Évangile du 5 mars

Lectio divina du 5 mars 2023 : 2e de carême (A)

Evangile de Jésus Christ selon st Matthieu (Mt 17, 1-9)

01 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.
02 Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière.
03 Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.
04 Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
05 Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »
06 Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte.
07 Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! »
08 Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.
09 En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

  • Réflexion ligne à ligne pour aider et guider la lectio divina

01 Six jours après,

La mention « six jours après » fait référence au fameux épisode de la confession de foi de Saint Pierre. D’abord, Jésus demande ce que disent les gens de lui puis ce que les disciples disent et Pierre de proclamer :
« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Mt 16, 16)
Ce qui lui vaut la réponse en forme de promesse et d’envoi en mission :
« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
18 Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
19 Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16, 17-19)
Aussitôt après, le Seigneur fait la première annonce de sa passion et le même saint Pierre, lui faisant des reproches, s’entend dire :
« Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16, 23)
Cet épisode montrait à la fois la force de la foi et ce qu’elle permet de comprendre et de dire, et sa fragilité, combien elle peut être changeante et ne préserve pas de certaines erreurs. Un tel contexte est primordial pour comprendre le sens du récit qui vient, d’où le lien de tempo qui est donné « six jours plus tard »
On notera que là, cela permet de faire une semaine complète entre la profession de foi de Pierre et la transfiguration. C’est le temps aussi dans lequel saint Jean place l’appel des disciples et le premier miracle à Cana, fondation de la mission publique du Seigneur (cf Jn 1 et 2) et le temps que saint Marc alloue au dernier temps à Jérusalem de Jésus, depuis les rameaux jusqu’à la Résurrection, semaine fondatrice de notre foi. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si st Matthieu fait durer une semaine le laps de temps qui sépare ces deux événements (confession et transfiguration) car ils sont les éléments fondateurs de la dernière étape de formation des disciples ; désormais, ils devront vivre de leur foi pour affronter les obstacles et le scandale de la Croix. Ils doivent passer de la découverte en Jésus du Messie à l’acceptation de voir ce Messie triompher par sa souffrance et son sacrifice.

Et nous ? Le temps d’une semaine est aussi le rythme qui nous est donné pour vivre notre foi au jour le jour entre deux fêtes primordiales que sont les dimanches : qu’en faisons-nous ? Sommes-nous prêts à suivre un messie crucifié, condamné, rejeté par tant de personnes, plus encore aujourd’hui qu’à l’époque de sa venue charnelle sur la terre ?

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère,
C’est là la définition du disciple :
« il en institua douze pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle » (Mc 3, 14)
mais pourtant Jésus ne prend que le plus proche. Il fera de même pour ressusciter la fille de Jaïre :
51 En arrivant à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, sauf Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père de l’enfant et sa mère. (Lc 8, 51)
Et au soir de son Agonie :
36 Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Asseyez-vous ici, pendant que je vais là-bas pour prier. »
37 Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse. (Mt 26, 36-37)
Il s’agit donc d’un petit cercle au cœur du petit cercle des disciples… En fait, Jésus agit ainsi, avec des relations qui s’étalent en cercles concentriques : il y a d’abord Pierre avec qui il a une relation privilégiée, puis les trois : Pierre, Jacques et Jean, puis les douze, puis les soixante-douze, puis les disciples, puis les foules. La particularité est que chaque cercle est centré sur lui et envoyé vers le suivant… Ainsi la mission est-elle assurée par les bonnes personnes auprès de tous, mais suivant le lien que chacun possède avec le Christ, et toujours avec le but de se rapprocher du Seigneur.

Et nous ? Pourrions-nous décrire le cercle auquel nous appartenons : intimes du Christ ou proches ou familiers, ou amis, ou camarade, ou connaissance… savons-nous vers qui nous sommes envoyés ?
Et comment pourrions-nous nous rapprocher de Lui ? Y sommes-nous prêts ? En avons-nous le désir ?

et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.

Dans l’évangile, ce n’est pas très proche, mais nous avons lu dimanche dernier l’Evangile des tentations du Christ. Il était emmené par l’Esprit au désert, et rempli de l’Esprit, il y triompha du démon, manifestant sa victoire, sa gloire et le sens de sa mission. Aujourd’hui, nous voyons les disciples emmenés à l’écart… le parallèle entre le fils et l’Esprit, l’écart et le désert est facile à faire… les disciples, comme lui, vont donc trouver ici leur mission et son sens : ils vont contempler la gloire de Dieu dans l’homme Jésus et entendre le Père leur donner un ordre « écoutez-le ». Contempler et écouter, voici dons la mission de ces disciples !

Et nous ? Sommes-nous de tels disciples ? Que contemplons-nous de Lui ? Comment l’écoutons-nous ?

