Évangile du 3 avril (5e de Carême)

Lectio divina du Dimanche 3 avril 2022 : 5e de carême (C)
Evangile de Jésus Christ selon st Jean (Jn 8, 1-11)

01 En ce temps-là Jésus s’en alla au mont des Oliviers.
02 Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.
03 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu,
04 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.
05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »
06 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.
07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
08 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.
09 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.
10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »
11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Lecture ligne à ligne

01 En ce temps-là Jésus s’en alla au mont des Oliviers. 02 Dès l’aurore, il retourna au Temple.

La mention « dès l’aurore Il retourna » nous indique que Jésus a passé toute cette nuit en prière. Ce n’est pas la première fois que nous entendons cela. Ainsi :

12 En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu.

Et encore :

37 Il passait ses journées dans le Temple à enseigner ; mais ses nuits, il sortait les passer en plein air, à l’endroit appelé mont des Oliviers. (Lc 21, 37)

On pensera aussi à la nuit de l’agonie où Jésus vient au même jardin et demande à ses disciples de prier avec lui et de résister à la tentation :

40 Arrivé en ce lieu, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. »

41 Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. S’étant mis à genoux, il priait en disant :

42 « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. »

43 Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait.

44 Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre.

45 Puis Jésus se releva de sa prière et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis, accablés de tristesse.

46 Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. » (Lc 22, 40-46)

Quant au temple, il serait trop long de développer le lien de Jésus avec lui. On peut tout de même se rappeler l’épisode de ses douze ans où il dit à Marie sa mère :

« Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2, 49)

Le temple est donc pour lui la maison de son Père. Et puis il y a l’épisode des marchands du temple :

14 Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.

15 Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,

16 et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. »

17 Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment.

18 Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? »

19 Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »

20 Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »

21 Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. (Jn 2, 14, 21)

On retrouve l’appellation « la maison de mon père » mais on y voit aussi le souci que Jésus a de faire de ce lieu un endroit particulier : L’amour de ta maison fera mon tourment. Enfin il y a l’identification entre ce temple de pierre et le temple de chair qu’est son corps. Autrement dit, le Seigneur affirme : « de même que pour la première alliance le temple est le lieu de la présence de Dieu parmi les hommes, de même pour la nouvelle Alliance c’est mon corps qui est présence de Dieu au milieu des hommes ». Dès lors, nous comprenons l’importance de ce temple où Jésus enseigne : Lui, qui est la Parole de Dieu faite chair, introduit cette chair qui est présence de Dieu au milieu du temple, lequel est le lieu de la présence pour y proclamer la Parole qui est bien celle de Dieu.

Et nous ? Sommes-nous bien conscients que le Corps du Christ est présence de Dieu au milieu de nous ? Quel est notre lien avec l’Eucharistie ? Quelle importance donnons-nous à la présence du Seigneur dans le tabernacle ? je veux dire non pas en théorie, nous savons bien qu’Il est là, mais en pratique : qu’est-ce que cela change de ma vie de savoir que le Christ est là tout près, au milieu de nous ?

Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner.

Ce mouvement du peuple nous est désormais familier. C’est déjà ainsi que l’évangile de dimanche dernier commençait :
01 Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. (Lc 15, 1) ; (4ème dimanche de carême année C, la parabole des deux fils)
Mais on trouvait déjà pour le début du sermon sur la montagne :
01 Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
02 Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. (Mt 5, 1-2)
C’est donc l’habitude : la foule vient ; Jésus s’assoit et il enseigne.

Et nous ? Croyons-nous que Jésus ait perdu ses habitudes ? N’est-ce pas nous qui ne faisons pas partie de ces foules qui viennent à Lui pour être enseignées ? Pouvons-nous essayer de dresser la liste des moments de notre vie où nous allons vers Jésus pour recueillir son enseignement (prière, lecture et étude de la Parole, catéchèse, messe et autre sacrement…) ?

