Évangile du 4 décembre 2022

Évangile de Jésus-Christ selon Saint-Matthieu (MT 3, 1-12) 

01 En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : 
02 « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » 
03 Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. 
04 Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. 
05 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, 
06 et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. 
07 Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? 
08 Produisez donc un fruit digne de la conversion. 
09 N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. 
10 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
11 Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. 
12 Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » 

 

Évangile de Jésus Christ selon st Matthieu (MT 3, 1-12) 

01 En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : 

Les deux premiers chapitres de l’Evangile de saint Mathieu sont consacrés aux généalogies (Mt 1, 1-17) puis à l’annonce faite à Saint Joseph qui prend chez lui la sainte Vierge (Mt 1, 18-25). Vient ensuite la nativité avec l’histoire des mages (Mt 2, 1-12) puis la fuite en Egypte avec le massacre des saints innocents (Mt 2, 13-18) et le retour d’Egypte et l’installation à Nazareth (Mt 2, 19-23). 

Le chapitre 3 marque donc le début de la vie publique de Jésus avec d’abord la prédication du baptiste puis le baptême de Jésus.  

Par l’Evangile de st Luc, nous savons que Jean est le fils de Zacharie, un prêtre qui habitait en Judée avec sa femme, Elisabeth, cousine de la Sainte Vierge :  

39 En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. 

40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. (Lc 1, 39-40) 

Nous ne sommes donc pas étonnés de le retrouver en Judée. Il est plus étonnant de le retrouver “au désert” et non pas chez ses parents ou dans le même village, ni même dans la montagne. Dans la Bible, le désert n’est pas qu’un lieu aride ou dépourvu de tout. Il est d’abord le lieu de la rencontre avec le Seigneur. C’est par exemple ce qui est arrivé à Moïse :  

01 Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. 

02 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. 

03 Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » 

04 Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » 

05 Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » 

06 Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voilà le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. (Ex 3, 1-6) 

C’est aussi ce qui est arrivé à Elie :  

03 Devant cette menace, Élie se hâta de partir pour sauver sa vie. Arrivé à Bershéba, au royaume de Juda, il y laissa son serviteur. 

04 Quant à lui, il marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » 

05 Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! » 

06 Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. 

07 Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste. » 

08 Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. (1 R 19, 3-8) 

C’est d’ailleurs pour cela qu’après le baptême, la vie publique de Jésus commence au désert, poussé par l’Esprit et affrontant dans une triple tentation le démon :  

01 Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. (Mt 4, 1) 

On pourrait s’étonner de voir dans ce désert que Jésus ne rencontre pas Dieu mais plutôt le diable… Ce serait oublié que Jésus est le Fils de Dieu. Au désert, il a vaincu la tentation et donc chassé le démon, de sorte que si nous y allons, nous y trouverons le Seigneur qui nous accueillera et nous aidera à résister nous aussi au tentateur. 

Plus étonnant encore le fait de le voir proclamer quelque chose. Le verbe traduit par “proclamant” est le verbe qui donne aussi le mot “Kerygme”. Cela signifie l’annonce première, la Bonne Nouvelle initiale. Mais par “première” ou par “initiale”, il ne faut comprendre un début qui sera vite dépassé, il faut plutôt découvrir un fondement qui restera toujours comme un point de repère immuable et normatif. Jean proclame donc la Bonne Nouvelle. Dans le premier Testament, il existe trois fonctions bien distinctes pour ceux qui sont envoyés par Dieu : les prêtres, chargés d’offrir les sacrifices, les prophètes, chargés d’annoncer la Parole de Dieu et les rois, chargés de diriger le peuple vers son bien commun : la sainteté, le bien commun, la communion avec Dieu selon la loi qu’Il leur a donnée. Or Jean le Baptiste est fils de prêtre et devrait donc être lui-même prêtre, offrant les sacrifices au temple. Il n’en est rien, pas de temple mais le désert, pas de sacrifice mais la proclamation. Il n’est pas prêtre, il est prophète. Voici un glissement qui nous annonce la nouvelle Alliance en Jésus Christ. Celui-ci est en effet le véritable prophète et même plus la Parole de Dieu même, mais qui est en même temps le prêtre par excellence qui s’est offert Lui-même comme sacrifice unique et définitif, et enfin il est le roi du Royaume de Dieu qui vient.  

Et nous ? Par notre Baptême, nous recevons la vie de Dieu et donc nous participons à la dignité de prêtre, de prophète et de roi, qu’en faisons-nous ? 

En quoi sommes-nous prophète ? Quand et à qui annonçons-nous la Bonne Nouvelle ?  

En quoi sommes-nous prêtre ? Qu’offrons-nous à Dieu ? 

En quoi sommes-nous rois ? Comment guidons-nous nos frères vers le Royaume des cieux ? 

 

02 « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » 

Voici donc les deux premiers éléments du “kérygme” de saint Jean Baptiste : un appel à la conversion et l’annonce de la venue du Royaume. L’appel à la conversion est bien une Bonne Nouvelle, car il nous montre que notre Dieu attend quelque chose de nous. Nous ne sommes ni condamnés, ni impuissants. Le Seigneur nous sauvera sans doute mais il ne le fera pas sans nous.  

Quant à l’annonce du Royaume, elle nous fait entrer dans l’espérance. Ce n’est pas un simple espoir, comme si nous envisagions de loin une réalité future, à venir. Il s’agit plutôt d’avoir assez de confiance en Dieu pour croire qu’il vient (c’est la foi). Mais ensuite il faut avoir assez d’amour de Dieu pour désirer cette venue et nous réjouir de savoir qu’il vient (c’est la charité). Alors, nous pourrons vivre dès maintenant ce qui n’est pas encore mais qui est assuré et qui donne sens à notre vie. Le changement est présent et réel, car nous nous appuyons sur la promesse de Dieu et sur Dieu même pour qui le temps n’est rien. Ce n’est pas tant que nous précédons la grâce, mais plutôt que nous profitons déjà, par la grâce de Dieu, de ce qui n’est pas encore mais qui vient. Dieu est alors la seule raison de notre attitude et de notre action : c’est cela l’Espérance.  

