Évangile du 27 février

Lectio Divina du Dimanche 27 février 2022 : 8e ordinaire

Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 6, 39-45)

En ce temps-là, Jésus à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?
40 Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
41 Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?
42 Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
43 Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
44 Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.
45 L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

Lecture ligne à ligne

En ce temps-là, Jésus à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ?

Il y a plusieurs miracles où Jésus guérit des aveugles : les deux aveugles (Mt 9, 27-31), l’aveugle de naissance (Jn 9, 1 ss), Bartimée (Mc 10, 46ss) … mais ici, il s’agit d’une parabole, il nous faut donc regarder ce que signifie être aveugle et non regarder des aveugles.
On trouve ainsi dans l’évangile de saint Matthieu à la suite de la polémique sur ce qui est pur ou impur :
12 Alors les disciples s’approchèrent et lui dirent : « Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés en entendant cette parole ? »
13 Il répondit : « Toute plante que mon Père du ciel n’a pas plantée sera arrachée.
14 Laissez-les ! Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou. » (Mt 15, 12-15)
C’est la même parabole qui nous occupe. Nous pouvons facilement comprendre dans ce contexte qu’il ne s’agit pas tant de voir que de comprendre ou de savoir. Jésus reproche aux pharisiens de ne pas savoir, de ne pas comprendre et d’ignorer qu’ils ne savent pas, ni ne comprennent…Ils prétendent enseigner malgré tout et mènent leurs disciples à leur perte.
Si nous regardons maintenant le récit de la guérison de Bartimée, faisons la comparaison entre Bartimée et la foule : quand celui-ci est aveugle, la foule ne veut pas le voir, elle veut l’éviter et même le faire taire. Mais quand Jésus le guérit et qu’il proclame la louange de Dieu, la foule voit et s’émerveille. Autrement dit, la cécité physique de Bartimée a été vaincue, mais plus encore la cécité spirituelle de cette foule qui ne voyait pas combien cet homme pauvre était important aux yeux de Dieu.

Et nous ? Savons-nous reconnaître notre ignorance ? Savons-nous nous taire quand nous ne sommes pas compétents ? Et aussi, pour apporter le plus grand service possible à nos frères, comment nous formons-nous pour mieux connaître et discerner la parole et la volonté de Dieu ?

Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?

Pour ce qui est de tomber dans un trou, n’allons pas nous imaginer que Jésus parle simplement de trébucher. Il dit ainsi ailleurs :
05 Puis il leur dit : « Si l’un de vous a un fils ou un bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer, même le jour du sabbat ? » (Lc 14, 5)
Et le parallèle se Saint Matthieu dit :
11 Mais il leur dit : « Si l’un d’entre vous possède une seule brebis, et qu’elle tombe dans un trou le jour du sabbat, ne va-t-il pas la saisir pour la faire remonter ? (Mt 12, 11)
où il est explicitement parler de tomber dans un trou. Ces références montrent qu’il y a péril de mort mais aussi qu’il y a devoir de sauver en toutes circonstances ceux qui vivent cela. Cela donne un sens particulier à ce que dit Jésus dans notre passage.

Et nous ? Le jour de notre baptême, nous avons été illuminés par le Christ. Nous ne sommes plus des aveugles, comment contribuons-nous au Salut de nos frères réalisé par Dieu seul ?

40 Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.

