Avant tout je vous propose un temps de prière autour du texte d’évangile, selon la méthode dites de la « lectio divina » (lecture divine, lecture de la Parole divine) en groupe (la famille ou personnellement) la méthode est juste ci-dessous.
Ensuite je reprends le texte et vous invite à une méditation partie par partie. Cela devrait vous aider à mieux comprendre le texte et à mieux l’assimiler mais rien ne vaut le temps de prière initial.
Bonne réflexion et prions les uns pour les autres !
Père Christohpe
LECTIO DIVINA : LA METODE
1- lire silencieusement le texte évangélique pour une meilleure compréhension
2- lire à haute voix (une personne) sans lenteur ni précipitation
Silence pour intérioriser (3 minutes)
Expression libre : chacun est invité à dire le groupe de mots du texte qui lui parle, le touche ; les autres écoutent et accueillent sans questions ni commentaires
3- Relire le texte à haute voix (une autre personne)
Silence pour intérioriser (5 minutes) : qu’est-ce qui me parle aujourd’hui ; comment cela touche-t-il ma vie ?
Expression brève pour ceux qui le souhaitent
4- relire le texte à haute voix (une troisième personne)
Silence pour intérioriser (5minutes) : Quelle prière monte en moi ?
Expression libre et brève d’une prière
Terminer par un Notre Père en commun
Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 10, 1-9)
01 En ce temps-là, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.
02 Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
03 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
04 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.
05 Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.”
06 S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
07 Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
08 Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté.
09 Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.”
Lecture ligne à ligne
Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 10, 1-9)
01 En ce temps-là, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore soixante-douze,
Voilà une manière de faire du Seigneur : il a autour de lui des groupes de plus en plus larges. Il y a tout d’abord les trois les plus intimes, ceux qui ont participé avec lui aux moments les plus cruciaux : Pierre, Jacques et Jean. Ils sont là lors de la résurrection de la fille de Jaïre, le chef de la synagogue, lorsque Jésus manifeste que pour lui la mort n’est qu’un sommeil (« l’enfant n’est pas morte, elle dort ») :
51 En arrivant à la maison, il ne laissa personne entrer avec lui, sauf Pierre, Jean et Jacques, ainsi que le père de l’enfant et sa mère. (Lc 8, 51)
Ils sont là : à la transfiguration, lorsque la divinité du Christ rayonne à travers son humanité :
28 Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. (Lc 9, 28).
Ils sont là pour la prière au jardin de Gethsémani lors de l’agonie, lorsque son humanité éprouve l’angoisse de celui qui va mourir mais reste fidèle par la prière à la volonté du Père (« non pas ce que je veux mais ce que tu veux ») :
37 Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse (Lc, 26, 37).
Il y a ensuite le groupe des douze dont il nous est dit :
12 En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu.
13 Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres (Lc 6, 12-13)
Le mot « apôtre » signifie « envoyé », par opposition aux disciples qui eux, sont « enseignés » ou « élèves » et donc avec le maître. Nous apprenons par ces versets que c’est en communion avec son Père que Jésus les choisit, qu’Il les appelle, ce n’est pas eux qui ont choisi. Leur liberté est dans leur réponse, et enfin ceux-là seront envoyés en mission.
On trouve ailleurs à leur sujet :
13 Puis, il gravit la montagne, et il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui,
14 et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle (Mc 3, 13-14)
L’Evangile de Saint Marc nous donne donc les mêmes caractéristiques mais ajoute « pour qu’ils soient avec Lui ». Ainsi nous découvrons qu’ils vont vivre une grande intimité avec Lui pour découvrir et pouvoir transmettre à leur tour la Bonne Nouvelle.
