacrifice ?

on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom.

L’énumération : synagogues, prisons, rois, gouverneurs, nous monte que nous serons un but à tous les pouvoirs établis : religieux ou civils, universels ou locaux, peu importe, tout ce qui a du pouvoir s’oppose naturellement à ce qui le remet entre les mains du tout Autre et qui se fait petit. Le pouvoir même limité veut se préserver, se sauvegarder et ne peut accepter de reconnaître qu’il n’est que reçu et confié par un plus grand.
Mais attention, il ne s’agit pas de confondre nos difficultés humaines, conflits à gérer entre nous et le combat spirituel, à cause du nom du Seigneur. Bien sûr, cela nous paraît très violent (et ça l’est) car nous n’avons pas l’habitude de ce type de discours dans la bouche de Jésus. Ce n’est pourtant pas un fait isolé. Il y a des textes que nous connaissons mieux et qui disent exactement la même chose mais dans un autre contexte qui nous fait parfois minimiser les choses. Ainsi la dernière béatitude est-elle étrangement proche de ce texte, mais nous nous y sommes plus habitués. Les autres béatitudes nous aident sans doute à mieux accepter cette ultime et pourtant si difficile béatitude :
11 Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. (Mt 5, 11-12)

Et nous ? Pouvons-nous nous rappeler d’un événement, d’une circonstance ou d’une personne à cause de laquelle ou de quoi nous avons subi des désagréments au nom du Seigneur. Peut-être que cela nous parait anodin ou anecdotique, mais cela nous montre comment nous réagissons. Cela nous prépare au jour de la vraie persécution, pour que ce jour-là, nous soyons aussi prêts qu’il est possible à résister dans la force de la foi.

13 Cela vous amènera à rendre témoignage.

Voici encore une chose étonnante : Jésus ne plaint pas ceux qui seront ainsi persécutés mais leur montre que c’est pour eux une bonne occasion. Ils pourront ainsi rendre témoignage. Dans le fond, c’est le but de tous les disciples, comme le montre bien la fameuse finale de l’Evangile de Saint Matthieu :
18 Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
20 apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 18-20)
Mais c’est aussi une opportunité pour recevoir la grâce du Salut et le défenseur divin :
08 Je vous le dis : Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu. (Lc 12, 8)

Et nous ? Cherchons-nous par tous les moyens à être des témoins ? Sommes-nous convaincus que nous ne serons jamais des disciples si nous ne sommes pas en même temps des missionnaires ? Croyons-nous que bien souvent ce sont plus nos actes de courage et de fidélité dans les difficultés et les persécutions que tous nos discours, qui feront de nous de vrais Témoins ?

14 Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense.

L’expression “mettez-vous dans l’esprit” montre que le Seigneur veut convaincre mais qu’il sait combien il est difficile pour nous d’accepter et de vivre un tel abandon.
Mais pourquoi ne pas se préoccuper de sa défense ? Parce que nous avons un autre défenseur. L’Evangile de Saint Jean nous le dit clairement pas ces diverses citations :
Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous (Jn 14,1
Puis :
mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. (Jn 14,26)
Et :
Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. (Jn 15,26)
Et enfin :
Pourtant, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai. (Jn 16,07)
Nous tirons de ces citations que :
1- nous n’avons pas à nous préoccuper, parce que le défenseur est toujours avec nous.
2- que cette défense se fera par une clairvoyance qui dépasse nos connaissances.
3- C’est pour nous l’occasion d’un témoignage car c’est l’Esprit lui-même qui témoignera.
4- Ce défenseur nous est envoyé par le Christ et son œuvre est la continuation parfaite de la mission du Sauveur.