Et nous ? Avons-nous assez de confiance pour croire que le Seigneur vient, avons-nous la foi ?  

Avons-nous assez d’amour pour nous réjouir de sa venue et la désirer de tout notre cœur, avons-nous la charité ? 

Sommes-nous capables dès à présent de ne rien faire, dire, ou penser, de ne rien désirer ou projeter, que pour Dieu avec Dieu et en Dieu, avons-nous l’espérance ? 

03 Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. 

Voici les paroles d’Isaïe :  

03 Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. (Is 40, 3) 

On y retrouve bien le désert. Si ce désert est le lieu où Dieu vient à notre rencontre et nous parle cœur à cœur comme nous l’avons dit plus haut, alors “celui qui crie dans le désert” ne peut être que Dieu. Et Jean est la voix… Notez qu’il n’est pas la Parole. C’est le Christ qui est la Parole comme nous le dit si bien saint Jean dans son prologue :  

01 AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. (Jn 1, 1) 

Et un peu plus loin pour nous montrer qu’il parle bien de Jésus le fils de Marie :  

14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. (Jn 1, 14) 

Jean, lui, n’est pas la Parole, il est la voix. Nous savons bien que notre voix est ce qui nous permet de nous exprimer, tandis que notre Parole est ce que nous exprimons. La parole porte la pensée comme la voix porte la parole. Et bien, Jean, avec humilité, se reconnaît comme la voix. C’est le Christ qui sera la Parole, Lui qui ne fait qu’un avec le Père, Lui qui est Dieu, qui exprime la pensée de Dieu, non seulement en parlant mais aussi en agissant et tout simplement par sa vie et son être. Mais Jean est comme un porte-parole, il annonce la parole qui vient, il permet à cette parole de devenir audible pour le plus grand nombre. 

Et que dit cette voix ? Deux choses : préparez, et redressez les chemins du Seigneur. La première des choses à dire est que ces chemins sont ceux de Dieu. Il ne s’agit pas tant du chemin que nous faisons mais surtout du chemin que Dieu fait vers nous. Heureusement ! En effet, nous sommes si pauvres et petits, notre marche est bien hésitante et lente, l’essentiel de la distance qui nous sépare de la sainteté de Dieu, c’est Dieu Lui-même qui va la faire ! 

Ensuite, il faut rendre droit ce chemin… Mais qu’est-ce qui pourrait empêcher le Seigneur de marcher droit vers nous ? N’est-il pas tout-puissant, infiniment au-dessus de tout obstacle ? Une seule chose peut lui faire obstacle : notre liberté. Parce qu’il l’a voulue ainsi dans sa bonté, le Seigneur nous a rendu libres et il respecte cela. Ainsi notre liberté peut faire obstacle à sa venue quand nous le fuyons, le repoussons. Imaginez que quelqu’un vienne vers vous en ligne droite, si vous vous retournez ostensiblement dans la direction opposée, ne sera-t-il pas obligé de tourner autour de vous pour vous rejoindre ? Mais pour que sa route redevienne droite, il faut que vous vous retourniez vers lui… Se retourner ou se convertir, c’est le même mot ! Convertissez-vous, rendez droits ses sentiers ! 

Et puis, il faut préparer les chemins du Seigneur… Là encore, qu’est-ce que cela peut signifier ? Si c’est lui qui fait le chemin, comment le lui préparer ? Nous savons bien que nous ne pouvons pas aller bien loin au-devant du Seigneur car nous sommes faibles, mais que faut-il pour que quelqu’un trouve facilement son chemin ? Il faut que le chemin soit éclairé et indiqué. Ainsi par nos bonnes actions, nous rayonnons de la sainteté de Dieu, éclairant le chemin, non de notre propre lumière mais de la sienne, comme la lune qui reflète la lumière du soleil et en devient à son tour luminaire. Et même si nous ne parvenons-pas à éclairer de nos bonnes actions le chemin de nos cœurs, nous pouvons toujours crier vers le Seigneur, le supplier. Nos appels deviendront alors une indication de notre position, comme un signal qui lui permette de s’orienter vers nous et de nous trouver plus facilement. Les marins savent bien qu’il existe des bouées équipées de sifflets, ainsi quand le temps est à la brume ou que la mer est trop forte pour qu’on les voie, le vent dans le sifflet permet de les entendre et de les repérer.  

Et nous ? Cherchons-nous par nos actes de foi, d’espérance et de charité à éclairer la route du Seigneur qui vient ? 

Avons-nous au moins l’humilité de crier vers Lui dans nos prières pour que, tel le bon berger, il puisse retrouver la brebis perdue que nous sommes ?  

Avons-nous aussi le désir de nous tourner vers lui pour rendre les sentiers qu’Il emprunte pour nous rejoindre un peu plus droit ? 