03 Les scribes et les pharisiens lui amènent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère.

Voyez la différence : les scribes et les pharisiens ne viennent pas à Jésus pour être enseignés ; ils apportent quelqu’un. Ils ne vont pas laisser venir à eux le message de grâce : ils vont interroger. Le contexte de ce passage nous éclaire : juste avant Saint Jean raconte :

37 Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive,

38 celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. »

39 En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié.

40 Dans la foule, on avait entendu ses paroles, et les uns disaient : « C’est vraiment lui, le Prophète annoncé ! »

41 D’autres disaient : « C’est lui le Christ ! » (Jn 7, 37-41)

Voici le message de grâce : l’Esprit Saint promis en abondance à ceux qui croient en Jésus ! Et les foules sont bien là qui s’extasient…

Et juste après cet autre épisode :

46 Les gardes répondirent : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! »

47 Les pharisiens leur répliquèrent : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ?

48 Parmi les chefs du peuple et les pharisiens, y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ?

49 Quant à cette foule qui ne sait rien de la Loi, ce sont des maudits ! » (Jn 7, 46-49)

Les gardes qui sont des gens du peuple s’extasient mais les pharisiens, eux, sont à part, ils refusent de croire et vont même jusqu’à maudire la foule qui accueille le discours de grâce.
De la même manière ici, les foules écoutent et les pharisiens interrompent ; les foules accueillent et les pharisiens interrogent, les foules croient et les pharisiens résistent ou refusent.

Et nous ? Quand nous nous approchons du Seigneur, quel est notre état d’esprit ? Sommes-nous de ceux qui écoutent, qui accueillent et qui croient… Ou bien de ceux qui mettent en question, qui polémiquent par leurs questions et refusent d’être enseignés ?

Ils la mettent au milieu, 04 et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère.

Dans la loi, il est dit bien des choses quand aux femmes adultères et notamment ceci :

16 Le prêtre fera approcher la femme et la placera devant le Seigneur. (Nb 5, 16)

C’est bien ce que font les scribes et les pharisiens : ils placent cette femme devant le Seigneur. Mais cette recommandation faite dans le livre des nombres évoque la jalousie du mari, et qui plus est, la jalousie justifiée ou non !

29 Telle est la loi de jalousie concernant la femme qui se conduit mal en trompant son mari et se rend impure,

30 ou concernant l’homme dont s’empare un esprit de jalousie et qui devient jaloux de sa femme. Celui-ci placera sa femme devant le Seigneur (nb 5, 29-30)

Le deuxième cas : l’homme est jaloux sans raison et il est traité de la même manière, de telle sorte qu’il ne revient finalement qu’à Dieu de juger la femme, de savoir si elle est pécheresse ou si c’est son mari qui est jaloux sans raison.

Et nous ? Sommes-nous de ceux qui veulent juger à la place de Dieu, sommes-nous capables de nous en remettre à sa justice ?

05 Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »

Ce que disent ces gens est vrai mais partiel et du coup injuste. Ecoutons donc la loi :

04 Si on te le rapporte, si tu l’entends dire, tu feras une enquête approfondie. Si c’est vrai, si le fait est établi, si une telle abomination a été commise en Israël,

05 tu feras sortir aux portes de ta ville cet homme ou cette femme coupable de cette action mauvaise ; tu lapideras l’homme ou la femme jusqu’à ce que mort s’ensuive. (Dt 17, 4-5)

Ainsi, ce ne sont pas « ces femmes-là » mais « cet homme ou cette femme coupable. » ensuite il faut une enquête approfondie et ici on somme Jésus de répondre immédiatement sans rien savoir des circonstances, des faits … juste une affirmation de flagrant délit.

Mais surtout on trouve quelques chapitres plus loin :

22 Lorsqu’on trouvera un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme également. Tu ôteras le mal du milieu d’Israël. (Dt 22, 22)

Pourquoi donc n’apportent-ils que la femme ? Si flagrant délit il y a eu, ils devraient alors amener les deux…Pourquoi seulement la femme ? pourquoi l’accuser seulement elle ? La loi est très claire sur les deux ? Auraient-ils une mauvaise intention ?

Et nous ? Sommes-nous de ceux qui arrangent la vérité ? Prenons-nous le temps d’aller au bout des choses et d’affronter, même ce qui ne nous plaît pas ? Mettons-nous la justice au-dessus de nos intérêts personnels ?

