Évangile du dimanche 19 juin 2022 : Saint Sacrement

Avant tout je vous propose un temps de prière autour du texte d’évangile, selon la méthode dites de la « lectio divina » (lecture divine, lecture de la Parole divine) en groupe (la famille ou personnellement) la méthode est juste ci-dessous.

Ensuite je reprends le texte et vous invite à une méditation partie par partie. Cela devrait vous aider à mieux comprendre le texte et à mieux l’assimiler mais rien ne vaut le temps de prière initial.

         Bonne réflexion et prions les uns pour les autres !

Père Christohpe

 

LECTIO DIVINA : LA METODE

 

1- lire silencieusement le texte évangélique pour une meilleure compréhension

2- lire à haute voix (une personne) sans lenteur ni précipitation

Silence pour intérioriser (3 minutes)

Expression libre : chacun est invité à dire le groupe de mots du texte qui lui parle, le touche ; les autres écoutent et accueillent sans questions ni commentaires

3- Relire le texte à haute voix (une autre personne)

Silence pour intérioriser (5 minutes) : qu’est-ce qui me parle aujourd’hui ; comment cela touche-t-il ma vie ?

Expression brève pour ceux qui le souhaitent

4- relire le texte à haute voix (une troisième personne)

Silence pour intérioriser (5minutes) : Quelle prière monte en moi ?

Expression libre et brève d’une prière

Terminer par un Notre Père en commun

 

Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 9,11-17)

En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu et guérissait ceux qui en avaient besoin.

12 Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. »

13 Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. »

14 Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. »

15 Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde.

16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule.

17 Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.

 

 

Lecture ligne à ligne

 

En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu

Ce passage suit directement l’envoi en mission des disciples et à leur retour, le récit des merveilles qu’ils y ont accomplies. Jésus avait emmené ses disciples au désert, à l’écart mais les foules ont suivi et le Christ se laisse toucher. Il les comprend et saisit leur attente. Sa réponse est ce discours sur le règne de Dieu. Notons que Marc nous dit l’émotion du Christ devant ces foules et il décrit cette prédication comme longue :

34 En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. (Mc 6, 34)

Saint Luc se contente de déclarer :

Il leur fit bon accueil ; (Lc 9, 11)

Quant au chapitre 6 de Saint Jean, Il évoque la multiplication des pains puis évoque le déplacement sur le lac et la foule qui suit et enfin le discours qui n’est autre que celui du Pain de vie. Ainsi, le lien entre ce miracle et l’Eucharistie est affirmé tout en rappelant que le pain multiplié n’est encore que du pain ; la chair du Sauveur sera donnée ultérieurement (à la Cène) par le sacrement.

Et nous ? Sommes-nous ainsi désireux de suivre et d’entendre le Christ en étant capables de « partir au désert » ? Quelle est la dernière fois où nous avons vraiment pris du temps et dépensé notre énergie pour chercher le Seigneur et recevoir sa Parole (temps de retraite spirituelle, journée « désert », temps accordé à Dieu seul… Lecture ou formation à la prière, à la découverte de la Bible… Pouvons-nous nous rappeler ce que cela nous apporté ? Pouvons-nous programmé la prochaine fois ?

et guérissait ceux qui en avaient besoin.

Il y a toujours ce lien entre la Parole et le don de la vie : ici, la restauration de la santé. Quand le Christ envoie les disciples en mission (ce qu’Il a fait juste avant cet épisode), il lie les deux actions :

01 Jésus rassembla les Douze ; il leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons, et de même pour faire des guérisons ;

02 il les envoya proclamer le règne de Dieu et guérir les malades. (Lc 9, 1-2)

Les guérisons sont donc physiques ou spirituelles et liées à la proclamation du règne de Dieu. Ce que le Christ recommande à ses apôtres, Il commence par le faire lui-même.

Et nous ? Sommes-nous pleinement conscients de ce que le Christ fait pour nous ? De quoi nous a-t-il déjà guéris ? En quoi nous a-t-Il déjà instruit ? Forts de ses richesses, devenons-nous, pour nos frères, les instruments de la Parole et de la grâce de Dieu ?