04 Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ;  

Cette description peut nous paraître étonnante, mais elle a sa raison d’être. Le vêtement en poil de chameau est en effet dans le premier Testament ce qui permet de reconnaître le prophète Elie :  

05 Les messagers revinrent auprès du roi, qui leur dit : « Pourquoi donc êtes-vous revenus ? » 

06 Ils répondirent : « Un homme est monté à notre rencontre et nous a dit : “Allez ! Retournez auprès du roi qui vous a envoyés et dites-lui : Ainsi parle le Seigneur : N’y a-t-il donc pas de Dieu en Israël, que tu envoies consulter Baal-Zéboub, dieu d’Éqrone ? C’est pourquoi le lit sur lequel tu es monté, tu n’en descendras pas, car, à coup sûr, tu mourras.” » 

07 Il leur dit : « Comment était habillé l’homme qui est venu à votre rencontre et qui vous a dit ces paroles ? » 

08 Ils répondirent : « C’était un homme portant un vêtement de poils et une ceinture de cuir autour des reins. » Il déclara : « C’est Élie de Tishbé. » 

Quant à la ceinture, il faut un texte un peu plus long pour en expliquer le symbole :  

01 Ainsi m’a parlé le Seigneur : « Va, tu achèteras une ceinture de lin et tu la mettras sur tes reins. Évite de la tremper dans l’eau. » 

02 Selon la parole du Seigneur, j’ai acheté une ceinture et je l’ai mise sur mes reins. 

03 De nouveau, la parole du Seigneur me fut adressée : 

04 « Avec la ceinture que tu as achetée et que tu portes sur les reins, lève-toi, va jusqu’à l’Euphrate, et là-bas cache-la dans la fente d’un rocher. » 

05 Je suis donc allé la cacher près de l’Euphrate, comme le Seigneur me l’avait ordonné. 

06 Longtemps après, le Seigneur m’a dit : « Lève-toi, va jusqu’à l’Euphrate, et reprends la ceinture que je t’ai ordonné de cacher là-bas. » 

07 Je suis donc allé jusqu’à l’Euphrate, j’ai creusé, et j’ai repris la ceinture de l’endroit où je l’avais cachée. Et voici : la ceinture était pourrie, hors d’usage ! 

08 Alors la parole du Seigneur me fut adressée : 

09 « Ainsi parle le Seigneur : Voilà comment je ferai pourrir l’immense orgueil de Juda et de Jérusalem. 

10 Ce peuple mauvais, qui suit les penchants de son cœur endurci et qui marche à la suite d’autres dieux, pour les servir et se prosterner devant eux, il deviendra pareil à cette ceinture qui est hors d’usage. 

11 En effet, de même qu’un homme s’attache une ceinture autour des reins, de même je m’étais attaché toute la maison d’Israël et toute la maison de Juda – oracle du Seigneur, pour qu’elles soient mon peuple, mon renom, ma louange et ma parure. Mais elles n’ont pas écouté ! » (Jr 13, 1-11) 

Ainsi la ceinture est-elle d’abord un symbole de gloire que le prophète achète et exhibe. Mais rapidement, elle devient puanteur et pourriture : l’orgueil qui au début se pavane, détruit, en fin de compte, l’orgueilleux. Mais mieux encore, la ceinture qui attache le vêtement au corps est le symbole de ce qui attache Dieu à son peuple : son amour. L’homme qui refuse d’être ainsi attaché, refuse l’amour de Dieu et perd à la fois ce qui fait sa grandeur et ce qui lui permet de vivre et de durer.  

Lisons dans ce sens un autre texte que nous connaissons bien :  

17 Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. 

18 Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » 

19 Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. » ( Jn 21, 17-19) 

Nous sommes bien dans le contexte de l’amour de Dieu, la triple demande de Jésus à saint Pierre : “m’aime-tu ?” 

Puis voici la ceinture, elle est le symbole de la liberté de Pierre “tu la mettais toi-même, tu allais où tu voulais”. Elle deviendra le symbole de sa captivité et même de sa mort : “un autre te la mettra pour t’emmener...” 

Notons que cette liberté est plutôt une autonomie qui est la fierté de celui qui en jouit, en être privé l’humilie… 

Mais si la ceinture représente l’amour, alors on peut interpréter aussi de la manière suivante : “quand tu étais jeune, toi, Pierre, tu ne me connaissais pas encore, moi, Jésus. Tu t’attachais à qui tu voulais et suivais tes propres lois (qui n’étaient peut-être pas mauvaise, Pierre était un juif observant) mais plus tu vas vieillir, plus tu t’attacheras à moi, ce sera moi qui te mettrais ta ceinture, c’est mon amour qui t’attachera, et cet amour t’emmènera jusqu’au martyr, jusuq’à la mort que tu ne souhaites évidemment pas mais que tu accepteras avec joie pour moi, pour témoigner de cet amour que trois fois tu viens d’exprimer… Alors tu rendras gloire à Dieu ! 

Ce long excursus pour dire que la description de Saint Jean Baptiste manifeste à la fois qu’il est Elie, dont la prophétie annonçait le retour, prophétie que Jésus lui-même a attribué à Jean :  

13 Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. 

14 Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui, le prophète Élie qui doit venir. 

15 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (Mt 11, 13-15) 

Et aussi qu’il est très aimé et très aimant de Dieu… 

Et nous, acceptons-nous d’être attachés à Dieu, attachés par Dieu ? Son amour est-il assez désirable pour que nous le préférions à notre autonomie, notre fierté, notre orgueil ?  

Et si le Seigneur nous posait la question “m’aimes-tu ?” pourrions-nous répondre en vérité et en profondeur par l’affirmative ?  

Et cet amour est-il assez grand pour rendre témoignage à Dieu par toute notre vie ? Jusqu’au martyr ? 

il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. 

Là encore cette précision nous dépasse un peu mais on trouve dans la loi :  

20 Toutes les bestioles ailées qui marchent sur quatre pattes seront immondes pour vous. 

21 Mais parmi toutes les bestioles ailées qui marchent sur quatre pattes, vous mangerez seulement celles qui ont des pattes articulées leur permettant de sauter sur le sol. 