Nous voyons maintenant les soixante-douze. Ils sont envoyés eux aussi mais seulement pour préparer la venue du Christ. Sans doute sont-ils plus proches de Jésus que les foules de disciples qui suivent un peu passivement ou sans vrai engagement, mais s’ils doivent annoncer le Christ et sa venue, ils ne sont pas « avec Lui » et n’annoncent pas la Bonne Nouvelle comme telle. Ils se contentent de préparer la venue de Celui qui annoncera celle-ci.
Au-delà de ces soixante-douze, il y la foule des disciples mais aussi des curieux et des personnes intéressées par la sagesse mais aussi par les espoirs politiques (le messie devait être le libérateur) ou simplement par le pain (cf la multiplication des pains).
Ainsi Jésus est-il entouré par les plus intimes comme par les plus éloignés, et par ses appels, il structure lui-même cette assemblée hétéroclite. Cela nous donne un premier aperçu de l’Eglise : elle est centrée sur le Christ, elle est constituée par l’appel qu’il lance à tous et à chacun, elle se compose de toutes sortes de vocations en fonction de ces appels venus de Dieu. Elle existe pour être avec Jésus mais aussi pour annoncer la Bonne Nouvelle et pour préparer sa venue…
Et nous ? Où et comment nous situons-nous dans cette Eglise ? Quel est notre appel ? Comment participons-nous à l’annonce de la Bonne Nouvelle ? Comment préparons-nous nos frères à la venue du Sauveur dans leur vie ?
et il les envoya deux par deux
C’est aussi le cas quand il envoie les apôtres pour la première fois :
07 Il appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. (Mc 6, 7)
Ainsi la mission ne se vit elle pas seule mais dans la communion fraternelle. C’est que cette communion est la marque même des disciples du Christ :
35 À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35)
C’est aussi un signe de la présence et de l’Amour de Dieu lui-même :
21 Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie (Jn 17, 21)
Et nous ? Avec qui annonçons-nous la Bonne Nouvelle ? Avec qui sommes-nous en communion pour que le monde croie ? Quel amour vivons-nous qui aide le Seigneur à se révéler aux hommes et qui aident les hommes à découvrir le Dieu d’Amour à travers nous ?
en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.
Voici qui continue de préciser la mission de l’Eglise : elle n’est pas le Christ mais elle l’annonce. Elle n’est pas le Christ mais elle va partout où il va. L’important n’est pas qu’elle soit reçue mais que lui le soit. Nous nous rappelons que quelque lignes précédemment, un village de Samaritains n’a pas voulu recevoir le Christ car il allait vers Jérusalem (cf LC 9, 53). Cela a provoqué la colère de Saint Jacques et de Saint Jean qui voulaient se venger par le feu du ciel, mais pas celle de Jésus qui est miséricordieux. La tâche est donc de préparer la venue du Seigneur en respectant la liberté de chacun à y répondre positivement ou pas. L’Eglise n’est pas le Christ mais elle lui est si intimement liée qu’elle ne doit rien faire sans lui ou autrement que Lui. L’Eglise n’est pas le Christ mais le Christ est l’Eglise. Elle n’est que son Corps mais Lui est tout entier en elle. Ainsi nous devons nous rappeler, nous qui sommes de l’Eglise, que nous ne possédons ni la vie, ni la vérité, ni le Salut qui n’appartiennent qu’au Christ, mais nous sommes membres de son Corps, nous devons donc permettre à ceux que nous rencontrons de recevoir la vérité, la vie, le Salut, le Christ.
Et puis, nous qui sommes pécheurs et ignorants, nous devons savoir que c’est par l’Eglise que nous rencontrerons le Christ et l’Esprit qui nous feront connaître tout ce qui est nécessaire.
Et nous ? En tant que baptisés, confirmés, comment préparons-nous, annonçons-nous la venue du Seigneur ?
En tant que pécheurs et pauvres créatures, comment accueillons-nous, par l’Eglise, la grâce et les moyens du Salut que Dieu nous donne en Jésus Christ ?
02 Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.