02 Il fut transfiguré devant eux ; l’aspect de son visage devint autre

Saint Marc utilise le même mot : « transfiguré » qui n’est pas si commun. L’évangile de st Luc dit seulement :
« son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. » (Lc 9, 29)
Alors que devons-nous comprendre vraiment ?
Trans signifie « à travers » ; quant à la figure, il s’agit de l’aspect extérieur, ce qui se donne à voir. Être transfiguré, c’est donc laisser passer quelque chose à travers son aspect extérieur. Le Seigneur donne donc quelque chose d’autre à voir que son visage habituel. Ce qu’il laisse voir, ce n’est plus son visage d’homme mais la lumière de sa divinité.

Et nous ? Nous savons bien que Jésus est à la fois, vrai Dieu et vrai homme ; nous connaissons ses paroles et ses actes qui montrent qu’il est homme ; nous connaissons la puissance de ces signes qui montrent qu’il est Dieu mais nous arrive-t-il de contempler sa gloire, de recevoir de lui sa lumière ? Sommes-nous des disciples du Transfiguré ? Si nous n’avons jamais fait une telle expérience (qui n’est pas sensible), nous pouvons la demander au Seigneur, pourvu que ce ne soit pas pour acquérir mais pour affermir la foi.

03 Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.

Moïse est celui a vu le seigneur :
18 Moïse dit : « Je t’en prie, laisse-moi contempler ta gloire. »
19 Le Seigneur dit : « Je vais passer devant toi avec toute ma splendeur, et je proclamerai devant toi mon nom qui est : LE SEIGNEUR. Je fais grâce à qui je veux, je montre ma tendresse à qui je veux. »
20 Il dit encore : « Tu ne pourras pas voir mon visage, car un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. »
21 Le Seigneur dit enfin : « Voici une place près de moi, tu te tiendras sur le rocher ;
22 quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher et je t’abriterai de ma main jusqu’à ce que j’aie passé.
23 Puis je retirerai ma main, et tu me verras de dos, mais mon visage, personne ne peut le voir. » (Ex 33, 18-23)
Voyez que Moïse a demandé, voyez aussi que cela reste une grâce, car Dieu fait grâce à qui il veut. Voyez enfin que la gloire du Seigneur est contemplée à travers la main qui protège et révèle tout ensemble. Les Père de l’Eglise ont coutume de comparer le Fils et l’Esprit qui agissent dans le monde aux « mains du Père ». La main qui cache Moïse pour qu’il soit préservé de la gloire de Dieu, c’est donc Jésus le Fils qui révèle en lui la présence de Moïse.
De même, Elie a vu la gloire de Dieu :
11 Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer. » À l’approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ;
12 et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère.
13 Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. (‘1 R 11-13)
Ainsi les deux personnages, qui ont contemplé la gloire de Dieu dans le premier Testament, sont ceux qui sont vus dans la gloire du Christ au jour de la Transfiguration : Moïse est celui qui représente la loi qu’Il a transmise au peuple et Elie est la figure même des prophètes. En Jésus, s’accomplissent donc la loi et les prophètes…

Et nous ? Est-ce que nous scrutons en Jésus l’accomplissement de cette loi et de ces prophètes ? Autrement dit, trouvons-nous dans la Première Alliance le sens de la venue de Jésus et dans le Christ le sens de ses promesses de la loi et des prophètes ? Pouvons-nous ainsi enrichir et donner sens à notre lecture de toute la Bible ?

04 Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici !

Juste avant cet épisode, l’évangéliste manifestait la foi intrépide mais parfois fragile de Saint Pierre. La revoici. Il prend la parole, il n’hésite pas car il a confiance. Et surtout, il juge bien ce qui se passe : il sait le grand bienfait que Dieu lui accorde en lui permettant de voir cela « il est bon que nous soyons ici » (c’est bon pour nous, cela nous fait du bien). Mais il sait aussi que la grâce est un don toujours orienté vers le témoignage et la transmission, il veut alors se mettre au service : « Il est bon que nous soyons ici » (c’est heureux car nous allons t’être utiles en te servant toi et Moïse et Elie).

Et nous ? Notre prière est-elle toute à la fois joie d’être présence de Dieu et joie de nous mettre à son service pour sa plus grande gloire et le salut du monde ?

Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »

Il y a un côté dérisoire : qu’est-ce que des tentes pour accueillir la gloire de Dieu, la loi et les prophètes ?
Il y a un côté illusoire : ils n’ont rien amené, comment pourrait-il dresser des tentes ?
Il y a un côté prophétique ; la tente est le lieu où Dieu est resté présent au peuple pendant toute la traversée du désert. La tente de la rencontre, c’est là que Jésus pourrait être présent au peuple le temps de sa traversée de ce monde…
Mais il y a quelque chose aussi d’incompris : personne ne peut fixer la gloire de Dieu, ni prétendre l’installer dans sa vie. Au contraire, ce sont nos vies qui doivent trouver leur place dans la gloire de Dieu.