22 Voici donc celles que vous pourrez manger : les différentes espèces de sauterelles, criquets, grillons et locustes. 

23 Mais toute autre bestiole ailée qui a simplement quatre pattes sera immonde pour vous. (Lv 11, 20-23) 

Il s’agit de faire remarquer en même temps la pauvreté du prophète et son respect strict de la loi. Quant au miel, il renvoie à une expression bien connue du premier testament : “un pays ruisselant de lait et de miel”. C’est la promesse et la description que Dieu fait de la Terre promise. Les 5 livres de la loi utilisent près de vingt fois cette expression ! Ainsi le prophète, qui dans sa pauvreté, respecte la loi en se nourrissant de sauterelles, se voit aussi attribuer les signes de la richesse de la terre promise et offerte par Dieu à son peuple : le miel. Mais bien sûr il n’est pas un voleur, il ne va prendre le lait à son propriétaire et le miel qu’il prend est du miel sauvage ! 

Et nous ? Sommes-nous capables de faire passer la loi de Dieu avant notre confort ?  

Sommes-nous capables de voir tout ce que Dieu nous donne plutôt que de crier après tout ce que nous voudrions avoir ? Peut-être serait-il bon de faire un petit bilan de tout ce que nous possédons par la grâce de Dieu… 

05 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, 

Commençons par regarder la description géographique : il s’agit des régions où l’on trouve des juifs fervents. On exclut bien sûr la Samarie, qui est un pays ennemi, et on exclut aussi la Galilée, qui est considérée comme trop mélangée, impure, (Isaïe parle de la “Galilée des nations”) … Bref, ce sont tous les juifs (les “vrais”) qui accourent vers Jean. 

Considérons ensuite le contraste entre le désert dont il était question juste avant et les expressions de ce verset : “toute la Judée”, toute la région du Jourdain”, Jérusalem, (grande ville) c’est une description de foules qui nous est donnée en opposition au désert… 

Enfin, Jérusalem est une grande ville et la région du Jourdain possède des terres riches et si la Judée est contrastée, on y vit correctement. Voilà qui contraste avec la vie pauvre et toute simple du prophète. Autrement dit, un homme seul attire la foule, le désert attire la ville ; la pauvreté attire ceux qui sont dans l’opulence, c’est un peu le monde à l’envers ! 

Et nous, Pour Dieu serions-nous prêts à revoir nos priorités, nos valeurs… A quoi sommes-nous prêts à renoncer pour Lui ? 

06 et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. 

Voici qui vient compléter les deux points déjà vus de l’annonce de la Bonne Nouvelle. Après l’appel à la conversion et l’annonce du Royaume, voici la proposition d’un baptême et l’invitation à reconnaître ses péchés. Il peut sembler contradictoire que la confessions des péchés arrive à la fin, après l’appel à la conversion ou le baptême. L’ordre logique semblerait plutôt être :  

  1. Je reconnais mes péchés
  2. Je me fais baptiser
  3. Lavé de mon péché, je me convertis. 

Mais c’est tout le contraire : d’abord la conversion puis le baptême et ensuite la reconnaissance des péchés, du moins dans l’ordre d’apparition du texte. Il y a évidemment une raison à cela. L’histoire entre Dieu et les hommes ne peut être une histoire de culpabilité ou de condamnation. C’est d’abord une histoire d’amour. C’est pour cela que le premier élan doit être celui de la conversion. Si je ne me tourne pas avec amour vers Dieu, alors quel sera le véritable sens de ma vie ?  

Ensuite, l’évangéliste parle d’abord du baptême avant de parler de la confession des péchés, même si nous savons bien que concrètement on commence par dire son péché et ensuite le bain du baptême nous en lave… Masi c’est là encore le mouvement de l’espérance dont nous parlions plus haut : c’est parce que nous savons déjà que nous serons pardonnés que nous n’hésitons pas à dire notre péché, à le reconnaître. Ce n’est ni pour s’en vanter ni pour culpabiliser, mais pour mieux le connaître et avec la grâce de Dieu, mieux le combattre et nous en débarrasser. 

Et nous ? Comment vivons-nous cet amour de Dieu qui nous pousse à la réconciliation et au pardon ?  

Quelle conversion vivons-nous (ne répondons pas trop vite, s’il est vrai que nous n’avons jamais fini de nous convertir, cela ne signifie pas que nous n’avons pas commencé… !) ?  

Sommes-nous convaincus que la miséricorde de Dieu soit infiniment plus grande que nos pires péchés ? La seule chose qui pourrait l’empêcher, c’est notre refus de la recevoir. C’est sans doute cela : le “péché contre l’esprit” :  

28 Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. 

29 Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. (Mc 3, 28-29) 

Si nous pensons que cet Esprit est mauvais et que nous n’en voulons pas, puisqu’il est l’Esprit de sainteté, de miséricorde et de pardon, celui qui nous éclaire pour nous convertir et nous réconcilier, comment pouvons-nous espérer encore la conversion, le pardon ou la réconciliation ? Mais puisque nous ne croyons pas que l’Esprit de Dieu soit mauvais pour nous, nous n’avons rien à craindre, même nos pires péchés seront pardonnés.  

Et sommes-nous prêts à faire en vérité l’effort de nommer notre péché, non pas pour l’apprendre à Dieu qui sait tout, non pas pour en informer ou être jugé par un tiers (le prêtre qui confesse) mais pour grandir dans la lucidité et faire la vérité sur l’état de notre âme sans à-peu-près, sans non-dit, sans nous excuser trop vite ou négliger et dénier nos péchés. L’examen de conscience est pour nous, la formulation à haute voix devant un autre pour notre clairvoyance ; l’usage d’un prêtre, ministre ordonné par Dieu et missionné pour cela, sert à notre foi et à notre humilité (raison pour laquelle les prêtres ne se confessent pas eux-mêmes mais ont recours à un confrère comme tous les baptisés) ? 