Pour bien comprendre cette phrase, sans doute pouvons-nous nous appuyer sur une parabole, ou plutôt sur l’explication de la parabole de l’ivraie :
la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.
40 De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.
41 Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ;
42 ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.
43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (Mt 13, 39-43)
La moisson est donc ce moment où Dieu récolte dans le monde les justes pour les faire resplendir, tout en extrayant le mal et les mauvais pour les en débarrasser.
Bien sûr, la parabole parle de la fin du monde, mais avec Jésus, nous sommes entrés dans les derniers temps. Dès aujourd’hui, le Seigneur ramasse dans le monde ce qui est bon et juste, le débarrasse de ce qui est encore mauvais en lui, pour le faire resplendir dans le Royaume.
Bien sûr la parabole parle des anges, mais ici-bas et en attendant le retour du Christ, les anges, c’est-à-dire les messagers, sont tous les disciples qui, deux par deux, vont préparer la venue du Seigneur.
Bien sûr, 72 personnes qui partent deux par deux, soit trente-six équipes pour visiter des villages sur le chemin du Christ, cela peut sembler beaucoup, mais quand il s’agit « d’aller dans le monde entier » comme l’ordonne Jésus à la fin de son séjour terrestre (Cf. Mt 28, 19), alors il faut des ouvriers nombreux.
Et nous ? Sommes-nous une moisson pour le Christ ? Et serons-nous aussi parmi les ouvriers, jamais assez nombreux mais toujours bien utilisés par le Seigneur ? Saurons-nous récolter pour Dieu le meilleur dans le cœur de nos frères ?
Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Voici encore un nouvel élément : la mission de l’Eglise n’est pas d’abord de faire, mais de prier. Car dans le fond c’est toujours Dieu qui fait et nous devons demander à Dieu de faire lui-même ce que nous devons faire pour Lui car :
En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15, 5)
La mission de l’Eglise n’est pas de faire mais d’obtenir de Dieu qu’Il fasse et de faire pour lui et avec Lui. Ainsi, bien que nous soyons prêts nous -mêmes à être des ouvriers, nous prions le Seigneur d’envoyer des ouvriers. Peut-être sa réponse sera-t-elle de nous envoyer parmi d’autres, peut-être sollicitera-t-il d’autres sans que nous ne voyions l’utilité de ce que nous faisons ou ne comprenions comment Il fait de nous ses ouvriers. L’important n’est pas là, mais seulement que la volonté de Dieu se fasse. Pour cela, notre prière montre le désir de l’humanité (le nôtre, mais à travers nous de toute l’humanité) d’être ainsi sauvée.
Et nous ? Le Seigneur nous enseigne ici l’abandon, le désintéressement, l’espérance et la confiance, y sommes-nous prêts ?
03 Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Il s’agit bien d’un envoi : allez !
Ce sera aussi la dernière consigne du Seigneur avant son ascension, dernière parole terrestre, ultime commandement et envoi :
19 Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
20 apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. (Mt 28, 19-20)
Là encore, si le Seigneur nous envoie, Il rappelle qu’Il est avec nous : autrement dit, notre action sera d’abord son action.
Il nous envoie comme des agneaux au milieu des loups, ce qui peut sembler effrayant et aussi peu efficace, voué à l’échec. Si nous étions seuls, ce serait sans doute le cas mais Il l’a promis :
je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. (Mt 28, 19-20)
Si nous ne sommes pas seuls, alors nous prenons au sérieux la promesse faite à st Paul et l’assurance de celui-ci :
« Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. (2 co 12, 9)
Plus de peur, ni de doute sur la méthode, d’autant que le Christ dit aux agneaux que nous sommes :
11 Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis.
et
14 Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent (Jn 10, 11 et 14)
04 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales,
Il s’agit ici de pauvreté : Dieu seul suffit !
Comment essayons-nous de vivre la pauvreté, ou au moins la simplicité, la frugalité ? Avons-nous un peu de maitrise de nous-mêmes ?
et ne saluez personne en chemin.