12 Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui

Voici qui confirme que l’enseignement est long. Les disciples se sentent à la fois autorisés et obligés de venir interrompre leur maître. Notons que s’ils s’approchent maintenant de lui, c’est qu’ils n’étaient pas encore auprès de Lui. Ils étaient peut-être à l’écart pour se reposer comme cela était prévu :

 Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » (Mc 6, 31) 

Peut-être étaient-ils seulement au milieu de la foule en train d’écouter comme les autres… Qui sait ? en tous les cas, ils sont en groupe et ils viennent vers Jésus pour l’interrompre. Cela montre combien ce groupe est vraiment constitué malgré les dissensions parfois racontées dans l’Evangile, et leur proximité avec le maître.

Et nous ? Acceptons-nous, quels que soient notre foi et notre engagement de n’être qu’un au milieu de la foule des croyants ? Savons-nous que nous avons toujours à apprendre et à recevoir du Christ ?

Sommes-nous aussi conscients de la communauté à laquelle nous appartenons et de tout ce qu’elle nous apporte ? Quelle est donc notre principal lieu d’insertion dans l’Eglise ?

Cherchons-nous enfin vraiment à être des intimes du Christ, même par-delà nos propres faiblesses ou mauvaises habitudes ?

et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ;

Voici le côté très terre-à-terre et pragmatique des disciples. Ils pensent vivre et au logement. Notez qu’ils ne s’en préoccupent pas pour eux-mêmes mais pour la foule. Peut-être parce qu’ils sont organisés pour leur propre groupe mais le peu qu’ils ont à offrir ensuite ne va pas dans ce sens, peut-être parce qu’ils ont confiance en Jésus et ne s’inquiètent plus, ou parce qu’ils sont eux-mêmes trop fatigués pour aller plus loin… Masi en tout cas, ce qui ne les agite pas pour eux-mêmes, les inquiètent pour la foule. Ils sont déjà en train de devenir des pasteurs à l’image du maître, plus inquiets pour leurs brebis que pour eux-mêmes. Il leur manque encore une chose : ils ne souhaitent pas s’occuper de tous ces gens mais permettre que chacun puisse se soucier de lui-même. Ils sont déjà généreux et attentifs, pas encore responsables…

Et nous ? Où en sommes-nous de cette attention, de cette générosité et de cette responsabilité quand il s’agit de l’annonce de la Bonne Nouvelle et du soin de nos frères ?

ici nous sommes dans un endroit désert. »

C’est bien pour cela qu’ils sont là : ils cherchaient un endroit désert pour s’y reposer ! Ce qui est bon pour une poignée de disciples épuisés semble donc périlleux pour cette foule ! Voici que s’opposent les deux visions du désert :

Œ Pour les foules, les disciples craignent les lieux déserts où ils ne trouveront ni abri, ni nourriture : le désert est synonyme de désolation et de manque. Mais 

 Pour eux-mêmes, les disciples recherchent un lieu de calme et de ressourcement ; le désert est synonyme de repos et de lieu propice à la rencontre du Seigneur.

Et nous ? Quel désert expérimentons-nous ? Nos déserts sont-ils des lieux arides et sans amour que nous cherchons à fuir ou des lieux de calme où nous cherchons Dieu ? Et quand, affectivement ou humainement parlant, nous nous sentons dans un désert aride, avons-nous le réflexe de faire de celui-ci le lieu de notre rencontre avec Dieu ? Rappelons-nous de l’histoire de Moïse : recueilli par les égyptiens, il est pourtant chassé par eux pour la mort de l’un d’entre eux. Il se sentait hébreux et a pris la défense d’un opprimé qui pourtant dénonce son crime ; il part alors au désert et se retrouve seul, mais là pourtant, il recevra d’abord une épouse et un beau-père, mais aussi la révélation de Dieu :

Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb.

02 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.

03 Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? »

04 Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » (Ex 3, 1-4)

Ainsi, parce que son cœur reste ouvert et curieux, parce qu’il est généreux, du lieu aride où il n’y a rien et qu’il doit traverser avec ses troupeaux, Dieu fait-il pour lui un lieu de rencontre et de vie. Saurons-nous nous inspirer de cet exemple ?

13 Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. »

Voici le premier tournant de notre texte : nous l’avons dit précédemment, les disciples étaient bien attentifs mais pas encore responsables, Jésus les y encourage. Il le fait en leur demandant quelque chose d’impossible. Serait-ce de la cruauté ? non ! il s’agit de les mettre face à leurs responsabilités et leurs limites ou incapacités. Jésus leur montre ainsi qu’ils ne doivent pas choisir la facilité mais qu’ils ne peuvent pas non plus prétendre accomplir leurs missions par leurs propres forces. Ce sera par leur foi, leur confiance en Dieu et leur obéissance qu’ils permettront à Celui-ci de faire des merveilles en eux et à travers eux pour tous.

