Évangile du 6 novembre

32e dimanche ordinaire, année C

Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 20, 27-38) 

 

27 Quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus 

28 et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. 

29 Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; 

30 de même le deuxième, 

31 puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. 

32 Finalement la femme mourut aussi. 

33 Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » 

34 Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. 

35 Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, 

36 car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. 

37 Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. 

38 Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. » 

 

 

 Lecture ligne à ligne 

 

27 Quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus 

Depuis le passage avec Zachée, Saint Luc nous a transportés à Jérusalem ou dans les alentours. Nous ne sommes plus dans la section pérégrine mais dans l’avant dernière partie de l’Evangile, le ministère à Jérusalem et la Passion, avant la résurrection qui clôt l’ouvrage. Ce chapitre est un chapitre de controverse, avec des questions pièges (Lc 20, 2), et la parabole très explicite des vignerons homicides qui met en cause les pharisiens et les chefs des prêtres (Lc 20, 9-18), et enfin avec la fameuse interrogation sur l’impôt à César (Lc 20, 21-26). Comme ni les pharisiens ni les chefs des prêtres n’arrivent à le piéger, ce sont maintenant les saducéens qui essaient. Les saducéens sont un autre courant du judaïsme de l’époque. Plus conservateurs encore que les pharisiens, ils ne reconnaissent pratiquement que le Pentateuque (les 5 premiers livres de la Bible qu’on appelle la Loi de Moïse) comme autorité véritable. Bien que souvent en désaccord avec les pharisiens, ils ne veulent pas davantage voir Jésus remettre en cause les équilibres établis. Si les pharisiens en étaient venus à la foi en la résurrection, une résurrection qui s’opérerait à la fin du temps avec la venue du messie, les saducéens qui ne regardent pas les développements des derniers livres prophétiques, comme par exemple le livre des Maccabées, refusent cette foi. C’est sur ce point qu’ils vont interroger Jésus. 

Et nous ? Nous qui venons de célébrer la Toussaint et la commémoration des fidèles défunts, quelle est notre foi dans la vie après la mort, le jugement personnel, le purgatoire, le paradis et l’enfer, le jugement dernier et l’éternité ? Quelle est notre espérance, quelles sont nos convictions quant aux fins dernières ?  

28 et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit :  

Voici une entame des plus explicites. Ils commencent par interroger Jésus comme un maître, ils lui reconnaissent une expertise, mais aussitôt ils invoquent Moïse. Ils agissent ainsi tels que nous les connaissons, se référant aux livres de Moïse. Ce faisant, ils montrent leur science et font plus que poser une question, ils affirment leur conviction pour obliger ou piéger Jésus. 

Et nous ? Lorsque nous nous approchons du Seigneur dans la prière, le faisons-nous en vérité et avec humilité ? N’avons-nous pas nous aussi tendance à vouloir marchander avec le Seigneur ? Peut-être essayons-nous plus d’obtenir ce que nous voulons du Seigneur que de comprendre et accueillir sa volonté dans nos vies.  

Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. 

Cette loi qui nous surprend toujours tant s’appelle “loi du lévirat”. On la trouve exprimée au livre du deutéronome :  

05 Lorsque des frères habitent ensemble, si l’un d’eux meurt sans avoir de fils, l’épouse du défunt ne pourra pas appartenir à quelqu’un d’étranger à la famille ; son beau-frère viendra vers elle et la prendra pour femme ; il accomplira ainsi envers elle son devoir de beau-frère. 