07 Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême,  

Les pharisiens représentent un courant fort du judaïsme de l’époque. Même si Jésus les a souvent bousculés, Il est très proche d’eux et a souvent accepté de déjeuner chez l’un ou de discuter avec l’autre. Ils sont des observateurs très stricts de la loi. Ils cherchent non seulement à fuir le mal mais aussi les occasions du mal. Par une vie étroitement réglée par les centaines de commandements qu’ils connaissent par cœur et essaient de respecter, même les plus insignifiants, ils évitent le mal et se créent une vie où même la tentation est diminuée. Le sens du mot “pharisiens” est sans doute “séparés”. Cela vient de la compréhension de l’alliance entre Dieu et un peuple qui, dès lors, est “séparés” des autres peuples. Rappelons-nous la vocation d’Abraham :  

01 Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, (Gn 12, 1) 

« quitte”, autrement dit : “sépare-toi” ! 

Mais Jésus leur reproche une observance trop formaliste et juridique ; ils n’y mettent pas assez l’esprit et le cœur. Du coup, ils risquent de ne pas se rappeler que c’est d’abord sur l’amour qu’on est jugé. Ils évaluent facilement le jugé d’observance puisqu’il est formel et peuvent tomber dans l’orgueil pour eux-mêmes et dans le jugement sur les autres. Ils se voient alors “séparés” des pécheurs, comme s’ils étaient eux-mêmes des purs. C’est par exemple le sens de la parabole du pharisien et du publicain qui commence ainsi :  

09 À l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres, Jésus dit la parabole que voici : (Lc 18, 9) 

La séparation est alors mauvaise et injustifiée.  

Quant aux Saducéens, ils sont un autre groupe de l’époque, essentiellement sacerdotal, qui est aussi très politisé. Les Saducéens étaient plus engagés dans la lutte d’influence et les querelles de pouvoir que dans la défense de loi. Cependant, ils sont souvent à titre personnel des juifs très fervents et très religieux. 

Il y a quelque chose d’étonnant à voir que même ces gens-là, supposés être les meilleurs du peuple, viennent demander le baptême. 

Et nous ? Avons-nous tendance à plus nous intéresser à nos prérogatives droites et à l’état de notre âme (saducéens) ? 

Avons-nous tendance à nous flatter de nos efforts et réussites, à nous contenter de ce que nous faisons ou vivons-nous déjà sans trop chercher à progresser ou même en nous estimant meilleurs que nos frères (pharisiens) ? 

Sommes-nous convaincus que tout ce que le Seigneur nous donne pour nous convertir (son Eglise, sa Parole, ses sacrements, nos frères) doit nous permettre de grandir, sans rien ne négliger, ni repousser ? 

Pouvons-nous formuler clairement le prochain pas que nous voulons faire pour grandir en sainteté ? 

il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? 

L’insulte n’est pas petite ! Ils se considèrent comme les fils d’Abraham, les héritiers de la promesse, et Jean les traite de fils du serpent, et donc de personnes mauvaises.  Jésus lui-même reprend à son compte cette appellation : 

34 Engeance de vipères ! comment pouvez-vous dire des paroles bonnes, vous qui êtes mauvais ? Car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. 

35 L’homme bon, de son trésor qui est bon, tire de bonnes choses ; l’homme mauvais, de son trésor qui est mauvais, tire de mauvaises choses. (Mt 12, 34-35) 

 Et aussi  

30 et vous dites : “Si nous avions vécu à l’époque de nos pères, nous n’aurions pas été leurs complices pour verser le sang des prophètes.” 

31 Ainsi, vous témoignez contre vous-mêmes : vous êtes bien les fils de ceux qui ont assassiné les prophètes. 

32 Vous donc, mettez le comble à la mesure de vos pères ! 

33 Serpents, engeance de vipères, comment éviteriez-vous d’être condamnés à la géhenne ? (Mt 23, 30-33) 

La colère qui vient fait référence à l’expression la “colère de Dieu”, qui est très présente dans le premier Testament, et qui l’est encore jusqu’à l’Apocalypse, en voici quelques exemples :  

Et ils disaient aux montagnes et aux rochers : « Tombez sur nous, et cachez-nous du regard de celui qui siège sur le Trône et aussi de la colère de l’Agneau.(Ap 6.16) 

Car il est venu, le grand jour de leur colère, et qui pourrait tenir ? » (Ap 6.17) 

Les nations s’étaient mises en colère ; alors, ta colère est venue et le temps du jugement pour les morts, le temps de récompenser tes serviteurs, les prophètes et les saints, ceux qui craignent ton nom, les petits et les grands, le temps de détruire ceux qui détruisent la terre. » (Ap 11.18) 

lui aussi boira du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère ; il sera torturé par le feu et le soufre devant les anges saints et devant l’Agneau. (Ap 14.10) 

Et la grande ville se disloqua en trois parties, et les villes des nations tombèrent. Et Dieu se souvint de Babylone la Grande, pour lui donner à boire le vin de sa fureur, la coupe de sa colère. (Ap 16.19) 

De sa bouche sort un glaive acéré, pour en frapper les nations ; lui-même les conduira avec un sceptre de fer, lui-même foulera la cuve du vin de la fureur, la colère de Dieu, Souverain de l’univers ; (Ap 19.15) 

Nous voyons ainsi associés trois mots : colère, fureur et jugement. Il s’agit de bien comprendre : le jugement : nous savons ce que c’est : ce n’est pas que Dieu condamne les personnes, mais il sépare le bien du mal, les bonnes actions des mauvaises, les bonnes intentions des mauvaises… Ainsi, la vérité étant faite, il s’agira pour nous de choisir, saurons-nous abandonner ce qui est mauvais, saurons-nous choisir ce qui est bien ? Mais nous savons que Dieu ne saurait supporter le mal qui lui fait horreur. Ce qu’il veut, c’est le bien, le bon, le beau, le vrai, le saint, l’amour, la paix, la joie… Tout le reste sera détruit. Pour nous, cela risque d’être exigeant, voire violent. Ce n’est pas Dieu qui est violent, mais c’est l’arrachement à nos penchants mauvais, à nos habitudes désordonnées…  Dieu est doux et bon, mais pas notre attachement au mal qui se débat avec force conte le jugement véridique de Dieu. Voilà que la colère et la fureur sont contre le mal et non contre nous, et aussi peuvent être l’impression que nous donne la purification dont nous bénéficierons mais qui ne sera pas toujours agréable, facile et pleine de joie… cela dépendra de notre capacité à l’abandon, à l’obéissance, au choix de Dieu, à l’amour.  