Et nous ? Sommes-nous de ces hommes de foi et d’humilité qui mettront leur personne au service de la grâce de Dieu pour leurs frères ? Peut-être avons-nous déjà eu l’occasion de voir ainsi l’œuvre de Dieu se réaliser en nous et par nous pour ceux que nous aimons, il est utile d’en faire mémoire, de louer Dieu pour sa grandeur et de lui rendre grâce pour cela.

Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons.

Voici qui confirme qu’ils avaient peu de choses et ne se souciaient pourtant pas pour eux-mêmes…

Mais il y a plus important. Nous trouvons ici la première mention du chiffre 5. Ce n’est pas un des chiffres les plus symboliques et les plus fréquents dans la Bible. Mais ici : 5 pains, des groupes de 50 personnes pour une foule de 5000 hommes que des 5 !

Quand on trouve le 5, c’est habituellement pour évoquer les 5 sens, donc le corps et ce qui est matériel en nous. Ainsi les 5 maris de la Samaritaine évoquent-ils une vie trop sensuelle et pas assez spirituelle ce qui l’empêche d’avoir un amour stable mais aussi de comprendre qui est Celui qui lui demande à boire (cf JN 4).

La foule de 5000 hommes évoquent cette humanité qui est encore trop tournée vers la matière et a du mal à s’ouvrir aux réalités spirituelles que le Christ lui annonce. Les groupes de 50 évoquent les besoins matériels qui vont être satisfait par la grâce de Dieu (10 : c’est la perfection de Dieu qui rencontre 5, l’homme fait de chair) et les 5 pains : les moyens matériels, totalement insuffisants et disproportionnés, qu’ont les apôtres pour répondre aux besoins de la foule.

Et nous ? Combien de fois avons-nous essayé de répondre avec nos pauvres moyens matériels et humains plutôt que de rechercher la volonté et la grâce de Dieu ?

À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. »

On sent poindre ici à la fois le découragement face à l’ampleur de la tâche et l’inquiétude de ne pas être à la hauteur, voire de se retrouver devant une exigence impossible de la part de Dieu. Ainsi est manifesté un manque de confiance des disciples qui ne savent pas comment faire et un manque de foi qui pense que Jésus les met à l’épreuve sans moyen de réussir !

Et nous ? Dans les difficultés, allons-nous baisser les bras, récriminer devant Dieu ou l’appeler à l’aide et lui faire confiance ?

14 Il y avait environ cinq mille hommes.

 1000 signifie l’infini ou en tout cas, un nombre immense comme infini. L’évangéliste montre ainsi comme une évidence que la tâche est impossible pour ces pauvres hommes !

Et nous ? Quand nous sommes déstabilisés, n’avons-nous pas tendance à noircir encore le tableau pour désespérer ou se donner une bonne raison de ne pas essayer. On raconte qu’un journaliste visitant mère Térésa à Calcutta lui a demandé si ses efforts avaient un sens « ce n’est qu’une goutte d’eau face à l’océan des besoins des pauvres » aurait-il dit… Et la sainte de répondre « sans doute, mais sans goutte d’eau, il n’y a pas d’océan ». Il voyait l’impossibilité à vie humaine de remplir la tâche de soigner les pauvres, et en trouver motif à ne rien faire ; elle voyait que ses petits moyens mis au service de l’Amour de Dieu et des autres seraient le petit rien dont Dieu ferait des merveilles !

Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. »

Par cet ordre, Jésus demande deux choses aux disciples : la première est de prendre leurs responsabilités, devant tous, ils transmettent la consigne, ils sont actifs et participent à l’œuvre de Dieu. La seconde est de lui faire confiance : ils savent qu’ils n’ont pas ce qu’il faut, ils ont demandé à Jésus de renvoyer les foules. Il leur demande de faire le contraire : les faire assoir, de manière apparemment déraisonnable car ce n’est pas assis qu’ils vont trouver de la nourriture. Seule la confiance qu’ils ont en Jésus peut donc les pousser à faire ce geste insensé en se mettant ainsi en première ligne devant la foule.