Et nous ? Voulons-nous capter la gloire de Dieu à notre avantage, l’instrumentaliser ? Ou bien sommes-nous capables de travailler à la faire rayonner dans le monde ?

05 Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre,

Pierre parle de tente pour Dieu mais c’est Dieu qui le couvre de sa nuée… Nous ne pouvons rien offrir à Dieu ; la proposition de Pierre, si généreuse soit-elle, a quelque chose d’erronée. Nous sommes là pour accueillir plutôt la grâce de Dieu.
Il n’avait pas fini de parler ; Dieu ne s’arrête pas à nos erreurs et ne s’en offusque pas. Mais il n’en tient pas compte. Il va au-delà de ce que nous disons ou faisons. Le plan de Dieu ne nous attend pas, il nous entraine avec lui et en lui.

Et nous ? Sommes-nous prêts à plonger en lui ? Prêts à nous laisser couvrir de son ombre ?

et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »

Dans la nuée, il y a une voix. La nuée est donc bien le lieu où Dieu habite et se révèle, se fait entendre des trois disciples. La nuée est la vraie tente qui ne se contente pas d’accueillir une personne, même Jésus, mais qui couvre tous ceux qui sont là, qui couvre la montagne, qui couvre toute chose.
La voix de la nuée parle du Fils, c’est donc celle du Père… Les paroles dites sont les même prononcées au jour du baptême :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé. » (Mt 3, 17)
Alors, c’était la colombe qui était venue du ciel reposée sur Jésus, la nuée serait-elle une image de l’Esprit ?
Elle nous donne un ordre : écoutez-le ! Ainsi toute cette vision, cette manifestation ne vient que pour confirmer et encourager la vocation des disciples et leur foi dans les paroles du Christ, ce qui explique peut-être que saint Pierre ait pu répondre au Christ :
68 Simon- Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.
69 Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6, 68-69)

Et nous ? Croyons-nous qu’il a les paroles de la vie éternelle ? Les écoutons-nous ? Les faisons-nous nôtres ? Pouvons-nous citer quelques paroles du Christ qui, pour nous, sont vraiment des maximes de vie ?

06 Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte.

Bien sûr, ce ne sont pas ces paroles qui suscitent la crainte mais la voix elle-même ou plutôt celui qui parle. Nous avons entendu plus haut ce que Dieu dit à Moïse :
« Un être humain ne peut pas me voir et rester en vie. » (Ex 33, 20)
et de même, nous avons entendu dire d’Elie qu’il se couvrit le visage (c’est pour ne pas voir Dieu et mourir). C’est donc devant la gloire de Dieu que la frayeur saisit les disciples et comme morts : « ils tombent la face contre terre ». Ils font à la fois l’expérience de la présence du Père et de sa gloire qui les laisse comme morts, et la vie de l’Esprit qui les englobe et les fait entrer dans quelque chose de nouveau et de la gloire du Fils qui donne à voir l’invisible. Alors la faiblesse de leur pauvre vie se manifeste par cette crainte. Mais comme une crainte filiale et non servile, elle ne les réduit pas ou ne les terrorise pas, elle les ouvre à quelque chose de nouveau : l’amour du Père qui vivifie.

Et nous ? Avons-nous en nous ce respect et cette crainte du Seigneur qui, tout en nous poussant à grandir et nous perfectionner, nous montre combien nous sommes petits et dépendants de Lui ? Sommes-nous prêts dans la confiance et l’obéissance à assumer cette petitesse et la miséricorde de Dieu ?

07 Jésus s’approcha, les toucha

Le contact de Jésus est souvent ce qui relève le malade ou le mort :
14 Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent, et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. »
15 Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. (Jn 7, 14-15)
Ou encore pour la fille de Jaïre :
54 Alors il lui saisit la main et dit d’une voix forte : « Mon enfant, éveille-toi ! » (Lc 8, 54)
Et de même pour l’épileptique :
26 Ayant poussé des cris et provoqué des convulsions, l’esprit sortit. L’enfant devint comme un cadavre, de sorte que tout le monde disait : « Il est mort. »
27 Mais Jésus, lui saisissant la main, le releva, et il se mit debout. (Mc 9, 26-27)
Les disciples font donc comme une expérience de mort et de Résurrection, et c’est la main de Jésus qui le remet debout, vivant.