Ces expressions nous rappellent qu’il ne faut pas confondre la douceur : vertu qui accepte l’autre tel qu’il est pour l’aider à progresser. Dieu est doux, et la mièvrerie, tendance sentimentale à vouloir gommer tout différence, toute aspérité, tout combat pour que tout semble simple. C’est une ruse du démon pour nous détourner du bien : le combat pour la justice est parfois âpre et douloureux car le mal s’en défend rudement. La mièvrerie nous fait confondre la paix avec l’absence de combat !  

Et nous ? Faisons résonner en nous ces mots : bien, bon, beau, pardon, abandon, combat spirituel, choix de Dieu, purification… Soyons prêts à relever les défis, pour Dieu, pour nos frères, pour la vie éternelle !  

08 Produisez donc un fruit digne de la conversion. 

Nous retrouvons le thème de la conversion. Mais le contexte est bien précis : vous, vous croyez des gens bien, des observants de la loi, je vous dis que vous êtes des fils du serpent. Ne vous contentez donc pas d’écouter le prophète et de vivre le baptême comme un symbole, un simple signe ou un rite sans conséquence : “produisez un fruit digne de la conversion”.  

Le Seigneur lui-même reprendra le symbole des fruits :  

15 Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces. 

16 C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Va-t-on cueillir du raisin sur des épines, ou des figues sur des chardons ? 

17 C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits, et que l’arbre qui pourrit donne des fruits mauvais. 

18 Un arbre bon ne peut pas donner des fruits mauvais, ni un arbre qui pourrit donner de beaux fruits. 

19 Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu. 

20 Donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. 

21 Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. (Mt 7, 15-21) 

Suit la parabole de la maison construite sur le roc ou celle qui est construite sur le sable… 

Les fruits, dont il est question, sont donc les actions faites en conformité avec la volonté du Père. Autrement dit, il ne suffit pas de suivre la loi à la lettre, il ne suffit pas de fuir les actions mauvaises, il faut encore écouter dans son cœur ce que Dieu nous demande et le faire. Il faut lier aux actions droites une intention droite, qui est obéissance à Dieu et amour du Père et des frères. 

Et nous ? Cela nous parait peut-être un peu théorique ou abstrait, lisons donc saint Paul :  

22 Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, 

23 douceur et maîtrise de soi. En ces domaines, la Loi n’intervient pas. 

24 Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. 

25 Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit. 

26 Ne cherchons pas la vaine gloire ; entre nous, pas de provocation, pas d’envie les uns à l’égard des autres. 

Nous voici avec neuf fruits dont saint Paul nous dit pourtant au singulier : “voici le fruit de l’esprit”. C’est que l’action de l’Esprit est simple et une comme Lui. Ainsi tout découle les uns des autres de sorte que l’un progresse dans tous ces dons et qu’à l’autre, il en manque un, il manque un peu de tous. 

Il n’est pas le lieu ici de réexpliquer ces dons, nous l’avons fait pour la fête de Pentecôte, mais rappelons en général que si tels sont les fruits de l’Esprit, alors  

1- chaque fois que nous en repérons un dans nos vies, nous savons que l’Esprit est à l’œuvre en nous. 

2- Chaque fois que nous repérons un manque ou un péché dans ses domaines-là, nous savons que nous avons à nous retourner vers l’Esprit pour nous en sortir. 

3- Ce sont nos actions qui produisent ces fruits, mais non pas en raison de nos mérites. Si nous produisons de tels fruits, c’est parce que nous avons coopéré à l’œuvre de Dieu, de l’Esprit en nous. Nous devons donc être plus dans l’action de grâce que la fierté, dans l’humilité que dans la revendication, dans la joie de la rencontre avec l’Esprit d’abord et avant tout. 

4- L’opposé des fruits est aussi clairement défini : passions, convoitises, vaine gloire, provocation… Nous pouvons ainsi de la même manière repérer l’œuvre du malin en nous pour en demander la libération et le pardon. 

09 N’allez pas dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père” ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. 

Voici qui confirme l’intention de saint Jean quand il les appelait “engeance de vipères”. Il y a bien une opposition entre les fils d’Abraham et les fils du serpent. Mais ici, le prophète explique : vous vous croyez fils d’Abraham à cause de votre race, mais la race n’a pas d’importance, c’est du matériel et Dieu a tout pouvoir là-dessus. Ce que Dieu cherche, c’est le fruit que vous portez, qui vient, non de la matière mais de l’amour, de l’humilité, de l’obéissance … bref de la sainteté et de la coopération à l’Esprit Saint de Dieu. Cela, en effet, dépend de notre liberté que Dieu respecte et donc sur laquelle il n’a pas de pouvoir (parce qu’Il en a décidé ainsi dans sa grande bonté). 

Le contraste est d’autant plus fort que l’expression “fils de “ implique une fécondité que par nature les pierres n’ont pas. Autrement dit, cette fécondité naturelle, qui tient au corps et à la matière, n’a aucun intérêt quand on parle de conversion, de sainteté, de pardon et de réconciliation avec Dieu. En définitive, une seule chose compte : c’est l’amour que l’on a pour Dieu et nos frères, d’où le grand commandement :  

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. 