Et nous ? Où en sommes-nous de cette confiance courageuse et serviable ? De cette responsabilité à prendre soin de nos frères selon le commandement de Dieu ?

15 Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde.

Jésus demande et ils font, sans hésiter. Ils changent d’avis en un instant mais non sans raison. Ils ont la meilleure des raisons : leur foi en Dieu. Nous pouvons nous rappeler qu’au soir de la cène, il est arrivé la même chose avec Saint Pierre, modèle de conversion et de confiance en Dieu :

06 Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »

07 Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »

08 Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »

09 Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » (Jn 13, 6-9)

 Saint Pierre ne peut comprendre mais il adhère et en deux phases il passe de « jamais » à « Pas seulement les pieds ». Voila la foi qui convertit et fait obéir.

Et nous ? Quelle confiance et obéissance, quelle docilité et conversions sommes-nous prêts à vivre ? Avons-nous tendance à nous accrocher à nos premières impressions ou inclinations ? sommes-nous-prêts à changer pour Dieu ?

16 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons,

Voyons-maintenant comment Dieu agit : le premier élément, c’est qu’il accueille le peu que nous avons et que nous sommes prêts à lui offrir. Les disciples ont fait remarquer que cela n’est rien, mais le Seigneur, lui, voit dans ce « rien » le signe de notre bonne volonté et ils décident de faire de grandes choses à partir de ce rien !

Nous n’avons pas encore parler des deux poissons. Ils sont là en plus du pain… Jésus lui-même a dit

« Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4, 4)

Pas seulement : cela veut dire qu’il faut du pain, il est là. Mais pas seulement : cela signifie qu’il faut autre chose : la Parole. Mais il est Lui-même la Parole de Dieu. C’est pourquoi nous l’avons rappelé, l’Evangile de Jean relie la multiplication des pains et le discours du pain de vie, la chair du Fils de l’homme donnée en nourriture. Ici, c’est du poisson, dont nous savons qu’il deviendra un symbole christologique pour les premiers croyants. « Poisson » se dit ‘Ictus » en grec. Et ces lettres sont l’acrostiche, les premières lettres de la locution « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ». Ainsi symboliquement ici, Jésus les nourrit, pas seulement de pain mais aussi de Celui qui sera leur Sauveur, le Fils de Dieu, Parole de Dieu.

Et nous ? Quelle est notre nourriture ? Comment prenons-nous des forces pour servir Dieu et nos frères et marcher ainsi vers le Royaume de cieux ?

et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit

Le deuxième élément de l’œuvre divine du Christ est qu’Il prie. Les yeux au ciel pour faire comprendre à tous qu’Il n’agit pas seul, la bénédiction pour s’inscrire dans la tradition de son peuple qui bénit toujours la nourriture qu’il reçoit. Jésus est un exemple, il accomplit la loi en priant comme il se doit mais en faisant de cette prière l’occasion d’une merveille de Dieu pour toutes les personnes présentes. Il n’a nul besoin ni des signes, ni des formules, ni même d’une prière au Père puisqu’Il a pouvoir de multiplier lui-même les pains. Mais s’il le fait, c’est pour nous, pour nous montrer ce que nous avons à faire non seulement avant chaque repas (c’est le sens du bénédicité que nous pourrions remettre un peu plus au goût du jour dans nos familles) mais aussi avant chaque action que nous faisons « pour l’amour de Dieu et le Salut du monde », pour toutes nos actions.

Et nous ? Comment conjuguons-nous action et prière ? Savons-nous nous en remettre à Dieu, avant même de les avoir faits et pour mieux faire tous nos efforts ?

et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule.

Le troisième élément est que Dieu tout puissant n’a pas besoin de nous : il ne fait pourtant pas ses merveilles sans nous. Nous sommes des serviteurs inutiles (cf Lc 17, 10, la nouvelle traduction, pour nous épargner un peu dit « de simples serviteurs » mais le grec dit bien « des serviteurs inutiles ») mais Dieu ne nous méprise pas, Il choisit de faire de nous ses collaborateurs ; Il choisit de faire de l’Eglise une médiatrice de grâce.