Cette sentence peut paraitre un peu déplacée ici, il faut la replacer dans le contexte. Il s’agit de faire aux autres ce que l’on désire pour soi ; et accepter que ce que nous faisons soit la mesure de ce que nous recevrons. Autrement dit, non seulement nos aspirations et nos modes de fonctionnement mais surtout l’amour du prochain deviennent nos références. Évidemment, si nos références sont mauvaises ou notre amour inexistant, ce que nous recevrons sera mauvais ou très pauvre. Le Christ lui a tout donné et aimé jusqu’au bout ; pour cela, il a tout reçu et est très aimé du Père… C’est ce qu’explique parfaitement l’hymne au Philippiens qu’il faut savoir par cœur :
Le Christ Jésus,
06 ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.
07 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect,
08 il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix.
09 C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom,
10 afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers,
11 et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père. (Phi 2, 5-11)
Le Christ a donné sa condition de Dieu et même sa vie (ce que traduise les participes passés : anéanti et abaissé) mais en échange, il reçoit tout de Dieu (il l’a exalté il l’a doté).
Nous ne serons jamais au-delà de cet exemple mais nous sommes appelés à tout donner nous aussi et nous sommes promis à un amour aussi grand du Père pour nous. Alors devenus Fils, nous serons comme notre maître.
Nous ferons les mêmes actions :
12 Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. (Jn 14, 12)
Nous aurons la même connaissance que lui et nous serons avec lui dans un rapport d’égal à égal :
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. (Jn 15, 15)
Nous deviendrons semblables à lui dans notre être même :
02 Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. (1 jn 3, 2)
Mais pour cela, il faut écouter ce que dit le Maître et le mettre en pratique :
27 Mais je vous le dis, à vous qui m’écoutez (Lc 6, 37)
Et surtout :
21 Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. (Mt 7, 21)

Et nous ? Sommes-nous des disciples qui veulent suivre et imiter le Christ ? Comment mettons-nous en pratique la Parole de Dieu ?

41 Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?

De nombreuses citations des deux Testaments montrent que la paille symbolise ce qui a peu de consistance et pas ou peu de valeur :
12 Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » (Mt 3, 12)
Et encore
04 tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent (Ps 1, 4)
Quant à la poutre, elle n’est pas souvent utilisée comme un symbole, Mais souvent dans les descriptions de la construction du Temple pour en montrer la grandeur et la force, on décrit l’usage de poutres de cèdres. D’un côté, on se concentre donc sur ce qui est insignifiant, tandis que ce qui est fort, puissant, massif est négligé.

Et nous ? Quelle patience et quelle bienveillance avons-nous pour considérer comme sans intérêt les travers, les défauts et les erreurs de nos frères ?
Quelle vérité, quelle ambition et quelle exigence nous poussent nous-mêmes à reconnaître nos propres travers, défauts et erreurs comme de véritables obstacles à éliminer de notre chemin de sainteté ?

42 Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ?

Jésus évoque ici la correction fraternelle. Mais il critique ceux qui sont prompts à corriger mais négligent de se corriger, de se convertir. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas corriger son frère. Cela signifie qu’il faut d’abord s’examiner soi-même, comme Jésus invitera les scribes et les pharisiens qui accusent la femme adultère :
« Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » ( Jn 8, 7)
Quant à la correction elle-même, le Christ en fixe la méthode avec précision :
15 Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.
16 S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins.
17 S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. (Mt 18, 15-17)
Ainsi on peut corriger son frère mais : il faut le faire pour gagner son frère, c’est à dire dans son propre intérêt et non pas pour notre confort, notre joie ou par vengeance. Il faut le faire avec discrétion, d’abord seul à seul … Il faut le faire dans un esprit de communion, en ne cherchant pas d’intérêt particulier mais seulement celui de l’Eglise, et enfin il faut le faire avec détermination de telle sorte que même si l’Eglise n’est pas écoutée, comme un païen, on continuera à chercher à convertir et à attirer vers le Christ le récalcitrant.
Pour pouvoir avoir une telle douceur, une telle patience et un tel désintéressement, il faut d’abord s’être examiné soi-même avec grande attention, avoir pris la mesure de notre faiblesse et s’en remettre totalement à la sagesse de Dieu.

Et nous ? Avons-nous la force et la sagesse de nous regarder en vérité et plus encore de nous confier à la sagesse, à l’intelligence, au conseil et à la crainte de Dieu avant de chercher à corriger nos frères ? En d’autres termes, est-ce notre fierté, notre ambition, notre vengeance ou notre vie dans l’Esprit qui prévaut dans nos démarches de correction fraternelle ?

Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.