Et nous ? Comment connaissons-nous l’Esprit Saint ? Comment le voyons-nous à l’œuvre dans notre vie ? Quelle confiance avons-nous en ses lumières, son soutien, sa force et sa grâce…

15 C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer.

Voici qui pourrait sembler en opposition avec ce que je viens de dire : est-ce l’Esprit Saint ou est-ce le Christ qui donnera les lumières et les mots pour témoigner ?
Cette opposition n’est réelle que dans notre tête, qui ne peut concevoir le mystère trinitaire. Les deux personnes sont différentes bien sûr, mais c’est le même Dieu qui inspire et dont on témoigne.
On trouve d’ailleurs dans l’évangile de Saint Matthieu :
19 Quand on vous livrera, ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous ne direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là.
20 Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. (Mt 10, 19-20)
Que ce soit le Christ ou l’Esprit, peu importe donc, car ce qui est certain c’est Dieu qui inspire le témoin ou la personne persécutée. Ce qu’il y a de plus important, Dieu est plus grand et plus fort que tous, voilà pourquoi rien ne pourra résister et s’opposer à cette sagesse.

Et nous, quand nous prions, nous nous adressons parfois au Père, parfois au Fils, parfois à l’Esprit, sommes-nous conscients que ce soit bien à Dieu que nous nous adressons ? Avons-nous l’humilité pour reconnaître que tout cela nous dépasse, la simplicité de prier les trois, comme nous le pouvons et la joie de savoir ces trois personnes si proches de nous ?

16 Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis,

Le Christ nous prépare maintenant à une difficulté de plus : la persécution viendra parfois des plus proches. Il en a l’expérience, lui qui fut trahi par celui qu’il appelle encore son ami, qui l’embrasse pour le livrer, qui a vécu et tout partagé avec Lui pendant 3 ans !
Pour nous, c’est alors la désillusion, le sentiment de trahison, et l’inquiétude d’être livrés par quelqu’un de confiance, qui nous ferait mettre en doute nos propres décisions. Il s’agira alors de choisir le Seigneur avant tout, et ensuite, fidèles à Dieu de continuer d’aimer celui qui nous a livrés, qui n’en est pas moins pour nous un frère… Si au contraire, on choisissait d’abord celui-ci, il nous arracherait sans doute à l’amour ou la fidélité à Dieu. Voilà pourquoi, le Seigneur nous a fixé des priorités :
26 « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. (Lc 14, 26)
En nous prévenant ainsi de ces possibles persécutions par les plus proches, le Seigneur Jésus nous explique pourquoi il faut toujours le préférer, nous prévient que cette préférence ne nous oblige en rien à renoncer à aimer les autres, et nous demande déjà de pouvoir aimer, par-delà la persécution, malgré le mal qui pourrait nous être fait. Cette annonce n’est donc qu’un encouragement à aimer plus et mieux.

Et nous, sommes-nous prêts à aller puiser notre force d’aimer en Dieu avant tout ? Pouvons-nous imaginer de continuer d’aimer nos persécuteurs ? Désirons-nous entrer dans la logique du Seigneur qui nous a dit :
43 Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
44 Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,
45 afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux (Mt 5, 43-45)

et ils feront mettre à mort certains d’entre vous.

Maintenant, le Christ nous montre jusqu’où cela peut aller. Non seulement ce peut être des proches qui persécutent, mais la persécution peut aller jusqu’au don ultime, le don de sa vie. Il nous a bien souvent invités à ne pas nous attacher tant à notre vie qu’à Lui :
23 Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive.
24 Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. (Lc 9, 23-24)
Ou encore :
24 Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
25 Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. (Jn 12, 24-25)
Puisqu’il s’agit d’être disciples, puisqu’il s’agit de voir le Fils et l’Esprit vivre en nous pour porter un témoignage, il est logique que pour certains, cela puisse aller jusqu’à imiter le maître qui a donné sa vie pour nous.

Et nous ? Savons-nous ce que nous sommes prêts à offrir et ce que nous ne voudrions pas perdre ou abandonner pour le Christ ? Sommes-nous conscients de ce que le Seigneur a donné pour nous en devenant un homme, en allant jusqu’à la croix ? Mesurons-nous alors ce que signifie être son disciple ou marcher à sa suite ?

17 Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom.