Et nous ? Connaissons-nous nos petites morts quotidiennes à cause du péché, de la peur … et sommes-nous capables de reconnaître la main de Dieu qui nous touche et qui nous relève ?

et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! »

« Soyez sans crainte », « n’ayez pas peur », c’est une des paroles les plus habituelles ou fréquentes de Jésus à ses disciples. Il est venu nous arracher à la peur ; il est venu nous donner la foi et la confiance. Ainsi à l’appel des premiers disciples :
Jésus dit à Simon lors de son appel : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. » (Lc 5, 10)
Et après la résurrection :
09 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : « Je vous salue. » Elles s’approchèrent, lui saisirent les pieds et se prosternèrent devant lui.
10 Alors Jésus leur dit : « Soyez sans crainte (Mt 28, 9-10)
Quant au verbe utilisé pour « relevez-vous » il est le même que celui qui signifie « ressusciter », « relever des morts ». L’expérience que les disciples font est donc bien de cet ordre. Elle leur permettra aussi de se rappeler de ce qu’ils ont vécu et de ce qu’ils ont vu quand ils devront affronter le scandale de la mort de leur maître et accueillir le mystère de sa Résurrection.

Et nous ? Quelles sont nos peurs ? Comment notre foi pourrait-elle nous changer pour que nous soyons débarrassés d’elle ? La plupart du temps, ce sont des attachements désordonnés qui nous font prendre peur, peur de perdre… ou bien des manques de confiance qui nous font avoir peur, peur de ne pas savoir, de ne pas pouvoir, peur de l’avenir… Que nous faut-il convertir et abandonner à Dieu pour laisser derrière nous toutes ces peurs ?

08 Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul.

Le retour à la vie quotidienne peut sembler brutal ! N’est-ce pas l’expérience de Marie quand l’ange a fini de transmettre le message dont il est porteur :
38 Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta. (Lc 1, 38)
Mais s’il n’y a pas de transition entre le temps de la grâce (apparition, transfiguration) et le temps quotidien, c’est sans doute pour montrer que la grâce de Dieu est partie intégrante de notre vie et que notre vie est faite pour la grâce de Dieu. La distinction existe de notre point de vue, pas dans le cœur de Dieu !
Peut-être aussi sont-ils appelés à comprendre que Jésus, seul, suffit ?

Et nous ? Sommes-nous aptes à discerner la grâce de Dieu à l’œuvre dans nos vies ? Sommes-nous convaincus que Jésus seul suffit ?

09 En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

Nous voici une fois de plus confrontés au si étrange et mystérieux « secret messianique ». Quand l’homme voudrait que la gloire de Dieu soit manifestée et connue de tous, le Christ n’a de cesse de demander le silence ! Pourtant ici, le silence est clairement délimité : il faut se taire jusqu’à la Résurrection. Cela nous donne à comprendre que la résurrection jettera un jour nouveau qui fera comprendre la vérité de cette vision. La gloire du Christ n’est ni un « passe-passe » fait pour s’imposer ou pour effrayer les gens, ni le tout de la Parole et de la Bonne Nouvelle annoncée par le Seigneur. Elle est une réalité que Jésus a permis à trois de ses disciples d’entrapercevoir pour affermir leur foi et les préparer à la grande épreuve de sa passion. Mais plus que la puissance, la Bonne Nouvelle du Christ est sa compassion, sa miséricorde, son humilité, sa proximité, son amour pour chacun de nous. Proclamer trop vite la gloire serait risquer de dissimuler ou d’éviter la Croix. La gloire véritable vient de la mort (triomphe sur toute peur et tout intérêt personnel), autant que de la résurrection (victoire sur la mort et le péché).

Et nous ? Sommes-nous plus en quête du sensationnel ou du spectaculaire, ou bien plutôt de ce qui est vrai et bon, c’est à dire de ce qui est de Dieu ?
Est-ce que la Croix comme la Résurrection donne un sens à notre vie ?

En guise de conclusion :
voici que Jésus permet à trois de ces disciples, qui ont déjà la foi mais une foi parfois mal éduquée ou fragile, de faire l’expérience de divinité et la puissance de cette présence, de sa proximité avec le Père dans l’Esprit, et de l’amour que cela manifeste. Cette expérience les renforce, les éclaire et les prépare à affronter le scandale de la Croix, mais il ne trouvera pourtant tout son sens qu’à la lumière du mystère pascal.
Il est donc pour nous à la fois la confirmation de l’identité du Fils de Dieu, de sa puissance capable de nous sauver et du choix libre qu’il a fait de nous sauver par sa Passion. Il est aussi une invitation à ne pas nous fier à nos propres forces mais plutôt à nous conformer à la volonté de Dieu car, si difficile ou incompréhensible qu’elle puisse paraître, c’est elle qui mène à la véritable victoire.Notre Dieu est grand mais ce n’est pas par sa grandeur qu’il a voulu nous sauver, c’est par son humilité, suivons-le !