06 Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser.

Le piège est bien tendu : s’il dit « libérez-la » il contredit la loi, s’il dit « lapidez-la » il contredit son propre message de miséricorde et d’invitation à la conversion. Il n’y a pas d’issue pour Jésus.
Ce n’est pas la première fois qu’un tel piège est tendu à Jésus :

21 Ceux-ci l’interrogèrent en disant : « Maître, nous le savons : tu parles et tu enseignes avec droiture, tu es impartial et tu enseignes le chemin de Dieu selon la vérité.

22 Nous est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? » (Lc 20, 21-22)

Si Jésus dit « payez » il devient collaborateur de l’occupant, s’il dit « ne payez pas » il sera considéré comme rebelle et condamné pour incitation à la rébellion !
Mais Jésus refuse de rentrer dans de telles considérations et se tourne toujours vers Dieu :
« Alors rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Lc 20, 25)
En s’en référant à Dieu, il refuse d’entrer dans des querelles d’hommes. C’est ce que nous allons lui voir faire dans quelques instants.
Notons que Jésus, aussi, a su piéger ses adversaires de la même manière.

01 Un de ces jours-là où Jésus, dans le Temple, enseignait le peuple et proclamait la Bonne Nouvelle, survinrent les grands prêtres et les scribes avec les anciens.

02 Ils lui demandèrent : « Dis-nous par quelle autorité tu fais cela ? Ou alors qui est celui qui t’a donné cette autorité ? »

03 Il leur répliqua : « Moi aussi, je vais vous poser une question. Dites-moi :

04 Le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? »

05 Ils firent entre eux ce raisonnement : « Si nous disons : “Du ciel”, il va dire : “Pourquoi n’avez-vous pas cru à sa parole ?”

06 Si nous disons : “Des hommes”, le peuple tout entier va nous lapider, car il est persuadé que Jean est un prophète. »

07 Et ils répondirent qu’ils ne savaient pas d’où il venait.

08 Alors Jésus leur déclara : « Eh bien, moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais cela. » (Lc 20, 2-8)

De la même manière, Jésus leur pose une question où toutes les réponses sont mauvaises pour eux. Elles le sont parce qu’ils veulent défendre leurs intérêts et non la vérité. Jésus les prend à leur propre piège. Ce n’est qu’une astuce pour ne pas répondre à la question du moment. C’est pourtant une belle et bonne question, mais ils ne sont pas prêts à entendre et comprendre la réponse et il n’est pas temps pour Jésus de révéler tout le mystère.
Quoiqu’il en soit, nous voyons à la fois que Jésus connaît leur manière de faire ; il sait à l’occasion en user lui aussi et sait comment se sortir du piège.

Et nous ? mettons-nous autant d’habileté et de ruse à défendre la vérité qu’à chercher à promouvoir nos intérêts ? Cherchons-nous dans le dialogue à grandir ensemble ou bien à piéger nos adversaires ?

Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre.

Il y a tant de chose à dire sur cela… Pour résumer disons deux choses !
En premier lieu, Jésus s’est baissé, il refuse d’être dans la position du juge. S’il s’est assis, c’est pour enseigner et non pour juger. La suite des événements le montrera : il se redresse pour répondre aux accusateurs et non pour juger la femme. Il les interroge sur leurs propres péchés mais aussitôt, ils se penche à nouveau car il ne veut pas plus les juger, eux, qu’il ne la juge, elle. Enfin il se redresse quand tous sont partis : il n’y a plus d’accusateurs, il n’y a donc plus de jugement, il va pouvoir regarder cette femme comme l’objet de sa miséricorde et de son pardon et non comme le sujet de l’accusation…

Et nous ? Sentons-nous, posé sur nous, le regard miséricordieux de Dieu ou bien nous laissons-nous écraser par le regard accusateur de nos frères ? de notre propre cœur peut-être ? Saint Jean déclare en effet :

18 Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité.

19 Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ;

20 car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. (1 jn 3, 18-20)

Ainsi nous devons nous fier plus à la miséricorde de Dieu qu’à notre propre cœur.