Il y a ici bien sûr une antinomie forte entre le Dieu d’Amour et la détestation à cause de son nom. Il y a une opposition frontale entre le disciple qui reçoit les deux commandements de l’amour :
« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. »
28 Jésus lui dit : « Tu as répondu correctement. Fais ainsi et tu vivras. » (Lc 10, 27-28)
Et le persécuteur qui déteste à cause du nom de Dieu. Il s’agit ainsi de mieux saisir ce que signifie :
30 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. (Mt 12, 30)
Saint Paul, à sa manière, dit la même chose :
14 Ne formez pas d’attelage mal assorti avec des non-croyants : quel point commun peut-il y avoir entre la condition du juste et l’impiété ? quelle communion de la lumière avec les ténèbres ?
15 quel accord du Christ avec Satan ? ou quel partage pour un croyant avec un non-croyant ?
16 quelle entente y a-t-il entre le sanctuaire de Dieu et les idoles ? Nous, en effet, nous sommes le sanctuaire du Dieu vivant, comme Dieu l’a dit lui-même : J’habiterai et je marcherai parmi eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple.
17 Sortez donc du milieu de ces gens-là et séparez-vous, – dit le Seigneur ; ne touchez à rien d’impur, et moi je vous accueillerai :
18 je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, – dit le Seigneur souverain de l’univers. (2 co 6, 14-18)
Notez que l’opposition n’est pas entre les personnes mais entre les croyances, la condition des personnes ou encore ce que Dieu fait de ceux qui sont dans son alliance. Il ne s’agit pas de condamner les pécheurs car nous le sommes tous, mais bien de faire le choix de Dieu.

Et nous ? Comment gérons-nous cette difficulté d’accueillir la personne mais de condamner le péché ou l’erreur ? Le Seigneur a dit :
31 Jésus leur répondit : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades.
32 Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. » (Lc 5, 31-32)
Savons-nous l’imiter aussi dans cette sollicitude et cette miséricorde ?

18 Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.

Voici une expression qui nous en rappelle une autre :
28 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps.
29 Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille.
30 Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. (Mt 10, 28-30)
C’est une façon de signifier l’importance que nous avons aux yeux de Dieu. Il y a bien sûr le contraste entre le fait que certains seront mis à mort et le fait que pas un cheveu ne sera perdu. Mais surtout cela signifie que même quelque chose d’aussi insignifiant qu’un cheveu, pour Dieu qui nous aime n’est pas insignifiant ou sans valeur. C’est la délicatesse et la douceur de Dieu à notre égard.
Notons aussi que nous parlons ici de certains qui seront mis à mort et que la citation de saint Matthieu parle de ceux qui tuent le corps ou de périr dans la géhenne. C’est toujours le contraste entre la vie à offrir et les cheveux à conserver.

Et nous ? Sommes-nous prêts à croire et accueillir cette douce miséricorde de Dieu ?

19 C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie.

Cette conclusion peut sembler décalée par rapport à ce qui précède. Il est question de persécution bien sûr et donc de perdre sa vie mais de sa vie charnelle. Ici il parle de persévérance, qui peut aller jusqu’au martyr, pour garder sa vie, qui forcément est alors sa vie éternelle.
En fait, le Seigneur nous a donné bien des raisons de persévérer et nous donne maintenant le but ultime : la vie éternelle.

Et nous ? La vie éternelle est-elle le but et la fin de tout ce que nous faisons ou vivons ? Avons-nous trouvé dans ces paroles que le Seigneur nous a dit, des raisons de persévérer, de tout sacrifier, d’offrir notre vie, pas forcément notre sang, pour son amour et sa gloire ?

En guise de conclusion :
Dans le temple, Jésus saisit l’occasion de l’admiration des hommes pour le monument pour inviter à relativiser. Plus encore, il nous rappelle que rien dans ce monde n’a de vraie valeur : seul Dieu, la vie et l’amour de Dieu. Il nous explique alors que nous devons choisir entre lui et le monde, lui et les hommes, et même lui et notre propre famille. Il ne s’agit pas de chasser ou de refuser les uns ou les autres mais de mettre le Seigneur à la première place. En faisant ainsi, on peut puiser en lui la force d’aimer, de mieux aimer, même celui qui nous a trahis, même notre ennemi. Ainsi, nous devenons un peu plus à l’image de Celui qui veut faire alliance avec nous pour la vie éternelle.