06 Le premier-né qu’elle mettra au monde perpétuera le nom du frère défunt ; ainsi, ce nom ne sera pas effacé d’Israël. (Dt 25, 5-6) 

Mais elle est déjà présente dans l’histoire de Juda, fils de Jacob dans la Genèse :  

06 Juda prit une femme pour Er, son premier-né. Elle s’appelait Tamar. 

07 Mais Er, le premier-né de Juda, déplut au Seigneur, et le Seigneur le fit mourir. 

08 Alors Juda dit à Onane : « Unis-toi à la femme de ton frère, pour remplir envers elle ton devoir de beau-frère : suscite une descendance à ton frère. » 

Cette loi s’explique si l’on considère, qu’à cette époque les mariages n’étaient pas des mariages d’amour, mais soit d’intérêt familial, soit de nécessité pour des questions d’héritages et de perpétuation de la race et de la tribu. Il s’agit en outre de répondre au premier de tous les commandements de Dieu aux hommes dans la Bible (dès le jour de leur création) :  

28 Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » (Gn 1, 28) 

Ainsi donner une descendance était le moyen d’obéir à ce premier commandement. Ne pas en donner à cause de stérilité ou de mort prématurée était donc considéré comme une malédiction. Donner une descendance à son frère était donc la charité ultime qui évitait que sa maison ne disparaisse et soit considérée comme maudite.  

Nous savons en outre que le peuple juif se considère comme la descendance d’Abraham. Il y a donc une importance considérable à pouvoir justifier de sa parenté (d’où les généalogies notamment dans l’Evangile : Mt 1, 1-17, ou Lc 3, 23-38) mais aussi à transmettre cette grâce et cette élection, d’où l’importance d’une descendance, évoquée par exemple par Elisabeth :  

Élisabeth conçut un enfant. Pendant cinq mois, elle garda le secret. Elle se disait : 

25 « Voilà ce que le Seigneur a fait pour moi, en ces jours où il a posé son regard pour effacer ce qui était ma honte devant les hommes. » (Lc 1, 25). 

Et nous ? Saurons-nous passer par-dessus le caractère désuet (heureusement !) de cette loi pour y voir ce qui doit rester : l’obéissance au commandement de Dieu, la valeur sacrée de la vie et l’amour fraternel qui perdure par delà la mort ? 

29 Or, il y avait sept frères :  

Nous avons déjà eu l’occasion de dire et de voir que les chiffres dans la Bible ne sont jamais anodins. Le chiffre sept représente la perfection et donc l’achèvement, la totalité. C’est pourquoi la Création est achevée en sept jours, La fête de pentecôte (juive) représentant à la fois le don de la Loi et l’offrande des prémices des moissons, se déroule sept fois sept jours après Pâques ; et de même la Pentecôte chrétienne qui célèbre le don de l’Esprit Saint après la Résurrection. 

Dire que les frères sont au nombre de sept, c’est placer d’emblée le problème comme concernant l’humanité entière. Cette famille est donc considérée comme le résumé de l’humanité. 

Et nous ? Saurons-nous à notre façon nous identifier à cette famille, y voir l’humanité en butte au drame de la mort et du deuil, mais aussi dans la solidarité et le désir de perpétuer, et le genre humain et les traditions et richesses liées à une culture, une civilisation ? 

le premier se maria et mourut sans enfant ; 

Voici le nœud du drame. Il est question de mariage, évoquant la joie, l’amour et les promesses d’avenir et aussitôt la mort et la mort sans enfant qui semble indiquer la fin de tout, brutale et définitive.  

Et Nous ? Quelle vision avons-nous de la vie ? Pouvons-nous faire vaincre notre joie, notre espérance et la valeur de toute vie ? Sommes-nous toujours dans la hantise de la mort, du drame ou de la tristesse ? Dans une société qui prétend donner une dignité à la mort en renonçant au caractère sacré de la vie, de la conception à la mort naturelle, comment trouvons-nous nos points de repères, nos points d’appui dans des situations parfois extrêmement complexes ? Saurons-nous accompagner sans juger et promouvoir toujours le choix de la vie ? 

30 de même le deuxième, 31 puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept :  

L’énumération, “le deuxième, puis le troisième” nous rappelle que le drame se joue avec des personnes bien concrètes, même s’il s’agit d’une histoire inventée. L’insistance “et ainsi tous les sept” nous oblige à aller au bout du raisonnement et à comprendre que tous sont concernés par la question posée. 