38 Voilà le grand, le premier commandement. 

39 Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 

40 De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes. » (Mt 22, 37-40) 

Si toute la loi et les prophètes en dépendent, c’est que nous sommes bien au cœur de l’annonce première, du kérygme, que proclame saint Jean Baptiste. 

Et nous ? Nous arrive-t-il de chercher plus une pureté apparente ou formelle qu’un cœur converti ? Nous reposons-nous parfois sur la miséricorde de Dieu, sur des pratiques machinales, automatiques ou superficielles pour ne pas trop nous “forcer”, pour éviter le combat ? 

Et pouvons-nous nous rappeler de moments forts où nous avons vécu un authentique moment d’amour avec Dieu ou avec nos frères, pour Le voir à l’œuvre en nous et pour reconnaître sa présence dans nos vies ?  

10 Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. 

Et voici que Saint Jean continue dans l’expression paradoxale : après avoir évoqué une hypothétique fécondité des pierres par l’action de Dieu, il constate aussi la possible stérilité d’un symbole même de la vie : un arbre. Les racines sont censées être la source de la vie mais elles seront les premières victimes de la cognée… Et cela à cause mauvais fruits ou en tout cas de l’absence de bons fruits.  Il faut donc faire le lien entre les racines et le fruit. Ici, ce ne sont pas tant le tronc et les branches qui sont suggérées que la sève qui monte des racines et produit le fruit. Autrement dit, ce n’est pas l’apparente vigueur extérieure qui provoquera un jugement positif ou négatif, mais c’est bien la vie intérieure et le fruit qui en résultent : un petit, chétif mais qui porte du fruit pourra être choyé ; un grand et solide arbre qui ne produit rien (qui est séparé ?) sera coupé, détruit. Rappelons-nous la parabole du figuier :  

« Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. 

07 Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” 

08 Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. 

09 Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” » (Lc 13, 6-9) 

Bien sûr, cette parabole met d’abord en avant la patience de Dieu, sa bonté qui octroie du temps et du fumier, de l’attention et du labeur pour que le fruit soit porté ; mais elle rappelle tout de même qu’au bout du compte, s’il n’y a pas de fruit, l’arbre sera coupé. Le jugement n’est pas sans miséricorde, il est bon et patient, mais il est aussi véridique et exigeant. 

Quant au feu, il représente bien la condamnation ultime et l’enfer ; quand le bois est brûlé, l n’y a pas de retour possible, tout est fini… L’Apocalypse nous en donne plusieurs fois la confirmation : 

La Bête fut capturée, et avec elle le faux prophète, lui qui, en produisant des signes devant elle, avait égaré ceux qui portent la marque de la Bête et se prosternent devant son image. Ils furent jetés vivants, tous les deux, dans l’étang de feu embrasé de soufre. (Ap 19.20) 

Et le diable qui les égarait fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, où sont aussi la Bête et le faux prophète ; ils y seront torturés jour et nuit pour les siècles des siècles. (Ap 20.10) 

Puis la Mort et le séjour des morts furent précipités dans l’étang de feu – l’étang de feu, c’est la seconde mort. (Ap20.14) 

Et si quelqu’un ne se trouvait pas inscrit dans le livre de la vie, il était précipité dans l’étang de feu. (Ap20.15) 

Quant aux lâches, perfides, êtres abominables, meurtriers, débauchés, sorciers, idolâtres et tous les menteurs, la part qui leur revient, c’est l’étang embrasé de feu et de soufre, qui est la seconde mort. » (Ap21.08) 

Et nous ? Pouvons-nous en même temps avoir confiance dans la patience et la miséricorde de Dieu et pourtant avoir conscience de l’urgence de nous convertir et de faire du bien ? 

L’existence de l’enfer doit nous montrer que Dieu respecte notre liberté jusqu’au bout, au-delà même de ce que nous pouvons concevoir. Elle nous fait prendre conscience de notre responsabilité. Est-ce que cela nous fait peur ? Est-ce que nous vivons cela dans la confiance en Dieu ? Est-ce que nous prenons les moyens de n’avoir rien à en craindre ? (Notons la description de ceux qui y finissent dans la dernière citation de l’Apocalypse ci-dessus, il faut tout de même être engagé très loin dans le péché pour être passible de l’étang de feu). Pour celui qui, sereinement, cherche le Seigneur et fuit le mal, l’existence de l’enfer n’est pas une source d’inquiétude mais de joie car elle révèle un peu plus l’amour immense d’un Dieu qui nous respecte et nous laisse libre mais qui veut nous sauver tous jusqu’à offrir son fils pour cela. 

11 Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. 

 Voici le premier terme d’une distinction ; “moi” qui dans le verset suivant se distinguera de “celui qui vient”. Il faudra donc aussi opposer l’eau à l’esprit saint et le feu. Mais ici st Jean précise “pour la conversion” qui n’aura ps de vis-à-vis dans le paragraphe suivant. C’est que l’eau n’est qu’un symbole matériel pour une réalité plus intérieure : la conversion. Le baptême de Jésus n’est pas seulement un symbole, il est une réalité. Désormais l’homme vie de l’Esprit Saint qui agit comme un feu intérieur. Ici il n’y a plus rien avoir avec l’étang de feu de l’Apocalypse, il s’agit du feu de la pentecôte, source de vie, de courage et d’envoie missionnaire :  

03 Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. 

04 Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. (Ac 2, 3-4) 

 Et nous ? Croyons-nous à la réalité de ce qui nous est arrivé le jour de notre baptême ? Sommes-nous convaincus que nous sommes désormais enfants de Dieu, membre du Corps du Christ, Temple de l’Esprit ? En quoi cela influence-t-il nos actions ? En quoi cela change-t-il nos vies ?

Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. 

Voici une grande nouveauté ; jusqu’ici, le Baptiste a annoncé la venue du Royaume ; maintenant, c’est un homme qu’il annonce. Le Royaume dont il parlait, c’est le christ lui-même. Nous apprenons de lui : 

1- il vient derrière lui (sa venue est donc imminente) 

2- Il est plus fort  

3 sa dignité est telle que le prophète disparait devant Lui. 

Du premier point, il n’y a pas grand-chose à dire si ce n’est que Jean affirme que l’ère prophétique, qui durait depuis des siècles, trouve enfin son achèvement : celui qui était annoncé vient ! 

Le second point pourrait passer pour anecdotique ou évident, mais une petite parabole du Christ lui donne un développement plus grand qu’il n’y parait :  

20 En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. 

21 Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. 

22 Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. 

23 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. (Lc 11, 20-23) 

Le Seigneur commence par évoquer que sa puissance, sa force est celle de Dieu (V 20). 

Puis il parle d’un homme fort (V 21) ; ailleurs, il parle du prince de ce monde, l’homme fort qui règne sur son palais : c’est le diable qui règne sur le monde. 

Vient alors le “plus fort”. C’est Dieu qui renverse la principauté démoniaque comme annoncée dans le premier verset.  

Reste donc à inviter chacun à choisir entre le fort et le plus fort, il n’y a pas de moyen terme (v 23). 

Bien sûr, c’est à cause de l’expression “plus fort” que ce texte nous intéresse puisque c’est la même expression dans la bouche de Jean “il est plus fort que moi”. Bien sûr, le Baptiste ne représente pas le diable, pourtant il est un homme fort qui fait courir Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain, mais aussi le peuple et même les pharisiens et les saducéens, c’est dire sa puissance, et pourtant il rencontre un plus fort. 

Jésus lui-même a dit :  

11 Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste (Mt 11, 11a) 

Et pourtant, Jean le désigne comme le plus fort, ce qui veut dire que lui, Jésus, n’est pas à considérer parmi ceux qui sont nés d’une femme, ou en tout cas pas seulement comme cela. D’ailleurs, le Seigneur ajoute lui-même :   

et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. (Mt 11, 11b) 

Il est donc du Royaume des cieux, plus grand que le Baptiste. Dans ce Royaume, la vraie grandeur est l’humilité, lui le Seigneur est donc ce “plus petit du royaume”. 

Ce qui semblait anodin est donc en fait une première affirmation très forte de la divinité et de la mission salvatrice de Jésus par Jean. 

Et nous ? Accepterons-nous que Jésus soit le plus fort en nous ? Saurons-nous nous soumettre et obéir ? Y a-t-il des domaines où ou nous voyons encore comme un homme fort, au risque de nous retrouver en conflit avec le “plus fort” ? Savons-nous en toute chose reconnaitre l’amour salvateur du Seigneur et son règne sur nous ? 

 Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. 

Voici donc le deuxième terme de la comparaison annoncée plus haut : moi /lui ; dans l’eau / dans l’Esprit Saint et le feu.  Notons que le verbe est à l’indicatif, s’il est encore au futur, il est déjà certain. 

Et nous ? Sommes-nous embrasés de ce feu qui fait de nous des disciples-missionnaires ? 

12 Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » 

Voici qui renvoie à de nombreuses paraboles : la séparation du bon grain et de l’ivraie, le discours de la vraie vigne où les sarments secs sont jetés au feu, le riche insensé qui amasse dans ses greniers… Il n’est pas nécessaire de les reprendre toutes car leur contexte est différent, ne serait-ce que par ce que, ici, st Jean baptiste parle et non le Seigneur Jésus. Mais la proximité du langage et des images nous enseigne la proximité du message et de la Bonne Nouvelle annoncés par l’un et par l’Autre. 

Ce qui avait été annoncé à propos du Royaume est ici répété à propos du messie, ce qui montre que les deux ne font qu’un.  L’ère qui commence avec saint Jean est donc cette ère du salut où le Royaume se fait proche en la personne du Christ, mais où nous sommes conviés à la conversion immédiate et urgente car désormais il n’y a plus que deux possibilités : le grenier ou le feu… 

Et nous ? Ce dernier verset nous invite moins à la conversion qu’à la contemplation : le prophète annonce avec certitude ce qui vient et nous invite à regarder ce qui vient. Il est pourtant encore et toujours temps pour nous de porter un fruit digne de conversion pour être, de manière certaine, du côté du grain, dans le grenier et non de la paille dans le feu. Savoir ce qui vient, c’est donc faire un choix responsable. Le temps de l’Avent, qui nous est donné, le temps de vie terrestre que nous traversons maintenant est fait pour que nous puissions vivre cette contemplation, et à cause d’elle cette conversion. 

 

En guise de conclusion : le Baptiste nous propose donc une Bonne Nouvelle en quelque point : un appel à la conversion, une annonce du Royaume, la promesse d’un baptême, la confession des péchés, la venue du Sauveur.  

Il nous fait comprendre que le Royaume de Dieu c’est le Sauveur. Il nous l’annonce imminent : cet homme est aussi Dieu lui-même et il nous place face à nos responsabilités : oui, il veut nous sauver, mais il ne le fera pas sans nous. Nous devons donc porter de bons fruits, qui ne sont pas les nôtres mais ceux de l’Esprit en nous. Il s’agit donc de coopérer à l’œuvre de Dieu en nous. Pour cela, il nous faut la foi, l’espérance et la charité qui nous font petits mais pas écrasés, déjà certains d’un salut que nous n’avons pas encore et surtout amoureux de celui qui vient vers nous, qui est en nous, mais vers lequel nous devons toujours plus nous tourner.