L’interpellation hypocrite est fréquente dans la bouche de Jésus. Le plus souvent, elle concerne les pharisiens et les scribes. Presque toujours, il s’agit non pas de les prendre en flagrant délit de mensonges mais plutôt d’incohérence entre leur enseignement et leurs actions et donc de contradiction entre ce qu’ils font et ce qu’ils enseignent devoir être faits par observance de la loi.
Voici les occurrences des ce mot dans l’évangile de Saint Matthieu :
6.02 Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
6.05 Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
6.16 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
Ces trois premières occurrences montrent le décalage entre ceux qui servent la loi et donc Dieu et ceux qui se servent de la loi et en tirent avantage personnellement.
15.06 Dans ce cas, il n’aura plus à honorer son père ou sa mère.” Ainsi, vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition ! Hypocrites !
Ici il s’agit plutôt de leur confort et de rester maîtres de leurs offrandes, même face aux obligations de la loi :
22.18 Connaissant leur perversité, Jésus dit : « Hypocrites ! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
C’est une autre façon de détourner la loi : on ne recherche pas la vérité ou le bien mais seulement à piéger au nom de la loi son adversaire.
23.13 Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer !
23.15 Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un seul converti, et quand c’est arrivé, vous faites de lui un homme voué à la géhenne, deux fois pire que vous !
23.23 Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste.
23.25 Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance !
23.27 Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis à la chaux : à l’extérieur ils ont une belle apparence, mais l’intérieur est rempli d’ossements et de toutes sortes de choses impures.
Ces 5 complaintes contre les « scribes et pharisiens hypocrites » mettent toujours sous les yeux le même problème : une pratique extérieure sans amour, ni de Dieu, ni des hommes mais seulement l’application aveugle d’une loi dénuée de sa raison d’être : la recherche de l’Amour de Dieu et du prochain.
Tant que ces difficultés ne seront pas dépassées (manque d’amour, détournement de la loi à son profit …) vouloir corriger son frère, qui ne peut l’être que pour lui-même et par amour, est impossible.

Et nous ? Quel est notre rapport à la loi, au devoir, au bien et au mal, à l’amour du prochain ? En bref, quel est notre principe d’action et de discernement pour choisir le bien et rejeter le mal ?

43 Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. 44 Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit :

Il y a ici un parallèle à faire avec la prédication de Jean Baptiste :
08 Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion. Ne commencez pas à vous dire : “Nous avons Abraham pour père”, car je vous dis que, de ces pierres, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
09 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. » (Lc 3, 8-9)
Ainsi déjà chez Saint Jean Baptiste, les hommes à travers leur personnalité sont comparés à des arbres. Il y a ceux qui produisent des bons fruits qui seront gardés, les autres jetés au feu et détruits, et les bons fruits sont « ceux qui expriment votre conversion ». Voici la continuité avec ce qui précède : pour pouvoir corriger son frère, il faut commencer par s’amender soi-même, autrement dit par se convertir à un plus grand Amour de Dieu et des frères… L’ensemble pourrait donc se résumer ainsi : « Tu ne peux corriger ton frère que si toi-même, tu as vécu et tu vis une vraie conversion intérieure : un amour authentique de Dieu et de tes frères ». Notons que la notion de conversion qui arrive maintenant évite de s’inquiéter d’une perfection (impossible pour les hommes) qui serait un préalable à la correction. Il ne s’agit pas d’être parfait mais d’être en chemin de conversion à l’Amour de Dieu et du prochain.

Alors ? Convertissons-nous et croyons à la Bonne nouvelle !

on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.