Et nous ? Sommes-nous conscients que ces questions de société ne concernent pas seulement les autres ? Nous pouvons être, et nous serons tous concernés d’une façon ou d’une autre par la question de la valeur de la vie même à la fin, même dans sa fragilité. Nous serons tous obligés de nous poser la question de ce que nous croyons vraiment quant à la vie après la mort, l’espérance chrétienne… Pouvons-nous essayer de nous donner quelques repères et quelques convictions avant d’être dans une situation de crise ? Et si nous sommes incapables de savoir comment nous réagirons alors, du moins pouvons-nous prier le Seigner de nous donner ses lumières, sa force et sa droiture ! 

ils moururent sans laisser d’enfants. 

La répétition de cette formule lapidaire, ici au pluriel pour embrasser l’humanité entière, nous redit l’enjeu du débat : il s’agit de la vie et de la mort, il s’agit de transmission de la vie et de la grâce, il s’agit aussi du drame de la vie de tout homme qui va nécessairement vers sa mort. Peut-être aussi percevons-nous comme une interrogation : la vie d’un homme ne vaut-elle que par ce qu’elle laisse derrière elle ? 

Et nous ? Que répondrions nous à cette question ? Avons-nous assez de foi pour dire que la valeur d’une vie tient à Celui qui l’a créée, à celui qui par amour, l’a faite à son image et pour nous chrétiens à l’amour de Celui qui nous a faits ses fils par le baptême ? Pouvons-nous concevoir que même la vie la plus ténue, la plus abimée pas les accidents de la vie, la plus inutile en apparence, reste le plus merveilleux don de l’amour de Dieu à protéger et accompagner autant qu’il est possible et jusqu’à sa fin naturelle ? 

32 Finalement la femme mourut aussi. 

Décidément, cette histoire qui devait nous parler de résurrection et donc de vie parle beaucoup de mort… Nous savons ainsi comment les auteurs de l’histoire et de la question orientent le débat ! Mais nous laisserons-nous entrainer ? 

Et nous ? Notre façon de voir, légitime ou polémique, nous permet-elle malgré tout d’ouvrir loyalement le débat ? Voulons-nous imposer nos convictions ou approfondir notre compréhension de la réalité ? Sommes-nous là pour vaincre ou pour accompagner, soulager et aider dans les situations de crise ceux qui en ont le plus besoin ? Accueillir une révélation et avoir des convictions obligent-il forcément à être partisans et bornés ?

33 Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? » 

Voici la question. C’est une fausse question. C’est en fait l’affirmation d’une conviction sous forme d’un problème insoluble pour obliger l’interlocuteur à reconnaître que son avis est illogique ou inconséquent. Il ne s’agit ni de convaincre, ni d’éclairer ou d’accompagner, mais bien de vaincre et de détruire la position adverse. Ce n’est pas un débat ou une recherche de vérité mais une joute et une tentative de s’imposer à l’autre.  

Et nous ? Utilisons-nous parfois de tels procédés ? Voulons-nous nous imposer ou manipuler les autres (c’est parfois si facile… !) ? Cherchons-nous vraiment dans toutes nos discussions à comprendre et respecter notre interlocuteur, à le faire grandir plutôt qu’à le soumettre ? Pensons-nous que la fin justifie les moyens même dans la discussion ? Nous croyons-nous détenteurs de la vérité plutôt que ses serviteurs ? 

34 Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. 

Observez la réponse du Seigneur. Lui il va parler de la vie et non de la mort. Il parle d’enfants, il parle de femmes et de maris. Il n’est pas question de mort. Mais pour construire sa réponse il introduit une distinction en parlant des enfants “de ce monde”. La question mélangeait ou identifiait les hommes durant leur vie terrestre et les ressuscités, comme si la résurrection n’était finalement que le recommencement de ce qui s’est passé avant, une seconde chance équivalente ou égale à la première. La précision de Jésus sur les “enfants de ce monde” laisse entendre qu’il y en a d’autres ou en tout cas qu’il y a un autre monde et que dès lors les choses sont différentes. La distinction évite la confusion et la clarté permet de trouver une solution. 