En second lieu Jésus écrit sur la terre. C’est le seul endroit de l’Evangile où Jésus écrit ! Jésus est la Parole, non l’auteur d’un écrit particulier. Il est la Parole qui transparaît à travers toute l’Ecriture mais il n’écrit pas lui-même, Il parle et enseigne. Mais il y a un endroit dans le Bible où Dieu lui-même écrit : en haut du Sinaï pour donner les tables de la loi :

15 Moïse redescendit de la montagne. Il portait les deux tables du Témoignage ; ces tables étaient écrites sur les deux faces ;

16 elles étaient l’œuvre de Dieu, et l’écriture, c’était l’écriture de Dieu, gravée sur ces tables. (Ex 32, 15-16)

Ainsi, la première alliance a été écrite sur des tables de pierre par Dieu, lui-même et dans cette nouvelle alliance, les écritures ne sont que des traits dans le sol dont personne ne sait le contenu et qui vont disparaître, foulées au pied par le premier venu ! C’est que la loi du Christ est gravée dans les cœurs, ce qui va se manifester dans un instant, non sur la terre ou même dans la pierre. Cette loi, qui s’appelle miséricorde, est spécifique à chacun, selon la miséricorde qu’il reçoit et l’amour qu’il donne en retour.
Notons que les tables de pierre gravées par Dieu furent brisées par Moïse en signe de la rupture entre Dieu et le peuple qui adorait le veau d’or (Cf Ex 32, 19) et qu’elles sont perdues. Celles qui étaient dans l’arche d’alliance ont été gravées par Moïse, qui avait apaisé la colère divine (C’est ainsi que le premier testament désigne l’œuvre de Salut de Dieu qui fait revenir les cœurs des hommes vers Lui en les mettant face à leur péché pour leur faire comprendre de quel châtiment ils sont redevables, châtiment que Dieu, dans sa miséricorde ne leur inflige pas).
28 Moïse demeura sur le Sinaï avec le Seigneur quarante jours et quarante nuits ; il ne mangea pas de pain et ne but pas d’eau. Sur les tables de pierre, il écrivit les paroles de l’Alliance, les Dix Paroles. (Ex 34, 28)

Et nous ? Savons-nous lire en nos cœurs la véritable loi divine, loi d’amour et de miséricorde, la même pour tous et pourtant spécifique à chacun car nous sommes tous uniques aux yeux de Dieu.

07 Comme on persistait à l’interroger, il se redressa

Nous l’avons déjà dit : il se redresse face aux accusateurs et non comme un juge de l’accusé. On pourrait mettre ce verset en parallèle avec la parabole du juge inique :

01 Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager :

02 « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes.

03 Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.”

04 Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne,

05 comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »

06 Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice !

07 Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ?

08 Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

De la même façon que la femme continue d’importuner le juge, ainsi les pharisiens continuent d’importuner Jésus. La merveille de cette parabole est que, du moins dans une interprétation possible, Jésus compare Dieu à un juge inique ! de fait les hommes trouvent souvent que les décisions de Dieu sont incompréhensibles ou alors ils lui reprochent de se taire quand ils réclament justice…Comme si Dieu était inique. Notez la conclusion : si même un juge inique finit par rendre justice à qui demande avec insistance, bien plus Dieu rendra-t-il justice à ses fidèles. Jésus reconnaît que la miséricorde et la patience de Dieu peuvent sembler, au premier abord, iniques puis il montre le véritable sens de la parabole : même si tu ne comprends pas et peux être irrité par ce qui te sembles injuste, continue de prier car Dieu te rendra justice et t’exaucera. C’est ce que font les pharisiens : ils interrogent Jésus qui patiente et refuse de prendre parti, mais ils insistent et vont recevoir un bel enseignement !