Pour comprendre cette histoire de figues, il nous faut citer cet extrait un peu long du prophète Jérémie :
01 Voici ce que le Seigneur me fit voir : Deux corbeilles de figues étaient disposées devant le Temple du Seigneur. C’était après que Nabuchodonosor, roi de Babylone, eut déporté loin de Jérusalem Jéchonias, fils de Joachim, roi de Juda, ainsi que les princes de Juda, les artisans et forgerons, et qu’il les eut emmenés à Babylone.
02 L’une des corbeilles contenait de très bonnes figues, comme le sont les figues précoces. L’autre, de très mauvaises figues, si mauvaises qu’elles étaient immangeables.
03 Le Seigneur me dit : « Que vois-tu, Jérémie ? » Je répondis : « Des figues ! Les bonnes figues sont très bonnes, et les mauvaises, si mauvaises qu’elles sont immangeables. »
04 Alors la parole du Seigneur me fut adressée :
05 Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël : Comme on apprécie ces bonnes figues, j’apprécierai les déportés de Juda que j’ai expulsés de ce lieu au pays des Chaldéens.
06 Pour leur bien, je poserai sur eux mon regard et les ramènerai sur cette terre. Je les bâtirai, je ne démolirai pas ; je les planterai, je n’arracherai pas.
07 Je leur donnerai un cœur qui me connaisse, car je suis le Seigneur ; ils seront mon peuple, et moi, je serai leur Dieu, car ils reviendront à moi de tout leur cœur.
08 Comme on traite les mauvaises figues, si mauvaises qu’elles sont immangeables – ainsi parle le Seigneur – je traiterai Sédécias roi de Juda, ses princes et le reste de Jérusalem, ceux qui sont restés dans ce pays et ceux qui habitent au pays d’Égypte (Jr 24, 1-8)
Ainsi ici, ce sont les figues qui comme précédemment les arbres, représentent les hommes : les bonnes figues représentent ceux qui ont eu confiance dans la Parole de Dieu est ont accepté, malgré la peur et la déception de devoir quitter la terre promise, de se laisser déporter. Les mauvaises figues représentent ceux qui n’ont pas eu confiance dans la Parole mais dans la puissance de l’Egypte ou dans la sécurité de sa propre terre. Ils se sont rebellés contre le plan de Dieu et ont voulu se sauver par eux-mêmes.
Ainsi la bonne figue représente l’homme comblé de la grâce de Dieu.
Pour ce qui est des épines, on pensera peut-être à la couronne d’épine du Christ, parodie de sa royauté, symbole du refus du Christ et donc du péché de l’homme qui n’hésite pas à défigurer son Dieu.
On pensera peut-être aussi à la parabole des arbres qui cherchaient un roi (Jg 9, 7-15) : le buisson d’épine est choisi, non pour ses qualités, mais parce que les autres ont tous refusé. Il menace ensuite du feu ceux qui ne le respecteraient pas. Ainsi les épines sont les bons-à-rien, qui en plus, représentent un danger pour les autres.
Il est sans doute inutile d’insister sur le symbole de la richesse et de la grâce de Dieu que représente le raisin qui produit le vin dont le psaume dit :
De la terre il tire son pain : 15 le vin qui réjouit le cœur de l’homme (Ps 10 », 14-15)
Quant aux ronces (qui s’assimilent aux épines), on les trouve dans la parabole du semeur :
22 Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. (Mt 13, 22)
Ainsi, les ronces sont les soucis de ce monde qui empêchent d’accueillir la grâce de Dieu.
Epines et ronces font écho aux arbres pourris de la phrase précédente, et le raisin et les figues au bon fruit… on ne récolte pas la grâce de Dieu dans la recherche d’un pouvoir faux (le buisson d’épine) ou usurpé (la couronne d’épine) ; pas plus que dans aucun des soucis de ce monde (les ronces) mais seulement par une conversion authentique à Dieu, à sa puissance de grâce, à son amour salvateur.

Et nous ? Quels fruits voulons-nous porter ? Quels moyens nous donnons-nous pour y arriver ?

45 L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ;

De la parabole, on passe à la réalité : comme l’arbre bon donne de bons fruits, le cœur bon produit le bien.
Mais le Seigneur utilise sûrement à souhait le terme « trésor » et la comparaison « tirer de son cœur ». On trouve, en effet, dans la bouche de Jésus cette autre comparaison :
« Tout scribe devenu disciple du royaume des Cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. » (Mt 13, 52)
Il est encore question de trésor, mais le neuf est la nouvelle alliance en Jésus ; l’ancien est la première alliance, et le scribe, devenu disciple, s’appuie sur ces deux alliances pour pouvoir comprendre et annoncer la Parole de Dieu. Le trésor est donc composé de ces deux alliances, le trésor est l’union, la communion avec le Seigneur. Le trésor du cœur de l’homme bon est donc cet amour qui accueille et qui s’offre à son Dieu pour entrer en communion avec Lui. Voilà ce qu’est la véritable conversion dont nous parlions plus haut : un amour toujours plus profond et plus vrai pour le Dieu qui nous sauve.
Quant à tirer de son cœur, cela signifie autant agir selon cet amour que d’annoncer ce qu’est cet amour.