Et nous ? Prenons-nous le temps de la réflexion, de la distinction des éléments pour une compréhension de la situation et une solution ajustée à tout et à tous. La question de l’avortement n’est-elle pas une confusion entre les difficultés bien réelles que peuvent connaître les parents et l’enjeu d’une vie qui n’est pas celle des parents ? La question de l’euthanasie n’est-elle pas confusion entre la question de l’utilité d’une vie ou de l’image que l’on se fait de cette vie, de soi-même ou du regard des autres, et la dignité et la valeur de cette vie ? Et on pourrait ainsi multiplier les exemples : parlerons-nous de “handicapés” comme si toute la vie de cette personne se résumait à son handicap ou de “personne porteuse de handicap” pour bien faire la distinction entre la personne et sa difficulté ? Parlerons-nous de “pécheurs” ou de “frères ayant commis un péché” ? … Saurons-nous sérier et distinguer les problèmes pour éviter toute confusion qui mène trop souvent à des condamnations ? 

35 Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts 

Voici l’autre élément que Jésus distingue du premier : “le monde à venir”. Il n’est toujours pas question de mort si ce n’est pour évoquer la “résurrection d’entre les morts”. Autrement dit, le Seigneur compare, non entre la vie et la mort, mais entre les vivants de ce monde et les vivants du monde à venir. Notons encore qu’il ne s’agit pas d’un drame mais d’une élection, “ils ont été jugés dignes”. Tandis que les saducéens se confrontent à la mort qui est inéluctable et reste pour nous mystérieuse, Jésus nous introduit dans une vie qui triomphe, objet de promesse et de victoire du Sauveur. Bien sûr pour le croyant qui sait que Jésus est ressuscité des morts, cette distinction prend encore une ampleur supérieure. 

Et nous ? Nous laissons-nous parfois piéger à ne considérer la vie que dans sa dimension terrestre, charnelle et temporelle ? Sommes-nous capables de regarder le projet de Dieu dans sa globalité en incluant donc la part la plus importante de notre vie dans la réflexion : la vie éternelle ? 

ne prennent ni femme ni mari, 36 car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, 

Voici une nouvelle étape franchie par le Seigneur. Il met en lien direct le fait de prendre mari ou femme et le fait de mourir. Il ne parle toujours pas de la mort mais de la victoire définitive sur celle-ci “ils ne peuvent plus mourir”. L’institution du mariage est alors conçue en lien direct avec la mortalité. Nous ne devons pas en être étonnés nous qui connaissons l’expressions “jusqu’à ce que la mort nous sépare”, et mieux encore les formules d’échanges de consentement des époux le jour de leur mariage : “ pour t’aimer fidèlement tous les jours de notre vie”. 

Cela signifie que le mariage est une institution liée à la vie de “ce monde”. Elle est à la fois celle qui permet de perpétuer la race à travers la fondation d’une famille et de transmettre une culture et un héritage, pour les juifs le fait même de faire partie du peuple élu, par une filiation claire et connue de tous.  

Pour nous chrétiens, le mariage est aussi une vocation dont le but est résumé dans cette formule bien connue : “la sanctification mutuelle des époux”. Autrement dit, le but premier du mariage est précisément la mise en commun des efforts et des services rendus pour que les époux de ce monde soient tous les deux “jugés dignes d’avoir part au monde à venir”. Il n’est donc pas difficile de comprendre que, lorsque le but premier est atteint, le mariage lui-même est accompli et donc qu’il n’est plus nécessaire ni utile. Ainsi le mariage a été le meilleur moyen pour ces personnes d’atteindre le monde à venir, mais dans ce monde-là, il n’est plus question de mariage puisque le but de celui-ci est atteint. 