Il ne faut pas voir là impolitesse ou indifférence. Il faut plutôt comprendre que nous avons un but, une mission de laquelle nous ne devons pas nous laisser détourner. Saluer en chemin : c’est nous éparpiller, nous laisser distraire et ne pas faire ce chemin, et ne pas aller là où le Seigneur nous envoie. Le but n’est pas de saluer mais d’annoncer le Salut !
Et nous ? Comment nous laissons-nous distraire pas les mondanités ? Pouvons nous faire un examen de conscience et de vie pour nous rappeler ce qui est essentiel et central, et pour écarter ce qui est inutile, voire nuisible à notre mission ?
05 Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.”
Cette consigne que Le Seigneur donne à ses disciples, Il l’applique lui-même au pied de la lettre. C’est ce que nous voyons lors de sa Résurrection :
19 Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » (Jn 20, 19)
N’allons pas croire que nous soyons hors sujet, car la parole suivante du Christ ressuscité montre bien que le don de la paix est encore associé à l’envoi des disciples :
20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » (Jn 20, 20-21)
Le Cénacle est donc la première maison où Jésus ressuscité est envoyé par son Père pour annoncer la Bonne Nouvelle de sa Résurrection. Il y trouve les disciples à qui il offre sa Paix.
Et nous ? Sommes-nous suffisamment dans la paix du Christ pour pouvoir la répandre sur ceux que nous rencontrons ? Avons-nous en nous cette Paix pour pouvoir l’offrir à ceux vers qui nous sommes envoyés ?
Et si le Cénacle est la figure de l’Eglise, saurons-nous recevoir cette paix que Dieu répand par le Christ ?
06 S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
On peut, peut-être s’étonner de cette personnification de la paix qui semble à la fois autonome, dynamique et perspicace pour aller vers les personnes, discerner le fond des cœurs et choisir de rester ou de revenir… Mais la encore, le texte de Saint Jean va nous éclairer :
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. (Jn 20, 22)
La paix dont parle le Christ ressuscité c’est le don de l’Esprit Saint. Comment nous en étonner puisque Saint Paul nous a enseigné ceci :
Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité,
23 douceur et maîtrise de soi. (Ga 5, 22-23)
La paix est l’un des principaux fruits de l’Esprit, c’est-à-dire une des principales manifestations de la présence active de l’Esprit. Qui mieux que l’Esprit peut être répandu sur les croyants, qui sera plus dynamique et autonome ? Qui mieux que l’Esprit pourra juger le fonds des cœurs et choisir de rester ou de revenir ?
Ce que les apôtres doivent offrir, c’est donc l’Esprit Saint, sans crainte de le « gâcher » ou de le « dilapider » bref de le donner à mauvais escient car l’Esprit sait bien par lui-même vers qui il veut aller.
Pour aller au bout de la comparaison, notons que dans l’Evangile de Jean, Thomas ne reçoit pas la parole « la paix soit avec toi » lui qui ne croit pas s’entend dire :
Cesse d’être incrédule, sois croyant. (Jn 20, 27)
Mais la foi est un autre fruit de l’Esprit. Non seulement, le Christ offre l’Esprit à tous, mais encore cet Esprit accomplit en nous l’œuvre dont nous avons besoin : la paix, la foi…
Et nous ? Quelle œuvre de l’Esprit laissons-nous s’accomplir en nous ? Savons-nous reconnaitre l’Esprit à ses fruits ? Saurons-nous ainsi être dociles et reconnaissants de tous les dons que Dieu nous fait chaque jour de notre vie ?
07 Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire.
Nous ne continuerons pas le parallèle en voyant que Jésus a mangé avec ces disciples au soir de la Résurrection. Attardons-nous plutôt à la fin : « l’ouvrier mérite son salaire ». Jésus vient de parler de « moisson abondante » et « d’ouvriers peu nombreux ». Les ouvriers en question sont bien ceux qui annoncent la Bonne Nouvelle et offrent l’Esprit Saint. Il s’agit des apôtres.