Et nous ? Sommes-nous de ces impatients qui condamnent l’œuvre de Dieu quand ils ne la comprennent pas ? Nous risquons alors de passer à coté de la justice et même de la miséricorde. C’est ce que montre bien le dialogue entre Jésus et Pierre au soir de la Cène :
06 Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »
07 Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »
08 Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »
Simon, en justice, ne veut pas que le maître s’abaisse à lui laver les pieds. Jésus l’invite à l’humilité : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas » et à la patience : « plus tard, tu comprendras ». Mais puisque Pierre s’obstine, Jésus lui dit que ce n’est pas une question de justice mais de salut : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Mais nous le savons, si Saint Pierre est impulsif, il est aussi extrêmement docile et se convertit aussi vite qu’il se rebiffe. A nous de savoir, comme lui, nous laisser toucher par la miséricorde de Dieu.

et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »

Voici comment Jésus refuse d’entrer la querelle d’hommes. Il s’en réfère toujours à Dieu. Ici plutôt que de regarder comment les hommes doivent observer la loi, le Christ met chaque homme devant Dieu. Il invite chacun à être son propre témoin devant Dieu. Que chacun reconnaisse son péché et sache qu’il mérite la mort. Puis vient le temps de la loi. Le deutéronome déclare à propos de ses adultères :

07 Les témoins seront les premiers à lever la main contre le condamné pour le mettre à mort (Dt 17, 5)

Chacun, remis personnellement face à son Dieu, devient donc le témoin de sa propre accusation… Comme témoin, chacun est donc le premier accusateur, et le premier à se jeter la pierre. Mais nous l’avons vu, il y a quelque chose de biaisé : la femme seule est accusée, l’homme n’est pas là. Jésus met chacun des accusateurs à la place de cet homme absent ! Puisqu’ils ne l’ont pas arrêté et condamné, Il sait déjà qu’ils ne se condamneront pas eux-mêmes. S’ils acquittent l’un, l’autre (la femme) est du fait même, acquittée aussi.

Et nous ? Sommes-nous capables de nous juger en vérité, avant d’accuser les autres ? Sommes-nous capables d’accueillir et de faire rejaillir sur les autres la miséricorde de Dieu plutôt que de condamner ?

08 Il se baissa de nouveau et il écrivait sur la terre.

Là encore nous l’avons déjà dit, Jésus ne veut pas plus les juger que la femme adultère. Il les invite à être leur propre juge, à accueillir l’occasion qui leur est donnée de se convertir, à commencer leur vie de miséricorde et de bonté en refusant de condamner leur sœur ! Il écrit toujours, on ne sait pas quoi, une écriture qui va disparaître car ce qui reste : ce sont les cœurs convertis et changés.

Et nous ? Sommes-nous prêts à nous convertir ? Ou plutôt, pouvons nous voir tout ce que le Seigneur a déjà converti en nous pour rendre grâce, et pour courir vers les étapes suivantes, pour continuer avec lui ce chemin de conversion qui nous mènera jusqu’à la vie éternelle ?

09 Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés.

Voyez le changement : ils viennent en groupe et interrompent l’enseignement de Jésus pour lui tendre un piège, forts de leur nombre, ils s’imposent !
Ils repartent, un à un, chacun faisant la vérité dans son cœur plutôt que de se cacher derrière la fausse force du groupe, ils ne parlent plus, ils écoutent et entendent. Ils ne s’appuient pas sur une loi mal éclairée ou comprise mais sur leur expérience vécue et sur la joie de savoir que Dieu leur donne une chance de plus… un temps pour changer.

Alors ? Un tel virage à 180 degrés, c’est cela la conversion. Pouvons-nous repérer ce qui nous sépare encore de Dieu, non pour nous désespérer ou nos lamenter mais pour nous retourner et nous convertir, pour changer et progresser, pour faire ce qui est bon, ce qui est bien, ce que Dieu attend de nous ?

Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.

Voici l’image symbole de ce passage. Il y a d’abord le tête-à-tête extraordinaire : le Fils de Dieu, le seul saint, et la pécheresse.
Et puis il y a la femme pécheresse, elle est toujours au milieu, mais pas au milieu des gens, ils sont tous partis ! au milieu du temple, là où Jésus enseigne, là où Dieu habite, au milieu de l’enseignement du Christ qui a été interrompu mais qui reprend avec la pécheresse au milieu car c’est bien pour cela que Jésus est venu, pour sauver les pécheurs.
Il y a ensuite le contraste : tous s’en allèrent, Jésus resta… Oui, Jésus est celui qui n’a pas péché, celui qui peut jeter la première pierre, celui qui en a le droit. Pour l’instant, il est penché et il écrit…
Enfin le terrible constat : Jésus seul ! Bien sûr, il est le seul saint, mais aucun n’est resté, n’a demandé le pardon de ses fautes comme va le recevoir cette femme, aucun n’est venu pour la suite de l’enseignement : face à leur péché, ils s’enfuient. Face au péché, comme sur la Croix, Jésus est seul !