Quant à être comme les anges, cela vaut pour le sujet en cours : le chemin vers la vie éternelle et le fait de ne plus pouvoir mourir. Cela ne signifie pas que nous serons en tout semblables aux anges. L’homme reste un homme, l’ange est un ange. La différence la plus nette est évidemment le fait que l’homme, s’il a une âme spirituelle a aussi un corps, alors que les anges sont de purs esprits. Quand on parle de résurrection, on parle de corps, donc de ce que les anges n’ont pas mais que nous aurons éternellement. Que seront ces corps ressuscités nous n’en savons presque rien, mais cela ne doit pas nous amener à penser que n’en aurons pas ou qu’ils ne sont pas importants. 

Et nous ? Avons-nous conscience de la haute importance et de l’extrême dignité du mariage pour notre monde ? Comprenons-nous bien que le monde à venir est très différent de celui-ci ? Cela explique pourquoi ce qui est si important ici-bas peut disparaître dans l’autre.  

Sommes-nous aussi conscients que nos corps sont une part indéfectible de nous-même ? Comment lui montrons-nous égards et respects ? En prenons-nous soin ? 

ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. 

“enfants” de Dieu, “enfants” de la résurrection, que signifie “enfants de”…? Cela signifie que l’on est de la même race, de la même nature. Mais pour Dieu il n’y a pas de race, pas même de multiplicité : un seul Dieu, infini, tout puissant et éternel. Etre enfants de Dieu signifie donc partager la même vie unique, infinie et éternelle qui est la vie de Dieu même. Ainsi, ceux qui ont été jugés dignes du monde à venir ne se contentent pas seulement d’être invités à vivre aux cotés de Dieu mais à vivre de la même vie que Lui, ne faisant qu’un avec Lui. Ainsi, de même que les trois personnes divines ne font qu’un seul Dieu, de la même manière, les sauvés, qui sont des créatures ne feront qu’un avec leur Dieu et créateur. Ils ne seront pas Dieu comme s’il y en avait plusieurs, ils ne seront pas Dieu comme s’il y avait de nouvelles personnes en Dieu, mais ils seront divins car ils vivront de l’unique vie éternelle des trois personnes divines. 

Mais que signifie alors “enfants de la Résurrection” ? Il faut pour le comprendre entendre ce que Jésus a dit à Marthe avant de lui rendre son frère Lazare mort depuis quatre jours :  

« Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra” (Jn 11, 25) 

Il ne dit pas « “j’ai pouvoir sur la résurrection” ou “je décide de la Résurrection”. Mais “je suis la Résurrection”. Ainsi c’est un nom du Christ car lorsqu’il est auprès de quelqu’un, celui-ci, même s’il meurt, vivra. La résurrection n’est pas une œuvre du Christ mais c’est ce qu’il est : la puissance de vie qui arrache à la mort, sur qui la mort n’a aucun pouvoir, Le Seigneur est source de vie même pour les morts, il est résurrection. De la même manière que les créatures deviennent divines parce qu’elles partagent la vie divine, de même les mortels deviennent fils de résurrection car ils partagent la vie de Celui qui est la résurrection. 

Si nous devons chercher encore une comparaison, nous écoutons la Sainte Vierge à Lourdes qui dit à Bernadette “je suis l’immaculée conception”. Le curé qui entend pense “c’est impossible”, il faudrait dire “j’ai reçu la grâce de l’immaculée conception”, ou encore “j’ai été conçue immaculée”. Et il nous a fallu du temps et les lumières des théologiens pour comprendre que la Vierge est l’immaculée conception car elle ne se contente pas de recevoir cela comme quelque chose d’extérieur qui lui serait ajouté, mais elle vit ainsi sans aucun péché, sans aucune faute et comme modèle désormais de ceux qui sont préservés du péché, non par leur conception (elle est la seule) mais par la grâce de la rédemption, ceux qui ont été jugés dignes, les fils de Dieu. 