Maintenant cherchons une histoire de salaire dans l’Evangile… Sans doute arriverons-nous assez vite à la parabole dite des ouvriers de la onzième heure, même si les traductions modernes n’utilisent plus cette expression :
01 « En effet, le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
02 Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne.
03 Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire.
04 Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.”
05 Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
06 Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?”
07 Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.”
08 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.”
09 Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier.
10 Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier.
11 En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
12 “Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !”
13 Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ?
14 Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi :
15 n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?”
16 C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » (Mt 20, 1-16)
Ce que nous apprenons ici sur le salaire tient en quelques phrases :
- Le maitre et les ouvriers sont d’accord sur le salaire.
- Le maître promet ce qui est juste.
- Le maître ne regarde pas à son avantage mais au besoin des ouvriers.
- Le Salaire ne dépend pas tant du nombre d’heures de travail que de la volonté de travailler et des besoins de chacun.
- Le salaire n’est estimé juste que par ceux qui ne sont pas âpres au gain, il faut un certain sens de la pauvreté pour que le salaire suffise et semble juste.
- Seule la confiance dans la bonté du maître permet d’accueillir le salaire avec joie.
- Le plus important n’est pas de travailler pour son salaire, même s’il est mérité, mais de travailler à la vigne et donc pour le bien de celle-ci. La vraie joie vient non du salaire ou de la fortune mais du travail accompli et bien fait.
Ainsi le Seigneur dit aux disciples qu’ils ne doivent pas s’inquiéter car il pourvoira lui-même à leurs besoins, qu’ils doivent accepter d’avoir parfois beaucoup et parfois peu, sans que cela ne soit en lien avec le travail accompli car la récompense est dans l’avancée du Royaume et non dans la richesse des apôtres…
Et nous ? Quel est notre rapport à l’argent, à la récompense, à la valorisation ou au succès de ce que nous faisons ? Sommes-nous vraiment des serviteurs du Christ et de son Royaume, ou bien cherchons-nous notre propre intérêt ? Avons-nous suffisamment confiance en Dieu pour ne pas nous soucier de nos conditions matérielles ? Notre joie et notre récompense sont-elles dans l’accompagnement de nos frères sur le chemin de la sainteté ?
Ne passez pas de maison en maison.
Pour nous, prêtres de paroisse, cette consigne est toujours impressionnante car nous allons de maison en maison, quand nous sommes invités, pour rencontrer et partager la vie de nos paroissiens, pour visiter des malades ou des personnes esseulées… et je ne doute pas qu’entre frères et amis, vous fassiez la même chose !
Alors ? Là encore, il s’agit de ne pas se disperser, de ne pas chercher les honneurs ou la notoriété, de ne pas rechercher de nouveaux gains. Il faut de la stabilité et de la discrétion, il faut surtout être indépendants pour rester focalisés sur la mission et non sur l’intendance : où irai-je dormir ce soir, qui me nourrira ?
Et nous ? Savons-nous limiter nos déplacements à ce qui est vraiment utile à la mission et à la vocation de chacun ? Avons-nous des tentations de mondanité ? Comment discernons-nous les déplacements et les rencontres qui sont bons et ceux qui ne sont que perte de temps ou recherche de soi ?
08 Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté.
Ce qui est vrai par maison, est vrai pour les villes. L’hospitalité doit alors être collective et le serviteur de Dieu se laisse faire sans se soucier de son avenir et sans chercher à optimiser ou à réclamer quoi que ce soit.
Et nous ? Sommes-nous conscients que la vraie pauvreté n’est pas de ne rien avoir mais d’être conscients que nous recevons tout de Dieu. Pouvons-nous accepter de ne pas avoir de certitudes sur nos avoirs et encore moins de contrôle… Jusqu’où ira notre confiance ?