Et nous ? Avons-nous assez de courage ou d’humilité ou peut-être de confiance et d’espérance pour nous tenir là debout face à Jésus, malgré notre péché ? Quand nous nous découvrons pécheurs, essayons-nous de nous cacher, de nous enfuir ou bien allons-nous vers celui qui, seul, peut nous sauver (ici se repose encore tout le problème du sacrement du pardon : suis-je de ceux qui n’ont rien à dire, de ceux qui pensent que ce n’est pas grave, de ceux qui veulent oublier ou faire comme si de rien n’était ? Sommes-nous de ceux qui disent se mettre seul face à Dieu et oublient que c’est le Seigneur qui est Dieu, le Seigneur présent dans son Eglise…) Et quand nous nous découvrons pardonnés, laissons-nous le Seigneur seul ? Sommes-nous prêts à prendre notre part dans le combat contre le péché, à supporter pour nos frères le mal qui est dans le monde, et comme dit st Paul pouvons-nous dire nous aussi :
24 Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. (col 1, 24)

10 Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? »

De nouveau Jésus se redresse, mais ce n’est toujours pas pour juger, il interroge. Cette interrogation oblige la femme à reconnaître la vérité : si personne ne l’a condamnée, elle est pourtant coupable. Si aucun homme n’est digne de la condamner, cela n’enlève rien à la faute qu’elle a commise. Jésus lui fait comprendre qu’ils ont tous réalisé leur propre péché, il serait donc anormal qu’elle n’en fasse pas de même.

Et nous ? Risquons-nous de nous excuser à bon compte parce que nous voyons que les autres ne sont pas meilleurs que nous ? Le constat du péché de nos frères nous sert-il d’excuse pour notre propre péché ou nous invite-t-il au contraire à être toujours plus vrais sur notre misère ?

11 Elle répondit : « Personne, Seigneur. »

C’est la première parole de cette femme. Elle a été humiliée et déshonorée en public, elle a été menacée et sans doute terrorisée, elle se retrouve maintenant humble et discrète. Elle appelle Jésus « Seigneur » se faisant petite devant Lui. Elle reste entre ses mains, elle ne le questionne pas ou ne plaide pas sa cause, elle ne demande même pas pardon ! elle reste simplement là, confiante devant celui qu’elle reconnait comme son Seigneur.

Et nous ? Sommes-nous capables de rester devant le Seigneur en vérité sans cacher ou excuser nos fautes ? Avons-nus suffisamment confiance en Lui pour simplement nous en remettre à Lui ? rester là !

Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Vient ensuite le véritable jugement de Jésus. Il ne la juge pas elle, Il ne la condamne pas, il l’a dit lui-même :

17 Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

18 Celui qui croit en lui échappe au Jugement ;

Désormais elle est là, elle lui fait confiance, elle n’a pas cherché à s’enfuir. Parce qu’elle croit, elle échappe au jugement. Jésus nous a montré à travers tout cet épisode qu’il n’était pas là pour juger les hommes et le monde.

Mais si nous parlons de jugement, c’est le jugement des actes, des comportements, du péché. Oui, le Christ le dit et redit : l’adultère est un péché et il est inacceptable. La femme peut s’en aller mais le péché, lui, n’a aucun droit.

Jésus lui ordonne de ne plus pécher : nous savons que cela n’est pas possible, tout homme est pécheur ! Mais il lui rappelle à la fois qu’aucun homme n’est condamné et que tout péché est condamnable. Jésus lui fixe l’idéal et lui rappelle la réalité : l’idéal c’est de ne pas pécher, la réalité c’est qu’aucun péché n’est acceptable. Mais il lui dit cela en même temps qu’il lui dit « je ne te condamne pas pour qu’elle mène le bon combat, par amour de celui qui pardonne et non par crainte de la condamnation ».