Et nous ? Aspirons-nous à devenir des fils de Dieu, des fils de résurrection ? Sommes-nous prêts à tout pour être jugés dignes d’avoir part au monde à venir ? Et comment pourrions-nous nous en montrer dignes, si ce n’est en laissant le Seigneur régner sur nos vies, en accueillant sa grâce jour après jour ? Il nous faut laisser la vie divine, l’Esprit que nous avons reçu au baptême et en plénitude à la confirmation prendre toute la place en nos cœurs. Pour cela le Seigneur nous a donné quelques moyens : la prière qui nous rend intime avec Dieu, l’Eglise qui fait de nous des membres de son corps, la Parole qui nous enseigne sa vie, les sacrements qui renforcent la grâce en nous et le service des frères qui nous permet de découvrir Dieu présent en chacun d’eux. 

37 Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent,  

Maintenant qu’Il a parlé de la vie, Le Christ parle des morts mais surtout de la résurrection. Et pour cela il reprend ce que ses opposants ont utilisé : la loi de Moïse. Il y a des textes bien plus clairs dans les livres prophétiques par exemple :  

14 Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. » (2 M 7, 14) 

Ou encore 

C’était un fort beau geste, plein de délicatesse, inspiré par la pensée de la résurrection. 

44 Car, s’il n’avait pas espéré que ceux qui avaient succombé ressusciteraient, la prière pour les morts était superflue et absurde. 

45 Mais il jugeait qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui meurent avec piété : 

46 c’était là une pensée religieuse et sainte. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice d’expiation, afin que les morts soient délivrés de leurs péchés. (2M 12, 43-46) 

Mais les saducéens n’auraient pas accueilli de tels arguments. Jésus prend donc les textes qu’ils écouteront et même un des textes les plus fondamentaux car c’est celui où Dieu révèle son nom. 

Et nous ? Savons-nous comprendre ceux avec qui nous parlons pour nous adapter à eux ? Lorsque nous annonçons l’Evangile, cherchons-nous à imposer nos vues ou bien essayons-nous de les comprendre, de nous approcher d’eux et ainsi de les faire grandir sans les forcer ou les violenter ?  

quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. 38 Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. 

La réponse de Jésus peut nos surprendre et nous sembler sans rapport avec la question. En quoi l’appellation de Dieu “Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob” prouve-t-elle la Résurrection ?  

En premier lieu, nous voyons que Dieu est simultanément le Dieu des différentes générations. Cela montre que chacun est vivant de la même façon pour lui, et cela malgré leurs différentes générations. Ainsi donne-t-il la vie à tous, même aux morts. Cet argument est de peu de valeur 

Mais il en est un autre, plus fondamental : lorsque Dieu apparaît dans le buisson ardent il donne son nom : 

13 Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » 

14 Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS”. » 

15 Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en âge. (Ex 3, 13-15) 

Il y a deux noms : “Je suis”, verbe au présent qui signifie l’éternité, la continuité : ni passé qui marque ce qui est dépassé, ni futur qui dit parle de ce qui n’est pas encore, mais le présent qui reste toujours présent, éternel ; et l’autre nom est “le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob”. C’est le nom de l’Eternel. Le nom traduit ce qu’est celui qui le porte. Aucun nom ne peut définir Dieu qui surpasse tout mais il le décrit. Décrire Dieu ainsi si l’on ne croit pas à la résurrection signifie que nous pensons Dieu comme le Dieu des morts… Ce nom pour décrire celui qui est toujours vivant, si ceux à qui il se lie sont tous morts, serait une absurdité, et qui pense que Dieu est absurde ? Et qui pourrait croire que Dieu ne peut trouver un nom qui le décrive au mieux. Le Dieu éternel qui est le Dieu d’Abraham, a donné la vie à Abraham pour toujours de sorte qu’il est pour toujours le Dieu d’Abraham, et ainsi pour Isaac et pour Jacob et pour tous les justes, ceux qui ont été jugés dignes… 

En résumé, si le Dieu éternel se dit le Dieu d’Abraham, c’est qu’il est éternellement le Dieu d’Abraham, mais cela ne se peut si celui-ci est mort, disparu à jamais. Pour que Dieu soit éternellement le Dieu d’Abraham, il faut qu’Abraham soit vivant pour toujours. Cela nous renvoie bien à ce que nous avons expliqué sur les “fils de la résurrection”. D’où la conclusion “il n’est pas le Dieu des morts”… 

Et nous ? Quelle image nous faisons-nous de notre Dieu ? Prenons-nous au sérieux notre foi en la résurrection de la chair que nous affirmons quand nous disons le Credo ? 