Bien sûr, chacun doit assurer la vie de sa famille et prévoir pour l’avenir de ses enfants, mais demandons-nous au Seigneur de nous montrer quand nous avons suffisamment ? Demandons-nous la grâce de savoir nous contenter de ce que nous avons, sans chercher toujours plus ? Sommes-nous capables de partager largement ce que nous avons ?
09 Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.”
Et voici que maintenant le Seigneur renvoie à ce qui était dit à l’origine de l’appel des apôtres :
01 Jésus rassembla les Douze ; il leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons, et de même pour faire des guérisons ;
02 il les envoya proclamer le règne de Dieu et guérir les malades. (Lc 9, 1-2)
Dans l’envoi des apôtres, il y avait donc en premier lieu le combat contre les démons, en deuxième lieu les guérisons, en troisième l’annonce du règne de Dieu et en quatrième la guérison des malades.
La répétition à propos de la guérison montre à la fois qu’il ne faut pas donner de priorité ou de valeur différente à ses missions, elles sont toutes essentielles, et aussi que la guérison n’est pas seulement des maladies mais aussi de toute blessure que nous avons pu recevoir dans le corps comme dans l’âme, suite aux événements ou à la méchanceté, à l’ignorance et à la bêtise des hommes.
Pour les soixante-douze, nous avons eu l’invitation à la prière et à la pauvreté avant de retrouver l’annonce du règne de Dieu et les guérisons. La mission est donc fondamentalement la même, même si chacun l’a reçue d’une façon différente et donc doit en apprécier les nuances. Au bout du compte, c’est toujours la mission de l’Eglise : proclamation de la Parole, annonce du règne, préparation de la rencontre avec el Christ, guérison et soin des plus faibles ou fragiles, dans la pauvreté et la confiance, dans la gratuité et le don de soi, dans la docilité à l’Esprit et la joie de la grâce.
Et nous ? Saurons-nous tirer de tous ces enseignement et consignes une « feuille de route » pour notre propre vie chrétienne ? Ces Paroles divines nous aideront-elles à comprendre l’appel qui résonne en nous ? Seront-elles une clef de discernement pour mieux réponde à notre vocation ?
En guise de conclusion : Ce texte nous permet d’établir une véritable fiche signalétique du disciple que nous sommes invités à être :
- Nous sommes appelés par Dieu : ce n’est pas nous qui choisissons ;
- Nous sommes appelés à vivre notre mission dans la communion des frères et donc en Eglise ;
- Tout commence par la prière, la confiance et l’abandon ;
- Il faut aussi un cœur de pauvre ;
- Si tout cela ne se fait pas dans l’Esprit Saint, alors rien ne se fera ;
- La tentation du monde, de la richesse ou de la gloire est toujours présente, il faut s’en détacher toujours un peu plus ;
- Nous sommes envoyés à tous mais en commençant par les plus faibles et les plus fragiles ;
- Tout cela est au service du Royaume de Dieu et de l’annonce de la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu.
Si nous vivons cela, nous saurons que nous sommes membres d’une Eglise qui n’est pas le Christ mais qui l’annonce, le précède et prépare sa venue en répandant l’Esprit en abondance sur tous ceux que nous rencontrons. Les fruits de paix et de foi mais aussi de guérison nous permettront de rester dans la droite ligne de la volonté divine. Nous comprendrons alors que si nous ne sommes pas le Christ, que lui seul peut sauver, vivifier… c’est en nous qu’il le fait : si l’Eglise n’est pas le Christ, elle en est le Corps et lui est tout entier en elle, de sorte qu’il a choisi d’agir et de se rendre présent par elle, à travers elle, en elle. Plus nous vivrons et contemplerons ce mystère et mieux nous comprendrons son ultime promesse :
Et moi, je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde (mt 28, 20)