Ainsi, ailleurs, le Seigneur demande :

44 Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent,

45 afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes.

46 En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?

47 Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ?

48 Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. (Mt 5, 44-48)

Pourtant nous savons que personne n’est parfait, Jésus Lui-même dit au jeune homme riche :

19 Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. (Lc 18, 19)

Alors Jésus nous demanderait-il l’impossible ? Jésus demande-t-il à cette femme ce qu’elle ne peut faire ou réaliser ? La réponse est indiquée quelques lignes plus loin dans l’évangile de saint Luc, juste après que le jeune homme soit parti, on trouve alors ce dialogue entre Jésus et ses disciples :

26 Ceux qui l’entendaient lui demandèrent : « Mais alors, qui peut être sauvé ? »

27 Jésus répondit : « Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. » (Lc 18, 26-27)

Jésus ne demande pas l’impossible, il demande ce qui est bon, mais ce qui est bon, c’est Dieu et Dieu seul. En nous demandant d’être parfaits, en demandant à cette femme de ne plus pécher, il demande ce qui nous est impossible mais pas à Dieu. Il s’agit encore et toujours de cette conversion qui va nous permettre de laisser Dieu agir en nous de plus en plus, jusqu’à la communion parfaite. Saint Paul pouvait déjà dire :

20 Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. (Ga 2, 20)

Mais en fait cela ne se réalisera pleinement que dans la vie éternelle. Cela ne nous dispense pas d’y travailler dès aujourd’hui puisque la vie en ce monde est pour nous comme une initiation à cette vie éternelle où, parce que le Christ sera notre vie, nous ne pècherons plus.

Et nous ? Avons-nous déjà expérimenté cette miséricorde de Dieu qui ne nous condamne pas ? Sommes-nous prêts à vivre une telle intimité avec le Christ qu’aucun péché ne paraitra plus désirable, ni même acceptable ou inévitable ? Aspirons-nous à la sainteté véritable ?

En guise de conclusion :
Il y a un grand combat qui apparaît dans ce texte : le combat entre une humanité, sûre d’elle-même, forte de sa raison et même de ce qu’elle pense être la Révélation, qui veut régir, juger et condamner…, et le Christ dont la perfection et la sainteté, l’amour de Dieu et sa miséricorde refusent de juger ou de condamner, qui que ce soit. Il y a le combat entre la raison de ceux qui se disent justes et veulent piéger Jésus pour démontrer son injustice, et le cœur des ces mêmes personnes qui, tout à coup, dévoilent à leurs propres yeux leur péché et les poussent à ne plus condamner, peut-être même à pardonner, et sans doute à se convertir. Il y a le combat du Christ pour l’unité de l’humanité contre cet esprit de clan qui fait que certains se croient du côté des « purs » et s’autorisent alors à rejeter, condamner, humilier et terroriser ceux qui ne sont pas purs à leurs yeux. Ce combat-là oblige le Seigneur à mettre les « purs » à la place du pécheur, à leur faire comprendre qu’ils sont semblables, à leur faire découvrir que devant Dieu, nous sommes tous de pauvres petits pécheurs, mais que, dans la main de Dieu, nous sommes de pauvres petits pécheurs pardonnés ! Il y a le combat entre le constat de notre impuissance à faire le bien et de notre incapacité à éviter le mal et notre espérance en une communion totale avec ce Dieu qui lui est parfait et nous fera vivre pour l’éternité dans la sainteté véritable. Il y a le combat pour distinguer le pécheur qu’il faut sauver et le péché qu’il faut condamner. Tous ces combats ne peuvent être menés et remportés que par le Christ. Il l’a fait sur la Croix en refusant de condamner, en intercédant, en accueillant la prière du bon larron, en continuant de s’inquiéter pour sa mère et son disciple, en remettant son Esprit entre les mains du Père. A nous de nous unir à la Croix du Seigneur pour remporter le combat spirituel en nous par la grâce de Dieu pour la vie éternelle.