De telles subtilités sur l’interprétation des textes nous dépassent sans doute un peu, nous n’aurions pu trouver cela tout seuls ! Mais est-ce pour autant une fausse interprétation ? Ne vaut-il pas mieux laisser les plus savants trouver une juste interprétation qui nous dépasse plutôt que de renoncer à comprendre ou d’en rester à de faux-semblants ? Et pour progresser, sommes-nous prêts à nous former, à chercher, à nous laisser guider par nos frères ainés, les saints, authentiques interprètes de la Parole ? 

Tous, en effet, vivent pour lui. » 

Voilà qui confirme définitivement les explications sur la vie éternelle, vie de Dieu en nous par le Salut, et sur la résurrection, explications données plus haut. C’est bien le regard d’amour, la grâce pure de ce Dieu éternel et arrachant tous ceux qui l’approchent aux griffes de la mort, qui est la source de la vie des sauvés, des ressuscités. Pour Lui la mort n’existe pas, ou plutôt elle n’est qu’un passage du temps vers l’éternité. Ainsi tous vivent pour Lui. 

Mais il faut ajouter ceci : Dieu ne nous a pas créés pour la mort, Il nous a créés pour l’amour. Il nous a créés à son image, capables d’aimer, et il nous a recréés comme des fils pleins d’amour pour leur Père. Notre raison d’être est donc de recevoir l’amour de Dieu et d’y répondre par notre amour. Ainsi, quand le péché est vaincu en nous, nous vivons pour l’aimer, tous nous vivons pour Lui. 

Et nous ? Sommes-nous conscients que notre vie, notre éternité, dépend entièrement de Lui et de sa bonté ? Sommes-nous prêts à l’accepter ? Mieux encore, sommes-nous heureux et fiers de dépendre de Dieu, de tout devoir à un tel Père ? 

 

En guise de conclusion :
Les saducéens sont venus pour provoquer Jésus. Sûrs de leur fait, ils prétendent parler de Résurrection et interroger le maitre, mais ne font qu’affirmer leurs théories sur les morts. Jésus ne rentre pas dans leur jeu, il ne parle pas de mort mais de vie, il distingue les vivants de ce monde et les vivants de l’autre, toujours des vivants…
 

Puis, en s’adaptant à ce qu’ils sont et croient, il leur montre leur erreur. Les évangiles parallèles de saint Matthieu et saint Marc dénoncent ses erreurs :  

29 Jésus leur répondit : « Vous vous égarez, en méconnaissant les Écritures et la puissance de Dieu. (Mt 22, 29) 

Ou encore 

24 Jésus leur dit : « N’êtes-vous pas en train de vous égarer, en méconnaissant les Écritures et la puissance de Dieu ? 

25 Lorsqu’on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans les cieux. 

26 Et sur le fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, au récit du buisson ardent, comment Dieu lui a dit : Moi, je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ? 

27 Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous vous égarez complètement. » (Mc 12, 24-27) 

Mais pas saint Luc, qui, plus miséricordieux, se contente de dire la vérité sans souligner l’erreur des autres. 

Mais la foi qui ressort de cette réponse est toujours la même : le Seigneur est éternel, et par amour Il introduit dans son éternité les hommes qu’Il aime et qui L’aiment. Il est lui-même la source de la vie et Il arrache par sa simple présence, par son être même, aux griffes de la mort. Ainsi “résurrection” est-il un autre nom pour notre Dieu, et croire en Dieu signifie croire en la résurrection. 

Nous voyons ainsi pourquoi et comment notre foi et notre espérance se rejoignent dans un même amour qui vient de Dieu et qui nous ramène à Lui.