Notons ici que tout don de la grâce de Dieu dépasse toujours Celui à qui il est fait. Quand Dieu nous fait grâce, c’est toujours pour nous mais aussi pour que nous devenions témoins et porteurs de Bonne Nouvelle pour ceux qui nous entourent. Le don de la grâce confère donc toujours aussi une mission et une responsabilité. Dieu ne fait pas de nous des assistés, mais des fils…

Et nous ? Saurons-nous rester humbles et discrets en sachant que nous ne sommes que des serviteurs inutiles ? Saurons-nous rester disponibles, dociles et obéissants sachant que Dieu ne veut pas faire sans nous ? Saurons-nous nous montrer responsables et pleins de gratitude pour accomplir la volonté de ce Dieu qui nous comble de ses bienfaits, de sa grâce et de sa miséricorde ?

17 Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.

Voici maintenant le quatrième et dernier élément :

  • Le Christ ne méprise pas nos pauvres efforts,
  • Le Christ nous montre l’exemple par la prière
  • Le Christ ne néglige pas de nous associer à son œuvre
  • Le Christ agit avec perfection et surabondance

Tous ont mangé à leur faim, il ne s’agit pas seulement de leur donner un peu pour qu’ils aient la force de rentrer chez eux, tous ont eu en abondance ! Et il y a surabondance puisqu’on va ramasser 12 paniers supplémentaires.

Il s’agit d’abord de ne rien perdre de ce que Dieu Donne : on ramasse ce qui reste.

Il s’agit surtout de découvrir que la grâce est un don total et sans retour, Dieu donne largement et il n’y a qu’à ramasser, Dieu ne reprend pas le surplus : il reste à notre disposition.

Enfin, le nombre 12 est symbolique du peuple de Dieu : 12 tribus d’Israël, 12 apôtres, 12 portes à la Jérusalem céleste, 144000 (12x12x1000) sauvés…

On est donc passé du 5, cinq pains, les moyens de l’homme charnel, au 12, les 1ers paniers qui restent, la nourriture des citoyens du peuple de Dieu !

Et nous ? Sommes-nous les témoins de la surabondance de la grâce de Dieu ? Comment l’avons-nous expérimentée ? Comment la faisons-nous connaître ?

Sommes-nous prêts à passer de l’homme charnel au spirituel, fils de Dieu ? Pour cela, sommes-nous unis à son œuvre et à sa volonté sur nous et dans le monde ?

 

En guise de conclusion : voici un miracle qui nous prépare au don de l’Eucharistie. Ce n’est pas seulement parce qu’il est question de pain, mais plus encore parce que le Seigneur sait prendre ce qui vient « de la terre et du travail des hommes ». Il s’en saisit et dans sa prière, l’offre à Dieu et à tous. Et dans cette offrande matérielle, c’est en fait lui qu’il offre déjà à tous. En s’offrant ainsi, il nous invite à nous offrir avec Lui. Il nous donne ainsi la responsabilité et la mission de l’honorer et de prendre soin de nos frères. Et ainsi unis à son offrande, nous sommes constitués en peuple de Dieu.

Peut-être connaissez-vous l’adage rendu célèbre pas le cardinal de Lubac : « c’est l’Eglise qui fait l’Eucharistie, c’est l’Eucharistie qui fait l’Eglise ». Il trouve dans ce texte tout son sens. Si les disciples en groupe constitué, unis par l’appel du Christ et par leur désir de le servir, n’avaient pas obéi et fais sa volonté, en donnant ce qu’ils avaient et en prenant le risque de changer leur projet pour adhérer au plan de Dieu, rien ne se serait fait. Ces disciples sont déjà l’Eglise et c’est par eux que le Christ choisit de se donner à la foule. Mais si le Christ ne décide pas de les pousser à prendre leur responsabilité, si le Christ ne donne pas le signe du pain multiplié en abondance, si le Christ ne se donne pas à travers ce pain, alors la foule aurait dû se disperser et les disciples n’auraient été que le signal de l’éparpillement. C’est le pain et la personne ainsi donnés qui constituent la foule comme un tout, comme un peuple, comme le peuple de Dieu.

Et si cela est déjà vrai par un signe et un symbole, comment ne pas contempler avec plus de joie, d’admiration, d’émerveillement et de reconnaissance la réalité opérée dans le sacrement. Là, Dieu se donne vraiment avec son corps et son sang, toute sa vie. Ce n’est plus un symbole mais une réalité, ce n’est plus un signe mais ce que le signe annonçait : Dieu se donne à nous totalement pour que nous soyons dans une communion totale et parfaite avec lui jusque dans l’éternité.