Et nous ? Savons-nous tirer des deux alliances une compréhension plus sure de la Parole de Dieu ? Cette compréhension est le moteur et la nourriture qui font agir et grandir notre cœur ? Comment en sommes-nous témoins ?

et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais :

Cette proposition, antithèse de la précédente, ne nécessite pas de plus ample explication. Il suffit de se rendre compte que tout vient du cœur, tout est une question d’amour (ou de refus d’aimer) car le commandement pour le disciple est :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même. (Lc 10, 27)
Et d’ailleurs, comment s’en étonner puisque d’après st Jean :
07 Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu.
08 Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. (1 Jn 4, 7-8)
Et juste après
ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés.
11 Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. (1 Jn 4, 10-11)

Et nous ? Pouvons-nous prendre un peu de temps pour contempler de quel amour nous sommes aimés ? Aurons-nous un peu de courage pour commencer à répondre à cet amour ?

car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

Jésus avertit ailleurs :
11 Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur. » (Mt 15, 11)
Et il avertit encore :
36 Je vous le dis : toute parole creuse que prononceront les hommes, ils devront en rendre compte au jour du Jugement.
37 D’après tes paroles, en effet, tu seras reconnu juste ; d’après tes paroles tu seras condamné. » (Mt 12, 36-37)
Il fait ainsi écho à cet avertissement de la première alliance
18 Qui a le mensonge aux lèvres dissimule sa haine ; qui propage la calomnie est un insensé.
19 À trop parler on n’évite pas le péché : qui tient sa langue est bien avisé. (Pro 10, 18-19)
Et Saint Jacques reprend dans sa lettre
26 Si l’on pense être quelqu’un de religieux sans mettre un frein à sa langue, on se trompe soi-même, une telle religion est sans valeur. (Jc 1, 26)
Tout cela nous montre que ce n’est pas un détail dans la façon de dire de Jésus, mais une insistance forte que conclura st Paul :
29 Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche ; mais, s’il en est besoin, que ce soit une parole bonne et constructive, profitable à ceux qui vous écoutent. (Eph 4, 29)

Et nous ? Quel est notre rapport à la parole ? Au silence ? Essayons-nous d’être édifiants pour nos frères, ou bien cherchons-nous seulement à briller ou la mondanité ? Sommes-nous auteurs de ces paroles creuses dont parle Jésus ? Essayons-nous en toute chose d’être constructifs et profitables pour ceux qui nous entourent ?

En conclusion :
Jésus aujourd’hui nous invite à la conversion, une conversion de la langue et du cœur, une conversion à Dieu, une conversion qui nous pousse au service de nos frères. Pour cela, il faudra faire la vérité sur nous-mêmes et apprendre à ne pas juger, à faire silence, à se donner et à aimer, à l’image du Seigneur, qui nous a aimés et s’est livré pour nous ?

Cet amour de nos frères n’est ni mièvre, ni aveugle, ni béat ; il implique même parfois de dénoncer le mal et d’aider à se réformer, ce qu’on appelle la correction fraternelle. Elle est d’autant plus difficile qu’elle implique, de notre part, une conversion préalable pour ne pas se chercher soi-même mais servir l’autre et servir la volonté de Dieu dans l’autre.

Cet amour du frère peut aller jusqu’à l’offrande de sa vie à l’imitation du Christ. Mais aussi terrible qu’il puisse paraitre, il est le chemin du bonheur pour nous et pour tous ceux que nous aimons et que le Seigneur met sur notre route afin que nous les aidions, afin qu’ils nous aident, afin que nous trouvions ensemble les chemins de la sainteté.